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CHAPITRE X

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Le lendemain matin, il n’était pas encore cinq heures, lorsque Michel Brûlart se rendit à sa besogne.

Jamais mame Suzon n’avait eu un garçon de moulin plus travailleur.

Le Grillon, lui aussi, était levé.

Seule de la maison, la meunière dormait encore.

Elle avait tant pleuré depuis huit jours, la pauvre femme, elle avait si peu fermé l’œil durant la nuit, que la lassitude physique avait fini par triompher de l’inquiétude morale.

Le Grillon, qui couchait dans sa chambre, la voyant dormir si paisiblement, s’était levée et s’était glissée dehors pour recommander aux domestiques réunis dans la cuisine pour le repas du matin de faire le moins de bruit possible.

Tandis que les gens du moulin mangeaient la soupe, le Grillon traversa la cour et s’en alla jusqu’à la porte charretière.

De là on voyait le sentier qui menait à Férolles se dérouler comme un long ruban blanc au milieu des prés verts.

L’Angelus sonnait.

C’était aussi l’heure où le postillon faisait son apparition matinale.

Or, depuis huit jours, le brave homme avait une consigne: passer par le moulin, quand il aurait une lettre, avant d’aller à Férolles.

Cela l’allongeait d’une grande demi-heure; mais le Grillon lui avait mis une pièce de quarante sous dans la main en lui disant:

— Il y en aura une autre chaque fois.

Or donc, le Grillon s’était assise en dehors de la cour, les yeux fixés sur le sentier que celui qui venait de Jargeau croisait à mi-chemin, et, le cœur palpitant, elle interrogeait l’horizon.

En ce moment, Michel sortit du moulin et vint à elle.

— Grillonnet, dit-il, vous espérez donc que le postillon viendra aujourd’hui?

— Oui, répondit-elle.

— Nous avons eu cependant une lettre de Laurent il y a trois jours.

— C’est vrai.

— Et vous pensez bien qu’il ne peut pas toujours écrire.

— C’est égal, dit-elle, j’ai idée pour ce matin.

— Ah! cher Grillonnet, dit Michel, qui sut donner à sa voix une inflexion émue, si je vous dis ça, ma mignonne, c’est pour que vous ne vous tourmentiez pas trop...

— Ah! s’écria le Grillon, le voilà !

— Qui?

— Le postillon.

Et elle étendait la main vers le sentier qui venait de Jargeau et qui coupait en croix celui de Férolles.

En effet un homme venait d’apparaître au milieu de la double haie qui bordait le sentier.

C’était bien le facteur.

Le modeste fonctionnaire était encore à une centaine de pas de la croisière des deux chemins.

Alors le cœur du Grillon battit plus vite et plus fort, et elle demeura immobile, muette, les yeux fixés sur la bifurcation.

Quand le facteur serait là, s’il faisait demi-tour et descendait sur Férolles, c’est qu’il n’avait pas de lettre. Si, au contraire, il remontait vers le moulin, oh! alors...

Et le facteur, en effet, tourna tout à coup le dos à Férolles et allongea le pas dans la direction de Brin-d’Amour.

Le Grillon n’y tint pas. Elle s’élança à sa rencontre et Michel la suivit.

Cinq minutes après les deux jeunes gens et le facteur s’abordaient.

Le facteur avait une lettre, et cette lettre était adressée à Mlle Noémi.

Le Grillon l’ouvrit avidement.

La lettre commençait par ces mots:

«Ma chère petite femme,

Je continue à me bien porter...»

Le Grillon jeta un cri de joie; puis elle s’assit sur le revers du fossé qui longeait le chemin, et tandis que le facteur s’en retournait, elle se mit à lire, laissant Michel lire aussi par-dessus son épaule.

«Je continue à me bien porter, disait Laurent Tiercelin, et bien que nous nous soyons battus hier pendant trois ou quatre heures, je n’ai pas une égratignure.

L’ennemi se concentre à quelques lieues d’ici, et on nous dit que dans cinq ou six jours nous livrerons une grande bataille.

Si nous sommes vainqueurs, ce dont je ne doute pas, la campagne, dit-on, sera finie.

Ah! si cela était vrai!...

Comme vous me verriez vite arriver à Brin-d’Amour, ma mère et toi, mon bon Grillonnet!

Le cœur me bat de joie rien que d’y penser.

Enfin, ne vous désolez pas trop là-bas. Quelques mois sont bientôt passés.

Et puis n’allez pas vous faire des vilaines idées noires.

Je passe à travers les balles, qui ne me touchent pas.

Je crois que c’est la médaille que tu m’as envoyée qui en est cause.

Embrasse bien notre mère, mon cher Grillon, et tous ceux qui te parlent de moi, Mathurin Baudry le forgeron, et Michel qui, me dis-tu, est devenu tout à fait bon.

Dis-lui bien que je l’aime toujours comme un frère et que, puisqu’il se range, quand je serai de retour, nous verrons à l’établir.

Adieu encore, au revoir plutôt. Je te couvre de baisers.

LAURENT.»

Le Grillon riait et pleurait en lisant cette lettre.

Quand elle eut fini, elle se tourna vers Michel:

— Eh bien, qu’est-ce que tu en penses, toi?

— Moi, dit Michel, je pense que ce qu’il dit est vrai, que ça va être bientôt fini et que dans un mois au plus tard il sera ici.

— Oui... mais... cette grande bataille dont il parle?

— Bah! il en reviendra comme des autres.

— Oh! j’ai peur, dit le Grillon en frémissant.

— Puisqu’il a votre médaille....

— C’est égal, j’ai le frisson, j’ai envie d’aller à Férolles.

— Viens avec moi, Michel.

— Pourquoi faire, mamselle?

— Nous irons brûler un cierge à l’autel de la Vierge.

— Comme vous voudrez, dit Michel.

Et tous deux prirent le chemin de Férolles.

En route, Michel se disait:

— La Pitache est une bonne sorcière, et elle a bien parlé de la grande bataille qui va avoir lieu. Puisqu’elle a deviné pour ça, pourquoi donc qu’elle se tromperait sur le reste?

Et Michel, fermant à demi les yeux, se vit le maître du moulin et le mari du Grillon.

Le grillon du moulin

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