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CHAPITRE II.

Table des matières

Autre bienfait du Code Napoléon envers l’Agriculture en général, en ce qu’il abrège et diminue notablement les Procès.

BODIN dans son livre de la République qu’on lit aujourd’hui très peu, mais qui s’expliquait dans les écoles lorsqu’il parut, se plaignait beaucoup qu’en France les procès fussent éternels; il en indique quelques-uns qui, pour me servir de ses propres expressions, étaient âgés de cent ans . Ces mêmes sujets de plaintes, au reste, avaient également lieu ailleurs, et la preuve qu’il n’y avait pas en cela d’exagération, ce sont les lois, que dans presque tous les Etats, on trouve dirigées vers ce but important, celui de remédier à la longueur des procès.

Il faut que cet abus ait été aussi fort ancien en Italie, puisqu’on voit dans l’immense quantité de statuts municipaux qu’elle nous offre, qu’il y en a très-peu qui ne contiennent quelque rubrique tendante à le réprimer. Les compilateurs de la coutume de Modène estimant que le laps de trois ans établi par Justinien , pour terminer quelque procès que ce pût être était encore trop long, statuèrent que dans le délai de cinquante-cinq jours utiles, à partir de la contestation, la procédure devait être entièrement terminée; qu’ensuite on accorderait six mois aux parties pour présenter leurs allégations, et que ce terme expiré, le juge serait tenu, dans vingt jours, sans autre délai, de prononcer sa sentence. Le statut de Bologne donnait encore moins de tems aux contestations litigieuses, et celui de Milan beaucoup moins encore; de manière que, suivant ces deux coutumes, la durée des procès devait se réduire à environ six mois, terme le plus long que le célèbre Antoine Fabri, qui passait pour le Papinien de son tems, croyait que l’on devait accorder dans tous les pays, pour finir tout procès, quelque scabreux et difficile qu’il pût être ; mais il s’en fallut de beaucoup que ces dispositions coutumières pussent avoir leur effet: ni en Italie, ni ailleurs, on n’a pas même pu voir se restreindre la durée des contestations judiciaires au terme infiniment plus étendu des trois années établi par Justinien; et il ne pouvait guère en être autrement, puisque la cause du mal consistait dans la multiplicité , l’ambiguité et la contradiction des lois de ce prince; défauts qui, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, avaient donné naissance à cette quantité immense de conclusions tendantes à favoriser chaque opinion, et à laisser ainsi l’esprit du juge dans l’incertitude et la fluctuation.

Mais ces mêmes défauts de la jurisprudence, qui allongeaient tellement la durée des procès, tendaient aussi, par eux-mêmes, à en accroître le nombre outre mesure. La prodigieuse différence des opinions sur tous les points fournissait à la chicane un ample et abondant aliment pour soutenir toutes les prétentions, même les plus injustes et les moins fondées. Le savant Conrigius a remarqué que si l’introduction du droit romain en Allemagne a contribué à policer la nation et à diminuer les délits, elle a, d’un autre côté, notablement accru le nombre des procès. La même chose arriva à peu près en Hongrie, sous le règne de Mathias Corvin. Ce prince enchanté du pompeux éloge des lois romaines que lui firent quelques jurisconsultes venus à la suite de la fille de Ferdinand, roi de Naples, qu’il épousa, ayant introduit dans son royaume l’usage et l’autorité de ces mêmes lois, vit, en très-peu de tems, s’augmenter tellement le nombre des procès, que, pour pourvoir à la tranquillité et au repos de ses sujets, il fut obligé de renvoyer le grand nombre de légistes qu’il avait fait venir d’Italie, ordonnant, en propres termes, qu’on ne parlerait plus des livres de Justinien, et qu’on remettrait en vigueur les anciennes lois du pays. François Hotman, qui s’étend beaucoup sur ce fait historique dans son Antitribonien, ajoute encore que, dans la Suisse où le droit romain n’avait pas grande autorité, on ne voyait pas, proportion gardée, la centième partie des procès qu’il y avait en France.

Aujourd’hui on a remédié radicalement à ces deux grands inconvéniens dans tous les pays qui ont le bonheur d’être régis par le Code Napoléon.

Il serait inutile de chercher à prouver que depuis qu’il est en vigueur la durée des procès est bien moins longue. Quiconque depuis la publication de ce Code, a été obligé de se présenter devant les tribunaux pour quelque affaire litigieuse, a pu se convaincre combien cette nouvelle législation a contribué à accélérer la marche de la justice, pour peu qu’il ait comparé le tems qu’a duré son affaire, avec celui qu’il aurait fallu perdre dans l’ancien régime pour obtenir une conclusion définitive.

Et cet avantage inappréciable de l’abrégement des procès reste d’autant plus à jamais assuré, que l’on a ajouté au Code civil celui qui regarde la procédure; Code également clair, simple et précis, qui ne prescrivant que des formalités indispensables, et réduisant à un très-petit nombre les cas de nullité, a remédié à une autre source très-féconde de la longueur des procès c’est-à-dire, à l’imperfection qui existait partout dans les procédures. Si elles n’étaient pas entièrement semblables aux formules ténébreuses de l’ancienne jurisprudence romaine, dans laquelle celui qui se trompait dans une syllabe se trouvait déchu de tout son droit, au moins est-il hors de doute que, généralement parlant, ces procédures étaient trop longues et trop compliquées; raison par laquelle s’était introduit dans le barreau français cet adage fâcheux, mais pourtant si vrai, que la forme emporte le fonds. Louis XIV songea à remédier à ce mal par son ordonnance de 1667; mais indépendamment de ce qu’il n’y embrassait pas la procédure dans toute son étendue, il était impossible qu’en supposant même la plus grande perfection dans ce règlement, il pût avoir une heureuse influence sur l’abrégement des procès tant que subsistait la source principale de l’inconvénient opposé, qui consistait dans l’ambiguité, l’obscurité, et la contradiction des lois. Et, en effet, un des historiens du règne de Louis XIV, en parlant des tems postérieurs à la publication de cette ordonnance, s’exprime ainsi: «La chicane n’est pas moins opiniâtre;

» les procès ne sont pas plus tôt expédiés, et à la

» réserve de quelques procédures inutiles qu’on

» a retranchées ou abrégées, le mal n’est pas

» moins grand qu’il était.» L’Empereur, au moyen du Code civil, a éloigné de l’esprit des juges ces perplexités, ces incertitudes, qui autrefois les tourmentaient presque toujours, puisque aujourd’hui il ne s’élève plus dans les tribunaux de difficultés sur l’application des lois, ou, s’il s’en élève encore, elles sont facilement applanies. Et, par le Code de Procédure, il a fait que les principes des nouvelles lois civiles pussent se mettre facilement en action: de sorte qu’entre ces deux Codes il y a une corrélation intime, absolue, immédiate, et qu’ils auront toujours, comme ils ont déjà eu, une heureuse influence sur l’abrégement des procès.

Mais il est aussi facile de comprendre comment la nouvelle législation civile des français a pu contribuer à diminuer notablement le nombre des contestations judiciaires. Aujourd’hui la connaissance des lois n’est plus un secret réservé à un petit nombre d’adeptes. A la vérité pour former un juge, un avocat, un professeur, l’étude du Code civil ne suffit pas, il faut y ajouter encore celle des ouvrages qui tendent à développer les raisons d’après lesquelles le législateur s’est déterminé à établir ses diverses dispositions; il faut encore avoir connaissance du droit romain. Mais il est au moins incontestable de l’autre côté, que le Code Napoléon, par l’ordre, la simplicité et la clarté qui y régnent est à la portée de presque tous les individus; de sorte qu’en s’aidant seulement du texte, ils peuvent connaître les nouvelles lois suffisamment pour discuter et régler eux-mêmes leurs droits, au moins pour la plupart des cas, et prévenir de cette façon ou terminer à l’amiable une infinité de contestations qui auraient été par le passé nécessairement portées devant les tribunaux. Le fait parle ici encore assez par lui-même pour que je n’aie pas besoin de me perdre en longues observations. Deux années à peine s’étaient écoulées, depuis que le Code Napoléon se trouvait en vigueur, et déjà la très-grande diminution des procès était une chose si notoire dans toute l’étendue de l’Empire, qu’un orateur du conseil-d’état, dans un discours prononcé au corps-législatif, pour montrer l’heureuse influence de la nouvelle législation civile, mettant de côté toutes les autres preuves qu’il en aurait pu apporter, s’est appuyé sur cette seule circonstance de la diminution des procès,

On voit combien ces deux avantages de l’abrégement et de la diminution des procès ont d’influence sur les progrès et sur l’amélioration de l’agriculture, puisqu’il est clair que, par le passé, elle se ressentait de plusieurs manières des inconvéniens opposés. Ils portaient un préjudice notable tant à celui qui gagnait qu’à celui qui succombait: à l’un parce qu’appauvri et par la perte du fonds, et par les frais de la procédure, il ne lui restait pas d’argent pour s’indemniser, en exploitant avec une nouvelle ardeur les terres dont il continuait à rester en possession à l’autre, parce que les frais qu’il lui avait fallu supporter pour se procurer la victoire, lui enlevaient les moyens d’améliorer le fonds dont il venait d’être mis en possession; amélioration qui, pour le bien de l’agriculture, devait être d’autant plus urgente, que naturellement il avait dû être assez négligé pendant la durée de la contestation judiciaire.

La Législation de Napoléon-le-Grand: Agriculture

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