Читать книгу L'affaire Sougraine - Pamphile Lemay - Страница 10
II
ОглавлениеPendant que les cartes d'invitation volaient à leur adresse, Madame D'Aucheron et Mademoiselle Léontine allaient d'un magasin à l'autre. Il faut tant de colifichets, tant d'atours pour passer à travers un bal sans laisser trop de sa toison sous la dent de la médisance. Les amis sont implacables, surtout quand on les fête bien.
--Rendons-nous chez Glover, dit Madame D'Aucheron; j'aime mieux acheter chez les Anglais; c'est plus chic....
La jeune fille sourit et, de son léger manchon de loutre, protégea contre le froid sa bouche mignonne.
En janvier la brise qui souffle ne fait pas épanouir les fleurs. Elle passe sur d'éternels champs de neige et ne nous apporte ni babil d'oiseaux, ni murmures de ruisseaux, ni frissonnements de feuilles, ni bouffées de parfums. Elle est glacée et ses aiguillons vous fouillent comme des lames de poignards.
Devant la vitrine de Glover il y avait un curieux, un homme âgé de plus de cinquante ans, pas gros, pas grand, cuivré, sans barbe, le blanc de l'oeil un peu jaune et la bouche large fendue. Il portait un capot de couvertes avec une raie noire dans le bas, une ceinture flèchée, des mitaines de caribou, un casque de chat sauvage.
--C'est un indien, dit Léontine à sa mère. Il y en a plusieurs en ville en ce moment-ci.
Madame D'Aucheron s'arrêta près de l'étranger, lui jeta un regard distrait et se mit à examiner les articles de fantaisie étalés derrière les glaces brillantes. A chaque nouvel objet qu'apercevait sa convoitise, elle poussait un cri d'admiration.
--Que ce fichu est beau! c'est de la dentelle de vrai fil--Ah! ces mouchoirs, quelle fine broderie!... Regarde donc ces gants!... Quelles mains élégantes ils doivent faire!... Il n'y a personne comme ces Anglais pour savoir acheter.
--Et vendre, ajouta Léontine avec une pointe d'ironie.
L'Indien regardait furtivement cette jolie dame entichée des choses anglaises, et semblait prendre plaisir à écouter le son de sa voix au diapason un peu trop élevé.
Les deux femmes entrèrent, choisirent quelques unes des dernières nouveautés, ce qui fut assez long, puis sortirent pour aller ailleurs. L'indien était toujours là.
--Ce n'est point devant la vitrine d'un marchand canadien qu'il resterait aussi longtemps, observa madame D'Aucheron. Il se trouve de ces sauvages qui ne manquent pas de goût.
Elles se dirigèrent enfin vers le faubourg St. Jean, suivant la grande rue jusqu'à la côte Ste. Geneviève. Mademoiselle D'Aucheron descendit à la rue Richelieu pour rendre visite à son amie mademoiselle Ida Villor, et sa mère rentra.