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Les Etoilés

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En ce groupe des Imperceptibles, où la forme est encore si rudimentaire, qu’on pourrait dire qu’elle n’existe pas, vous venez cependant de voir poindre le type de symétrie rayonné. Les Radiolaires, êtres microscopiques, au corps réduit à une seule cellule, orientaient déjà leurs piquants suivant 4 ou 6 directions très précises. C’était là comme une tentative d’ordre et d’harmonie, pour préparer l’épanouissement d’un thème organique fondamental, le thème de l’étoile. Ailleurs, nous avons révélé l’importance esthétique de ce schéma; nous en avons suivi la fortune dans les trois règnes de la Nature, et jusque dans le règne artistique.

Ici, dans le règne animal, en la faune, c’est comme un héritage du règne végétal, de la flore; et même, ce rayonnement des parties, géométriquement ordonnées autour d’un centre, est trompeur; les animaux inférieurs bâtis sur ce plan sont bien souvent semblables aux végétaux; si semblables, que le naturaliste Milne-Edwards avait créé pour eux la dénomination de «Zoophytes» (animaux-plantes). Je trouve assez fâcheux que la Science contemporaine n’ait pas cru devoir conserver ce nom; elle a fractionné, pour des raisons subtiles, ce groupe homogène; elle distingue des Polypes, des Echinodermes, et des Spongiaires. Nous autres, qui voyons la faune du point de vue proprement esthétique, c’est-à-dire en considérant la forme extérieure, n’avons souci de telles divisions. A nos yeux, ce sont tous, plus ou moins, des Rayonnés, ou, comme nous les désignons ici, des Etoilés; les uns, comme le Corail, agglomérés, formant des colonies, des sortes d’arbres, ou d’arbrisseaux; — d’autres se présentant isolés, en individus, telles les Astéries (Etoiles de mer), ou les Méduses, du reste, tantôt mous, ainsi l’Holothurie de Chine, ou notre Anémone de mer, — et tantôt endurcis, soit par places, soit dans leur corps tout entier. Tel est, par exemple, le cas de ces étranges animaux, si peu semblables à l’animalité, qu’on connaît, dans le peuple, sous le nom d’Oursins, et, parmi les savants, sous celui d’Echinides. Le test qui les enveloppe en entier, et qui comble les intervalles entre les cinq bras, réalise un contour continu, qui s’oppose à celui, bien découpé, de l’Astérie, comme le disque au polygone étoilé. C’est la différence qu’on remarque entre un médaillon à raies divergentes et la croix de la légion d’honneur.

Figures d’après Landrin, Plages de France (Hachette)



D’ailleurs, ce n’est point là l’aspect extérieur, et la forme apparente, chez le vivant; car l’Oursin, tel qu’on le trouve sur nos côtes, et non fossile dans les falaises, se montre tout hérissé de piquants, ce qui lui valut le nom de châtaigne de mer.

Figures d’après Landrin, Plages de France (Hachette)


Il en est de la Nature comme de nos Arts: un thème plastique initial peut être masque par les propres variations qu’il subit. Avec les mêmes éléments qui font l’Astérie, c’est-à-dire un disque central et 5 appendices, l’Artiste suprême a réalisé l’Ophiure, si différent. Le nom de ce dernier exprime bien l’impressionnant ensemble de dix queues de serpents réunies en fouet, et se tordant en tous les sens.

Les Encrines , ou «Crinoïdes», nous offrent une variante plus sereine. La plupart sont fossiles; mais une es-espèce habite encore la Méditerranée: c’est la Comatule. Ce nom signifie «petite chevelure» ; mais l’animal qui le porte a plutôt l’apparence d’un joli bouquet de feuilles découpées, porté sur une tige svelte, et qui, se refermant, simule un bouton de fleur.


Si, parmi les Etoilés, il en est qui suggèrent l’idée de fleur, ce sont bien les Polypes agglomérés, Coraux et Madrépores. Jadis, Peysonnel les rangeait parmi les végétaux; et c’est seulement beaucoup plus tard que fut démontrée leur nature animale. Ces Zoophytes pourraient, du reste, prendre aussi bien le nom de «Lithozoaires », puisqu’en se pétrifiant, en devenant fossiles, ils arrivent, grâce à leur nombre immense, à former des récifs très redoutables, ou ces îles en anneau, non moins périlleuses pour les navires, qu’on appelle atolls.

Les Madrépores, très voisins des Coraux, s’en distinguent par 6 tentacules, au lieu de 8, à la couronne. Ce chiffre défini, c’est encore un legs de la flore à la faune; on se souvient que le nombre 3 (ou son multiple 6), pour les folioles du verticille, caractérisait le groupe botanique des Monocotylédones, — et le nombre 5 celui de la plupart des Dicotylédones. Le chiffre 4 est moins répandu chez les plantes. Encore une fois, nous appelons l’attention du lecteur sur cette arithmétique, comme sur cette géométrie naturelles. Il y a, dans le domaine de la vie, même la plus exubérante, des limites absolues, bien que variant d’une espèce à l’autre; le Créateur semble avoir dit à l’énergie plastique et modeleuse, tout comme aux flots de l’Océan: «Tu n’iras pas plus loin!» Mais quelle finesse et quelle harmonie dans cet ordre! L’essor de vie s’étend, libre et généreux, sans entrave; seulement il se laisse guider; il suit, docilement, certains chemins voulus; il est orienté. Le résultat, c’est l’harmonie, c’est le rythme, et c’est la beauté. Quelle leçon pour nos artistes!


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