Читать книгу Contribution à l'étude de l'acclimatement des Français en Algérie - René Ricoux - Страница 3
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ОглавлениеLa région septentrionale de l’Afrique, dont la France a entrepris la conquête en 1830, et sur le sol de laquelle elle a créé une colonie, est-elle propice à la colonisation? Les populations d’origine française peuvent-elles réussir à s’y acclimater, ou bien faut-il considérer comme seules susceptibles d’acclimatement dans cette contrée, les nationalités originaires de l’Europe méridionale: italienne, espagnole, anglo-maltaise?
Il est nécessaire d’établir cette distinction, et important de rechercher si la France réussira à implanter sur la terre algérienne une possession nationale.
Que l’on interroge ici le sentiment public, et l’énoncé seul de la question fera surgir de l’étonnement, presque des récriminations. Oser mettre en doute la faculté colonisatrice de la France! — non-seulement au point de vue politique, mais au point de vue démographique, — c’est commettre, aux yeux de la masse, une hérésie monstrueuse, outrageante même.
Si respectable que soit l’explosion généreuse de notre orgueil national, il faut reconnaître que tout désireux qu’on soit de la voir confirmée par les faits, elle ne peut cependant être accueillie de prime abord comme une vérité scientifique. Un tel sentiment de confiance a besoin de passer par le creuset de l’expérimentation scientifique qui, dans les recherches démographiques s’appelle la statistique.
Une réserve analogue doit être faite à l’égard des appréciations de la presse, laquelle n’est en somme, qu’un des moyens d’expression du sentiment public. Sans médire des journalistes, il est cependant trop certain que beaucoup n’ont jamais pris la peine d’approfondir les questions dont ils traitent dans leurs productions journalières, et qu’en matière de science surtout, peu d’entre eux justifient des connaissances préliminaires indispensables, surtout lorsqu’ils abordent les questions si complexes et si délicates qui touchent aux migrations humaines.
Sans remonter bien haut dans nos souvenirs, le rédacteur scientifique de la République française, a été pris à partie par un journal algérien, pour avoir, dans une analyse de l’article Migration, publié par le docteur Bertillon, dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, mis en doute, comme ce savant démographe, la faculté d’acclimatement du peuple français en Algérie.
Le journaliste algérien a bien essayé de contredire par des chiffres les conclusions du docteur Bertillon, mais dans sa statistique il a négligé d’en séparer les éléments; si bien que s’il a réussi à prouver la possibilité d’acclimater les populations d’origine européenne, il n’a pas le moins du monde démontré l’acclimatement possible de la population française, prise à part.
Or, le point intéressant à coup sûr, — et c’est celui d’ailleurs dont s’étaient inquiétés le docteur Bertillon et le feuilletoniste de la République, — est de savoir si la colonisation française est un résultat que la mère-patrie puisse se flatter de réaliser. Car la France, c’est évident, aurait un moindre intérêt à poursuivre sa conquête et maintenir l’occupation d’un sol où ses enfants ne pourraient faire souche, et qui profiterait uniquement aux puissances européennes ses voisines,
Sous un tel aspect, la question n’est plus seulement une curiosité scientifique, elle prend un intérêt politique de premier ordre. L’on ne sera donc pas étonné, si nous cherchons à contribuer à sa solution, non pas en tenant compte des appréciations du sentiment public ou des assertions incomplètes des journalistes, mais en demandant la solution du problème aux documents statistiques qui, seuls, peuvent la fournir complète et irréfutable, et lui donner force de loi scientifique.