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XIX – Vent de mer à la campagne

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«Je l’apporterai un jeune pavot,

aux pétales ne pourpre.»

THÉOCRITE, «Le Cyclope»

Au jardin, dans le petit bois, à travers la campagne, le vent met une ardeur folle et inutile à disperser les rafales du soleil, à les pourchasser en agitant furieusement les branches du taillis où elles s’étaient d’abord abattues, jusqu’au fourré étincelant où elles frémissent maintenant, toutes palpitantes. Les arbres, les linges qui sèchent, la queue du paon qui roue découpent dans l’air transparent des ombres bleues extraordinairement nettes qui volent à tous les vents sans quitter le sol comme un cerf-volant mal lancé. Ce pêle-mêle de vent et de lumière fait ressembler ce coin de la Champagne à un paysage du bord de la mer. Arrivés en haut de ce chemin qui, brûlé de lumière et essoufflé de vent, monte en plein soleil, vers un ciel nu, n’est-ce pas la mer que nous allons apercevoir blanche de soleil et d’écume? Comme chaque matin vous étiez venue, les mains pleines de fleurs et des douces plumes que le vol d’un ramier, d’une hirondelle ou d’un geai, avait laissé choir dans l’allée. Les plumes tremblent à mon chapeau, le pavot s’effeuille à ma boutonnière, rentrons promptement.

La maison crie sous le vent comme un bateau, on entend d’invisibles voiles s’enfler, d’invisibles drapeaux claquer dehors. Gardez sur vos genoux cette touffe de roses fraîches et laissez pleurer mon coeur entre vos mains fermées.

Les Oeuvres Complètes de Proust, Marcel

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