Читать книгу Mademoiselle de Scudéry, sa vie et sa correspondance, avec un choix de ses poésies - Madeleine De Scudéry - Страница 5
Оглавление«C'est Notre-Dame-de-la-Garde,
Gouvernement commode et beau,
A qui suffit pour toute garde
Un Suisse avec sa hallebarde,
Peint sur la porte du château.
«Ce fort est sur le sommet d'un rocher presque inaccessible.... Nous grimpâmes plus d'une heure avant que d'arriver à l'extrémité de cette montagne, où l'on est bien surpris de ne trouver qu'une méchante masure tremblante, prête à tomber au premier vent. Nous frappâmes à la porte, mais doucement, de peur de la jeter par terre, et, après avoir heurté longtemps, sans entendre même un chien aboyer sur la tour,
Des gens qui travailloient là proche
Nous dirent: Messieurs, là dedans
On n'entre plus depuis longtemps.
Le gouverneur de cette roche,
Retournant en Cour par le coche,
A depuis environ quinze ans [49],
Emporté la clef dans sa poche.
«La naïveté de ces bonnes gens nous fit bien rire, surtout quand ils nous firent remarquer un écriteau, que nous lûmes avec assez de peine, car le temps l'avoit presque effacé:
Portion de Gouvernement
A louer tout présentement.
«Plus bas, en petit caractère:
Il faut s'adresser à Paris
Ou chez Conrart, le secrétaire,
Ou chez Courbé, l'homme d'affaire
De tous messieurs les beaux esprits.»
Évidemment tout cela est un peu chargé, et un historien de Notre-Dame-de-la-Garde est allé jusqu'à douter que nos deux Épicuriens voyageurs se soient donné la peine de grimper jusqu'en haut de la montagne. Mais leur description n'en aura pas moins le dernier mot, comme tout ce qui est marqué au coin du goût et de la bonne plaisanterie.
Mieux que les vers et la prose du frère, les lettres de la sœur, dont nous avons cité d'assez nombreux extraits, et qu'on retrouvera plus complètes dans la Correspondance, nous paraissent, malgré l'abus de l'esprit, avoir retenu une empreinte fidèle des lieux, des personnes et des mœurs. Nous avons pu contrôler sur le vif quelques-unes de ses peintures, et, malgré la différence des temps, nous en avons reconnu la fidélité. Ce petit coin de la vie provinciale sous Louis XIV, encore si peu connue, reçoit des lettres de Mlle de Scudéry une vive lumière, et elles resteront comme une page à la fois littéraire et historique.
Celle-ci, comme nous l'avons vu, demeura en correspondance avec Marseille jusqu'aux dernières années de sa vie [50]. Aussi plus d'un souvenir de son séjour dans cette ville cosmopolite et semi-orientale; aventuriers des deux sexes, types plus ou moins francisés de Turcs et d'Africains, corsaires généreux, héroïques Bassas, etc., tout cela se retrouvera dans ses ouvrages et mêlera un peu de réalité à la fantaisie dans les compositions romanesques qui illustreront le nom de son frère et le sien au milieu du monde littéraire parisien où nous allons les suivre.