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CHAPITRE XIII

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Table des matières

Trois jours s’écoulèrent.

Trois jours de mortelles anxiétés.

La douleur inattendue du père Brûlart avait bien frappé quelque peu la meunière et jeté même un certain trouble inexplicable dans son esprit; mais cet événement n’avait pas laissé de trace.

La préoccupation de tous les hôtes du moulin et même des gens du village, c’était cette grande bataille qui, si on en croyait la dernière lettre de Laurent devait avoir lieu au premier jour.

Un habitant plus huppé que les autres recevait le Loiret. Chaque matin, le brave homme était sur sa porte, à cinq heures, le journal à la main, quêtant mame Suzon et sa nièce, pour leur dire qu’il n’y avait rien de nouveau, qu’on ne s’était livré, en Italie, qu’à des escarmouches sans importance, et que certainement il n’y avait pas de craintes à avoir.

C’était en été, on s’en souvient, car l’heure des moissons est aussi celle des batailles, et le soleil se levait chaque matin dans un ciel d’azur.

Les populations des bords de la Loire ne sont pas plus dévotieuses que beaucoup d’autres, et pendant la semaine le curé dit la messe aux quatre murs de l’église.

Eh bien, cette année-là, il y avait du monde quand le pauvre prêtre de campagne montait à l’autel.

Il y avait des bonnes femmes qui venaient prier pour Laurent Tiercelin, d’autres qui s’intéressaient à Joseph Pichet.

Qu’était-ce que Joseph Pichet?

Un pauvre garçon, né de pauvres parents, des journaliers qui vivaient péniblement en travaillant chez les autres et n’avaient pas de bien à cultiver.

Joseph Pichet était du pays.

Il était parti en même temps que Laurent. Seulement, comme il était grand et fort, au lieu d’être trapu et de taille moyenne, on l’avait incorporé dans la cavalerie.

Mais on savait qu’il était aussi en Italie.

Sa pauvre mère, depuis qu’il était parti, faisait deux grandes lieues tous les matins, car ils habitaient un hameau éloigné, pour venir entendre la messe et prier pour son fils.

Mame Suzon, la riche meunière, et la Pichet, la pauvre femme de journée, avaient fini par se lier, dans leur commune anxiété.

Elles se saluaient à l’église; elles se serraient la main en sortant.

La journalière accompagnait même quelquefois un bout de chemin la maîtresse de Brin-d’Amour.

Elles parlaient de leurs enfants, ça les soulageait.

Depuis trois jours la Pichet était dans la même anxiété que mame Suzon.

Son fils ne lui avait pas écrit; mais elle savait par la lettre de Laurent qu’on s’attendait à une grande bataille.

Ce jour-là, les deux mères sortirent de l’église plus tristes et plus désolées encore.

Il était six heure et demi.

Vainement, avant la messe, avaient-elles attendu le facteur.

Le postillon, comme elles disaient, n’était pas encore arrivé. Jamais il n’était ainsi eu etard.

Pendant la messe, un gamin posé en sentinelle par la meunière devant la boîte aux lettres l’avait attendu vainement.

Quand elles sortirent, le gamin était toujours à son poste.

Mais elles n’eurent pas fait vingt pas dans la rue que le facteur se montra à l’autre bout.

Le Grillon courut en avant.

Les apercevant, le facteur doubla le pas.

Il avait une lettre à la main, une seule.

Les deux amis jetèrent un cri.

Pour qui la lettre?

Hélas! elle n’était pas pour mame Suzon.

La lettre était pour la Pichet.

La Pichet ne savait pas lire, mame Suzon lui prit la lettre des mains.

Peut-être espérait-elle que Joseph Pichet donnerait des nouvelles de son fils.

Elle ouvrit cette lettre en tremblant et lut:

«Mes bons parents,

«Nous nous sommes battus pendant vingt heures au pont de Magenta. La victoire est à nous! Je n’ai pas été blessé et je continue à me bien porter.

La mère Pichet jeta un cri de joie. Mais tout coup elle vit pâlir mame Suzon.

Le fils Pichet ajoutait:

«Je n’ai pas de nouvelles de Laurent Tiercelin. Tout ce que je sais, c’est que son bataillon a été très-engagé.»

Le grillon du moulin

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