Читать книгу Documents sur les juifs à Paris au XVIIIe siècle : actes d'inhumation et scellés - Paul Hildenfinger - Страница 3
INTRODUCTION.
ОглавлениеAu XVIIIe siècle, comme on sait, l’état civil de chaque sujet coïncide avec son état religieux. C’est le curé qui continue à tenir registre, et ce qu’il inscrit c’est non pas tant la naissance, le mariage ou le décès des individus que le baptême, l’union religieuse ou la sépulture. Sans doute l’ordonnance de 1667 et la déclaration de 1736 «laïcisent» ce qu’on appelle alors l’état des hommes et organisent de façon plus efficace le contrôle de l’Etat. Mais l’état civil n’existe toujours, pourrait-on dire, qu’en fonction de l’état religieux.
Quelle est, dans ces conditions, la situation des non-catholiques? Si à la rigueur la question pouvait ne pas être posée pour les naissances ou les mariages , il était impossible à la police de se désintéresser du décès de ces habitants. Aussi la déclaration royale du 9 avril 1736 «concernant la forme de tenir les registres des baptêmes, mariages, sépultures, noviciats et professions» prévoyait-elle des mesures spéciales. L’article XIII est ainsi conçu: «Ne seront... inhumés ceux auxquels la sépulture ecclésiastique ne sera pas accordée qu’en vertu d’une ordonnance du Juge de Police des lieux rendue sur les conclusions de notre Procureur ou de celui des hauts-justiciers, dans laquelle ordonnance sera fait mention du jour du décès et du nom et qualité de la personne décédée ...»
Par application de cette déclaration, le Lieutenant général de police de Paris arrête, le 20 octobre 1736, que «ceux auxquels la sépulture ecclésiastique ne sera pas accordée, qui viendront à décéder dans la ville, fauxbourgs et banlieue de Paris, ne pourront être inhumés qu’en vertu de» son «ordonnance rendue sur les conclusions dudit Procureur du Roi»; et une sentence du même magistrat à la date du 22 décembre de la même année complète ainsi ces prescriptions: «Lorsqu’il viendra à décéder des personnes auxquelles la sépulture ecclésiastique ne sera pas accordée, les commissaires du Châtelet se transporteront chacun dans leur quartier dans les maisons où les personnes seront décédées, lorsqu’ils en seront requis, ou sur l’avis qui leur en aura été donné, à l’effet de dresser leurs procès-verbaux qu’ils seront tenus de communiquer aussitôt audit Procureur du Roi, pour être par lui requis ce qu’il appartiendra, et de Nous en référer ensuite, pour être par Nous sur iceux ordonné ce que de raison; lesquels commissaires, chacun dans leur quartier, tiendront la main à l’exécution de notre ordonnance qui interviendra sur lesdits procès-verbaux, conclusions et ordonnances qu’ils remettront dans vingt-quatre heures au plus tard des expéditions (sic) en forme au greffe dudit Me Caillet [l’ancien des greffiers de la Chambre civile et de celle de police du Châtelet de Paris], pour être enregistrées sur le registre qui sera par lui tenu à cet effet... »
Ces textes visent nettement les Réformés et ils ont en effet régi les inhumations protestantes jusqu’à l’édit de novembre 1787. Malesherbes, dans son Second mémoire sur le mariage des Protestants , affirme que les rédacteurs de la déclaration de 1736 ne pensèrent pas aux Juifs, rentrés cependant à Paris vers la fin du règne de Louis XIV. Mais elle devait leur être appliquée, par une assimilation toute naturelle, comme aux Catholiques grecs . L’Assemblée du clergé de 1788, par exemple, s’élevant précisément contre cet édit de 1787, ne manque pas de ranger «sous le titre de non-catholiques» non seulement les religionnaires, mais «les hommes de toute secte tant nationale qu’étrangère, même... les ennemis du nom chrétien... » Et de fait l’ordonnance du Lieutenant de police du 7 mars 1780, autorisant l’établissement d’un cimetière israélite à la Villette, se réfère de façon expresse à l’article XIII de la déclaration de 1736.
Il était donc intéressant de vérifier si — à défaut des registres spéciaux tenus par les greffiers de la Chambre civile du Châtelet, et aujourd’hui disparus — on ne retrouverait pas de ces procès-verbaux parmi les papiers des commissaires du Châtelet conservés aux Archives Nationales dans la série Y , et s’il n’y aurait pas là — à côté des cahiers de péritomistes , des pierres tombales ou des états dressés à Paris par les inspecteurs de police — une source de renseignements utiles pour l’histoire des Juifs au XVIIIe siècle. C’est le résultat de cette recherche que nous publions ici.