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Description des types animaux

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Les Imperceptibles

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Pourquoi, — peut-on se demander, — les animaux qui tiennent le dernier rang dans la série zoologique sont-ils d’une extrême petitesse, et même échappent à notre vue? — C’est, apparemment, que l’être vivant, étant composé de cellules, ne s’accroît que pour se différencier, pour compliquer la forme de son corps; — de sorte que les êtres primitifs, par le seul fait qu’ils restent simples, sont en même temps minuscules; généralement réduits à une cellule unique, on ne les aperçoit qu’avec le secours du microscope. Je les dénommerai «les Imperceptibles». — Mais alors, direz-vous, à quoi bon les mentionner dans une histoire naturelle qui se qualifie d’ «esthétique»...? L’Esthétique, en effet, ne s’applique qu’aux objets que l’œil voit (ou que l’oreille entend); les contours invisibles directement, comme les sons dits «imperceptibles» sont pour elle comme s’ils n’étaient pas... Sans doute, mais — répondrons-nous, les animaux les plus compliqués et les plus apparents au regard sont reliés, indissolublement, aux plus élémentaires, à ceux qu’on distingue le moins. Et puis, une science du beau qui ne tiendrait compte que de de que touchent les sens, et dédaignerait l’invisible, — aussi bien matériel que moral, — ce serait une science du beau bien étroite...

Parmi ces «Imperceptibles» qui commencent le livre de la faune, lui formant comme une préface en caractères très déliés, trois groupes attirent notre attention, — à des titres d’ailleurs assez divers. Ce sont, — ne vous effrayez pas des mots, — les microbes, — les infusoires, — et les amibes.

Pour les gens du monde, le microbe, c’est l’agent propagateur de la maladie contagieuse, et voilà tout. On devrait leur apprendre qu’il joue, dans le vaste univers, un rôle plus élevé, plus général, et, dans son intégralité, plus rassérénant: celui de ferment organique. Ainsi le grand mal qu’il nous fait est assez largement compensé par les bienfaits qu’il nous dispense; s’il nous communique, accidentellement, la fièvre typhoïde ou la diphtérie, c’est grâce à son entremise que nous buvons, chaque jour, du bon vin, de la bonne bière.

Et d’ailleurs, au-dessus de ces considérations trop pratiques, plane très haut une question de finalité. Je vous ai accoutumés à voir dans les fins partout accomplies sous nos yeux, aux trois règnes de la Nature, un idéal providentiel, qui est un élément profond de beauté. Les microbes, en résumé, sont, par leur forme extérieure, insignifiants; s’ils intéressent l’esthéticien, c’est par l’idée qu’ils représentent.

Les Infusoires sont intéressants pour nous au même titre. Déjà, pullulant dans les infusions végétales, comme leur nom l’indique, ils donnent, sous un verre grossissant, le spectacle d’un mouvement très actif. On ne peut les qualifier de beaux ou de laids; leur forme est si rudimentaire! A peine peut-on citer lies Vorticelles, qui dressent au sein de l’eau, sur un pied spiral, des sortes de clochettes vivantes. — Les Noctiluques, d’autre part, par leur masse innombrable, produisent cette beauté : la phosphorescence de la mer. Au surplus, c’est à la mort de ces êtres fragiles que commence, en réalité, leur rôle essentiel; comme la masse innombrable des Noctiluques engendrait la lumière à la surface des flots, — celle, incommensurable, des Foraminifères, arrive à former des montagnes. Ici, rappelez-vous le curieux aphorisme de Linné :

«Petrefacta non a calce, sed calx a petrefactis. Sic lapides

«ab animalibus, nec vice versâ. Sic rupes saxei non

«primœvi, sed temporis filiæ...»

C’est un fait que lies puissantes assises du terrain crétacé, dans certaines régions, sont entièrement composées — chose incroyable à dire! des carapaces microscopiques de ces Infusoires, nommés.«Foraminifères» (Nummulites et Fusulines) . Beauté toute idéale d’un rapport entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Elle se double, ici, d’une élégance réelle de contours en ces tests prodigieusement menus, prédécesseurs des coquilles plus apparentes des Mollusques. Citons, par la même occasion, les Radiolaires, dont l’unique cellule émet des piquants orientés géométriquement vers les divers points cardinaux; ce sont comme les avant-coureurs de la symétrie rayonnée des Polypes.

Si nous parlons enfin, ici, des Amibes, c’est au point de vue morphologique encore, mais négatif, cette fois. Le propre de ces êtres simplistes est, en effet, d’être plastiques, et de prendre toutes les formes imaginables. Comme certaines œuvres d’art contemporaines, de tels organismes relèvent encore de l’Esthétique, — et par ce trait: c’est qu’ils sont amorphes.


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