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AVANT-PROPOS.

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Un écrivain que nous aurons à citer souvent, parce qu'en traçant l'HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE au dix-septième siècle, il a pris pour guide celle à qui le présent volume est consacré, M. Cousin, a exprimé plus d'une fois le regret «qu'à la fin du dix-septième siècle, ou dans le premier tiers du dix-huitième, on n'ait pas eu l'idée de recueillir les petits vers si agréablement tournés que Mlle de Scudéry laissait échapper en toute occasion de sa veine facile, et qui charment à la fois l'esprit et l'oreille. On aurait pu y joindre, ajoutait-il, un choix de lettres sérieuses ou badines sorties de la même plume. Nous sommes assuré qu'on eût composé ainsi un volume agréable.»

Ce qu'on n'a pas fait alors, peut-être y a-t-il bien de la témérité à l'entreprendre aujourd'hui, où l'attention du public semble si éloignée de ces curiosités du passé. Et pourtant, est-ce bien le moment pour nous de dédaigner les pages brillantes de notre histoire, et l'étude de cette sociabilité française qui reste une de nos gloires les plus incontestées? Or Mlle de Scudéry a traversé tout le dix-septième siècle; ses écrits, son exemple, son entourage, ont contribué à cet avénement de la société polie qui en marqua la première moitié, qui prépara les splendeurs de la seconde, et que les nations voisines s'efforcèrent à l'envi d'imiter de leur mieux. Sans doute elle mêla quelque mauvais goût à cette action salutaire; elle raffina sur les sentiments, elle raffina sur le style. Il faut que ses lecteurs en prennent leur parti. Après tout, mieux vaut le langage des ruelles que celui des clubs: n'abuse pas qui veut de la politesse et de l'esprit. Quant aux lectrices, nous comptons sur leurs sympathies pour la bonne, l'aimable, l'ingénieuse Mlle de Scudéry, et, si elles étaient tentées de se montrer sévères pour la précieuse, nous leur rappellerions ce qu'un poëte disait

A UNE DAME EN LUI ENVOYANT LES ŒUVRES DE VOITURE

Voici votre Voiture et son galant Permesse,

Quoique guindé parfois, il est noble toujours;

On voit tant de mauvais naturel de nos jours,

Que ce brillant monté m'a plu, je le confesse.

On voit (c'est un beau tort) que le commun le blesse,

Et qu'il veut une langue à part pour ses amours,

Qu'il croit les honorer par d'étranges discours;

C'est là de ces défauts où le cœur s'intéresse.

C'était le vrai pour lui que ce faux tant blâmé;

Je sens que volontiers, femme, je l'eusse aimé;

Il a d'ailleurs des vers pleins d'un tendre génie;

Tel celui-ci, charmant, qui jaillit de son cœur:

«Il faut finir mes jours en l'amour d'Uranie.»

Saurez-vous, comme moi, comprendre sa douceur [1]?

Nous devons dire quelques mots sur la manière dont nous avons compris nos devoirs d'éditeurs, et sur le plan que nous avons suivi.

Il y a des auteurs dont le public veut tout connaître; il en est d'autres qu'il lui suffit d'envisager par leurs côtés les plus caractéristiques. Esquisser leur physionomie en la replaçant dans le milieu qui l'éclaire, choisir parmi leurs productions ce qui peut le mieux donner l'idée de leur manière,—l'expression n'est pas déplacée quand il s'agit de Mlle de Scudéry,—en un mot être fidèle sans se croire obligé d'être complet, voilà le but que les éditeurs se sont proposé d'atteindre.

Nous avons été particulièrement sobres dans le choix des Poésies, dont le principal mérite consiste dans une grâce facile ou dans des allusions aux événements du temps.

Mais nous avons dû faire une place plus large à la Correspondance, en y comprenant non-seulement les lettres écrites par Mlle de Scudéry elle-même, mais encore celles qui lui furent adressées par ses contemporains. Les premières, malgré des taches provenant de la négligence, et, le plus souvent, de l'affectation, ont une véritable valeur littéraire et historique. Les secondes donnent peut-être une plus haute idée encore de celle à qui elles s'adressent, par les témoignages de tendre amitié et de haute estime qu'elles renferment de la part de correspondants tels que Mme de Sévigné, la reine Christine, le grand Corneille, Bossuet, Leibnitz. Tout en consacrant aux unes et aux autres deux séries distinctes, nous avons rapproché celles qui se répondent, et ne sauraient être séparées sans inconvénient.

Bon nombre des lettres que nous publions ici font partie des Manuscrits Conrart à la Bibliothèque de l'Arsenal, ou des papiers de l'abbé Boisot à la Bibliothèque de Besançon. Beaucoup étaient éparses dans des Mémoires, Correspondances ou recueils du temps. Enfin, grâce à l'obligeance de certains amateurs, les éditeurs ont pu, aux pièces tirées de leurs propres portefeuilles, en joindre d'autres pour la plupart inédites. Celles mêmes qui étaient déjà connues par les publications de MM. de Monmerqué, Cousin, etc., ont été par nous, à l'occasion, complétées, rectifiées, remises à leur vraie place. Nous devons déclarer, à ce propos, que nous avons attaché aux dates une importance exceptionnelle, et que, grâce à des recherches dont les lecteurs ne soupçonneront guères l'étendue et l'opiniâtreté, nous avons tenu à dater,—fût-ce approximativement, et en distinguant toujours par des crochets nos conjectures des indications fournies par les originaux eux-mêmes,—presque toutes les lettres renfermées dans notre volume.

Nous n'avons pu retrouver toutes celles dont l'existence nous est attestée par divers témoignages. Sans parler de la grande lettre à Mlle d'Arpajon sur sa retraite aux Carmélites, de l'épître de quinze pages à Bossuet au sujet de la mort de Pellisson, il y a des séries entières de lettres de Mlle de Scudéry ou à elle adressées, qui ont à peu près entièrement disparu. Nous savons, par Chapelain que Conrart lui écrivait en Provence «presque toutes les semaines.» Ce même Chapelain ne possédait pas moins de soixante-dix-huit lettres de Scudéry ou de sa sœur, comme en fait foi le CATALOGUE ou plutôt l'INVENTAIRE MANUSCRIT de sa bibliothèque. Elle dit elle-même quelque part: «J'ai brûlé plus de cinq cents lettres de Pellisson du temps de la Bastille.» Enfin elle resta en correspondance jusqu'à la fin de sa vie avec d'anciens amis de Provence: Forbin-Janson, Mascaron, Bonnecorse. Combien peu de ces précieux documents sont parvenus jusqu'à nous! Cet inventaire de nos pertes, qu'il nous aurait été facile de grossir, nous avons tenu du moins à le présenter ici, dans l'espoir que le hasard ou ces indications mêmes en pourront faire retrouver une partie.

Nous avons eu pour le texte de notre auteur un respect suffisant, mais non superstitieux. Sans l'altérer jamais, nous l'avons abrégé quelquefois; nous ne sommes pas parvenus à en faire disparaître des répétitions inévitables dans les mentions d'un même fait raconté à des personnes différentes, ni des variations faciles à expliquer dans le style d'un auteur qui a vu la langue se transformer pendant une longue carrière touchant d'un bout à Balzac et de l'autre à La Bruyère. Quant à l'orthographe, que Mlle de Scudéry a également vue se modifier, qu'elle a contribué à modifier elle-même, nous n'avons pas hésité à lui donner, comme l'a fait M. Cousin, les formes modernes, sauf certaines particularités ou locutions, dont l'absence aurait produit l'effet d'une espèce d'anachronisme.

Nous ne pouvions songer à faire figurer dans ce volume, même par extraits, ni les Romans, dont M. Cousin a donné, surtout pour ce qui regarde le GRAND CYRUS, d'assez longs épisodes, ni même—et nous le regrettons davantage—les CONVERSATIONS MORALES qui constituent un ensemble de préceptes renfermés dans un cadre analogue et difficiles à séparer. Nous avons du moins cherché, dans la NOTICE et dans les notes, à donner une idée de ces compositions, et à en tirer les éclaircissements et les exemples qui pouvaient servir à l'intelligence de la vie et des écrits de l'auteur.

Parmi les personnes qui ont pris à notre publication l'intérêt le plus actif, soit par des communications libérales, soit par des indications utiles, nous devons mentionner spécialement MM. le comte de Clapiers, Camoin et Blancard, à Marseille, Octave Teissier, à Toulon; M. Toussaint, avocat au Havre; M. Tamizey de Larroque; MM. Ravenel et Baudement, de la Bibliothèque nationale; Miller et Ad. Regnier de l'Institut; Chambry et Gauthier-la-Chapelle récemment enlevés à leurs goûts studieux, et plusieurs autres amateurs tels que MM. Dubrunfaut, J. Boilly, Moulin, Étienne Charavay, etc.

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Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa correspondance, avec un choix de ses poésies

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