Читать книгу L'étourdi - Molière Jean Baptiste Poquelin, Жан-Батист Поклен Мольер, Мольер (Жан-Батист Поклен) - Страница 11
Jean Baptiste Poquelin
Molière
ACTE PREMIER
Scène IX
ОглавлениеPandolfe, Mascarille.
Pandolfe
Mascarille !
Mascarille
Monsieur.
Pandolfe
A parler franchement,
Je suis mal satisfait de mon fils.
Mascarille
De mon maître ?
Vous n’êtes pas le seul qui se plaigne de l’être :
Sa mauvaise conduite, insupportable en tout,
Met à chaque moment ma patience à bout.
Pandolfe
Je vous croyais pourtant assez d’intelligence
Ensemble.
Mascarille
Moi ? Monsieur, perdez cette croyance ;
Toujours de son devoir je tâche à l’avertir,
Et l’on nous voit sans cesse avoir maille à partir[2].
A l’heure même encor nous avons eu querelle
Sur l’hymen d’Hippolyte, où je le vois rebelle,
Où, par l’indignité d’un refus criminel,
Je le vois offenser le respect paternel.
Pandolfe
Querelle ?
Mascarille
Oui, querelle, et bien avant poussée.
Pandolfe
Je me trompais donc bien ; car j’avais la pensée
Qu’à tout ce qu’il faisait tu donnais de l’appui.
Mascarille
Moi ! Voyez ce que c’est que du monde aujourd’hui,
Et comme l’innocence est toujours opprimée ?
Si mon intégrité vous était confirmée,
Je suis auprès de lui gagé pour serviteur,
Vous me voudriez encor payer pour précepteur :
Oui, vous ne pourriez pas lui dire davantage
Que ce que je lui dis pour le faire être sage.
Monsieur, au nom de Dieu, lui fais-je assez souvent,
Cessez de vous laisser conduire au premier vent ;
Réglez-vous ; regardez l’honnête homme de père
Que vous avez du ciel, comme on le considère ;
Cessez de lui vouloir donner la mort au coeur,
Et, comme lui, vivez en personne d’honneur.
Pandolfe
C’est parler comme il faut. Et que peut-il répondre ?
Mascarille
Répondre ? Des chansons dont il me vient confondre.
Ce n’est pas qu’en effet, dans le fond de son coeur,
Il ne tienne de vous des semences d’honneur ;
Mais sa raison n’est pas maintenant la maîtresse.
Si je pouvais parler avecque hardiesse,
Vous le verriez dans peu soumis sans nul effort.
Pandolfe
Parle.
Mascarille
C’est un secret qui m’importerait fort
S’il était découvert ; mais à votre prudence
Je le puis confier avec toute assurance.
Pandolfe
Tu dis bien.
Mascarille
Sachez donc que vos voeux sont trahis
Par l’amour qu’une esclave imprime à votre fils.
Pandolfe
On m’en avait parlé ; mais l’action me touche
De voir que je l’apprenne encore par ta bouche.
Mascarille
Vous voyez si je suis le secret confident…
Pandolfe
Vraiment je suis ravi de cela.
Mascarille
Cependant
A son devoir, sans bruit, désirez vous le rendre ?
Il faut… J’ai toujours peur qu’on nous vienne surprendre :
Ce serait fait de moi, s’il savait ce discours.
Il faut, dis-je, pour rompre à toute chose cours,
Acheter sourdement l’esclave idolâtrée,
Et la faire passer en une autre contrée.
Anselme a grand succès auprès de Trufaldin ;
Qu’il aille l’acheter pour vous dès ce matin :
Après, si vous voulez en mes mains la remettre,
Je connais des marchands, et puis bien vous promettre
D’en retirer l’argent qu’elle pourra coûter,
Et malgré votre fils, de la faire écarter ;
Car enfin, si l’on veut qu’à l’hymen il se range,
A cet amour naissant il faut donner le change ;
Et de plus, quand bien même il serait résolu,
Qu’il aurait pris le joug que vous avez voulu,
Cet autre objet, pouvant réveiller son caprice,
Au mariage encor peut porter préjudice.
Pandolfe
C’est très bien raisonner ; ce conseil me plaît fort…
Je vois Anselme ; va, je m’en vais faire effort
Pour avoir promptement cette esclave funeste,
Et la mettre en tes mains pour achever le reste.
Mascarille (seul.)
Bon ; allons avertir mon maître de ceci.
Vive la fourberie, et les fourbes aussi.