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CHAPITRE III.

Table des matières

De quelques dispositions particulières du Code Napoléon, qui sont elles-mêmes avantageuses à l’Agriculture. Et en premier lieu des articles 745 et 896, relatifs aux successions et aux substitutions.

Si le nouveau Code civil de l’Empire Français, par les raisons exposées dans les deux chapitres précédens, tend généralement aux progrès de l’agriculture, il ne lui est pas moins favorable par plusieurs dispositions particulières que j’indiquerai les unes après les autres.

Il y a déjà long-tems que les hommes éclairés regardent comme un grand obstacle à la prospérité de cette première source de richesses, la trop grande multiplicité des gros propriétaires, et par conséquent le trop petit nombre des autres. Il est inutile d’en donner les raisons; car qui ne voit pas que ces grands propriétaires doivent manquer, généralement parlant, de cette activité qui, par l’aiguillon du besoin et par le désir si naturel d’améliorer son propre sort, tient continuellement en haleine les médiocres possesseurs? Tout le monde connaît le célèbre passage de Pline, dans lequel il n’hésite pas d’attribuer aux possessions trop étendues la ruine totale de l’Italie. C’était, à vrai dire, une antique maladie, qui devait son origine à la coutume qu’avaient les Romains, lorsqu’ils soumettaient quelque cité, de priver les habitans d’une portion de leurs terres, dont la majeure partie passait sur-le-champ dans les mains des Patriciens. Mais le désordre s’étendit sur-tout après le commencement du VIIe siècle de la fondation de Rome, parce que la république étant alors devenue maîtresse de toute l’Italie, ces envahissemens s’accrurent considérablement. Tacite, qui écrivait sous les premiers empereurs, appelait vastes et infinies les possessions foncières des patriciens et des riches . L’abus devint encore plus grand dans la suite, et arriva enfin à son comble par les lois de Trajan et de Marc-Aurèle, qui ordonnèrent que les sénateurs seraient tenus d’avoir toutes leurs terres en Italie. Ces lois politiques, dont Le but était d’attacher les grands par leur intérêt personnel à la conservation de l’Italie et du centre de l’Empire, causèrent, suivant la remarque d’un célèbre écrivain italien, la ruine absolue de l’agriculture et de la population.

L’inondation des peuples septentrionaux, qui dévastèrent tant de fois l’Italie au Ve siècle de notre ère, et qui finirent par s’y fixer, ne produisit d’autre changement dans ces immenses possessions, que de les faire passer en d’autres mains; elles tombèrent au pouvoir des principaux chefs de ces nations conquérantes, qui usurpèrent eux-mêmes la plus grande partie des terres des anciens habitans: et comme la même violence eut lieu dans les autres provinces de l’Empire Romain d’Occident envahies en même tems par d’autres bandes de ces peuples du Nord, le désordre causé par de trop vastes possessions s’étendit davantage, et s’introduisit même dans les contrées où les terres ne se trouvaient pas aussi inégalement divisées qu’elles l’étaient en Italie. Or, si les possessions trop étendues sont vicieuses en elles-mêmes par la raison que nous venons de voir, et si, comme nous l’avons observé, elles ont effectué la ruine totale de l’agriculture chez les Romains qui en faisaient tant de cas, on peut facilement imaginer combien ces trop vastes possessions devaient lui être plus funestes et plus meurtrières dans les mains de propriétaires barbares, ignorans, et qui par une antique coutume apportée avec eux des pays dont ils étaient originaires, avaient le plus souverain mépris pour ce bel art, qui n’était à leurs yeux que la vile profession des esclaves.

Le mal n’aurait été néanmoins que passager, si, après que les Barbares se furent établis dans les provinces de l’Empire d’Occident, qu’ils détruisirent tout-à-fait, ne fût survenu le monstrueux système des fiefs; et si par suite de tems, d’amovibles ou à vie qu’ils étaient dans le principe, étant devenus perpétuels, n’avait pris naissance la loi des primogénitures absolument inconnue aux anciens, loi qui de son côté, par une conséquence nécessaire, produisit la multiplicité des fideicommis. Ces deux institutions sont la véritable cause par laquelle l’inconvénient des propriétés foncières trop vastes et trop étendues s’est perpétué en Europe jusqu’à nos jours. La première empêchait qu’elles ne fussent divisées par la voie si naturelle des successions, et la seconde, que les ventes ne les partageassent .

Il résulta de ces deux usages un préjudice d’autant plus grand, qu’ils ne restèrent pas long-tems restreints aux seules terres des nobles, mais que malheureusement elles devinrent un objet de prédilection, même pour les plus obscurs propriétaires, qui croyaient illustrer leur famille, en imitant la coutume et l’exemple des grands. Ce fut sur-tout en Italie que régna cette vanité mal entendue. Filangéri dit que dans le royaume de Naples il n’y avait pas de chétif particulier jouissant de trois ou quatre cents écus de revenus, qui ne s’empressât d’instituer un majorat , et moi-même je pourrais citer une infinité d’exemples tendant à prouver que dans beaucoup d’autres parties de l’Italie les primogénitures frappaient de leur funeste influence des patrimoines encore plus circonscrits, raison pour laquelle dans cette belle contrée destinée par la nature à être agricole, il était difficile de trouver à placer ses capitaux en terre, sans craindre qu’un tiers, qui pouvait trouver dans la poussière de ses archives quelque vieux titre, ne vînt vous dépouiller au bout de quelques années, du bien que vous auriez acheté.

Si l’agriculture a vainement réclamé pendant tant de siècles le besoin d’une plus grande circonscription dans les possessions foncières, et une plus grande faculté de disposer de ces mêmes possessions, on jouit maintenant de ces avantages inappréciables dans tous les pays qui ont le bonheur d’être régis par le Code Napoléon. Cette sage législation n’a pas, il est vrai, fait disparaître sur-le-champ l’inconvénient des grandes propriétés réunies dans un petit nombre de mains, mais le mal était trop invétéré, et en même tems trop répandu pour qu’on le pût guérir en un moment, à moins de recourir à quelque remède violent, qui aurait été infiniment plus fâcheux que le mal même. La différence qui se trouve entre un Etat bien gouverné et un autre qui ne l’est pas, c’est que, dans le premier, si on ne peut pas extirper tous les inconvéniens, les lois tendent au moins à les diminuer, en imprimant à l’administration une marche progressive vers le bien, tandis que dans le second les lois contiennent en elles-mêmes un germe toujours actif d’une détérioration ultérieure; et telle est précisément la différence qui, rapport au sujet dont nous nous occupons, existe entre la nouvelle législation et l’ancienne. Tant que l’usage des primogénitures et des fidéicommis était en vigueur, les biens fonds devaient se concentrer tous les jours, et ils se concentraient réellement de plus en plus entre un petit nombre de riches; mais à présent que dans l’ordre de succession tous les descendans ont droit égal au partage, sans avoir égard au sexe ou au tems de la naissance, et que les substitutions sont prohibées, tout le contraire doit arriver, et arrive réellement. En effet, qui pourrait faire l’énumération des héritages qui, dans cet espace de neuf ou dix années, depuis que ces deux lumineuses dispositions se trouvent en vigueur, ont été divisés ou par le moyen des successions, ou par la voie des ventes? Héritages qui, dans l’hypothèse de la durée de l’ancien système, auraient encore continué pendant des siècles entiers à rester concentrés, et à se trouver tout à fait hors de la circulation des contrats. Ce même bon effet continuera à s’opérer par la suite; de sorte que puisqu’il est impossible d’introduire dans toute l’étendue de l’Empire cette égalité précise des fortunes et des propriétés foncières, qui, hors des premiers tems d’une société naissante, n’a jamais eu lieu que dans les deux républiques imaginaires de Platon et de Phalaris de Milet, l’œil au moins ne sera pas choqué de cette énorme disproportion qu’on voyait autrefois sur ce point; et désormais les terres se trouveront, au grand profit de l’agriculture, partagées entre un plus grand nombre de propriétaires.

Je n’ignore pas qu’il existe un cas où cette prohibition des substitutions n’a pas lieu; mais quelle est la loi la plus sage qui, par des motifs pressans d’utilité publique, ne se prête pas à quelques modifications? Et c’est de cette nature précisément que sont les raisons qui ont suggéré l’idée de faire taire cette règle générale, dans le cas particulier des majorats dont il est parlé dans l’acte impérial du 5o mars 1806, comme on le voit par le sénatus-consulte du 26 août de la même année. Chacun d’ailleurs pourra voir facilement, par le sénatus-consulte même, combien ces majorats diffèrent de ceux qui existaient autrefois en France et en Europe. Suivant cet acte impérial on ne peut constituer un majorat sans l’approbation préalable du Souverain; cette approbation ne s’accorde que pour servir de dotation à un titre héréditaire, et on ne peut engager dans les liens de la substitution la masse entière des biens. Si les primogénitures et les fidéicommis eussent toujours été restreints, par le passé, dans des bornes si étroites et si sages, ces deux dispositions n’auraient certainement pas fourni une si ample matière aux déclamations virulentes des écrivains, puisqu’elles n’auraient jamais contribué à accroître autant l’inconvénient des possessions trop vastes, et ne seraient jamais parvenu à soustraire à la circulation des contrats la plus grande partie des terres.

La Législation de Napoléon-le-Grand: Agriculture

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