Читать книгу L'étourdi - Molière Jean Baptiste Poquelin, Жан-Батист Поклен Мольер, Мольер (Жан-Батист Поклен) - Страница 12
Jean Baptiste Poquelin
Molière
ACTE PREMIER
Scène X
ОглавлениеHippolyte, Mascarille.
Hippolyte
Oui, traître, c’est ainsi que tu me rends service !
Je viens de tout entendre, et voir ton artifice :
A moins que de cela, l’eussé-je soupçonné ?
Tu couches d’imposture[3], et tu m’en as donné.
Tu m’avais promis, lâche, et j’avais lieu d’attendre
Qu’on te verrait servir mes ardeurs pour Léandre ;
Que du choix de Lélie, où l’on veut m’obliger,
Ton adresse et tes soins sauraient me dégager ;
Que tu m’affranchirais du projet de mon père :
Et cependant ici tu fais tout le contraire !
Mais tu t’abuseras ; je sais un sûr moyen
Pour rompre cet achat où tu pousses si bien ;
Et je vais de ce pas…
Mascarille
Ah ! que vous êtes prompte !
La mouche tout d’un coup à la tête vous monte[4],
Et, sans considérer s’il a raison ou non,
Votre esprit contre moi fait le petit démon.
J’ai tort, et je devrais, sans finir mon ouvrage,
Vous faire dire vrai, puisque ainsi l’on m’outrage.
Hippolyte
Par quelle illusion penses-tu m’éblouir ?
Traître, peux-tu nier ce que je viens d’ouïr ?
Mascarille
Non. Mais il faut savoir que tout cet artifice
Ne va directement qu’à vous rendre service ;
Que ce conseil adroit, qui semble être sans fard,
Jette dans le panneau l’un et l’autre vieillard[5] ;
Que mon soin par leurs mains ne veut avoir Célie,
Qu’à dessein de la mettre au pouvoir de Lélie ;
Et faire que, l’effet de cette invention
Dans le dernier excès portant sa passion,
Anselme, rebuté de son prétendu gendre,
Puisse tourner son choix du côté de Léandre.
Hippolyte
Quoi ! tout ce grand projet, qui m’a mise en courroux,
Tu l’as formé pour moi, Mascarille ?
Mascarille
Oui, pour vous.
Mais puisqu’on reconnaît si mal mes bons offices,
Qu’il me faut de la sorte essuyer vos caprices,
Et que, pour récompense, on s’en vient, de hauteur,
Me traiter de faquin, de lâche, d’imposteur,
Je m’en vais réparer l’erreur que j’ai commise,
Et dès ce même pas rompre mon entreprise.
Hippolyte (l’arrêtant.)
Eh ! ne me traite pas si rigoureusement,
Et pardonne aux transports d’un premier mouvement.
Mascarille
Non, non, laissez-moi faire ; il est en ma puissance
De détourner le coup qui si fort vous offense.
Vous ne vous plaindrez point de mes soins désormais ;
Oui, vous aurez mon maître, et je vous le promets.
Hippolyte
Eh ! mon pauvre garçon, que ta colère cesse !
J’ai mal jugé de toi, j’ai tort, je le confesse.
(Tirant sa bourse.)
Mais je veux réparer ma faute avec ceci.
Pourrais-tu te résoudre à me quitter ainsi ?
Mascarille
Non, je ne le saurais, quelque effort que je fasse ;
Mais votre promptitude est de mauvaise grâce.
Apprenez qu’il n’est rien qui blesse un noble coeur
Comme quand il peut voir qu’on le touche en l’honneur.
Hippolyte
Il est vrai, je t’ai dit de trop grosses injures :
Mais que ces deux louis guérissent tes blessures.
Mascarille
Eh ! tout cela n’est rien ; je suis tendre à ces coups.
Mais déjà je commence à perdre mon courroux ;
Il faut de ses amis endurer quelque chose.
Hippolyte
Pourras-tu mettre à fin ce que je me propose
Et crois-tu que l’effet de tes desseins hardis
Produise à mon amour le succès que tu dis ?
Mascarille
N’ayez point pour ce fait l’esprit sur des épines.
J’ai des ressorts tout prêts pour diverses machines ;
Et quand ce stratagème à nos voeux manquerait,
Ce qu’il ne ferait pas, un autre le ferait.
Hippolyte
Crois qu’Hippolyte au moins ne sera pas ingrate.
Mascarille
L’espérance du gain n’est pas ce qui me flatte.
Hippolyte
Ton maître te fait signe, et veut parler à toi :
Je te quitte ; mais songe à bien agir pour moi.