Читать книгу Contribution à l'étude de l'acclimatement des Français en Algérie - René Ricoux - Страница 5
III
ОглавлениеL’étude contemporaine des migrations destinée à compléter les leçons de l’histoire, puise ses investigations dans les documents qui donnent le mouvement général de la population. Mais les statistiques, de source officielle ou privée, laissent toujours à désirer parce qu’elles ne donnent pas tous les détails dont le démographe impartial a besoin.
Avant de publier le fruit particulier de nos recherches, il nous paraît indispensable d’emprunter encore à M. Bertillon les résultats, qu’il a obtenus, en suivant la méthode scientifique, au sujet de l’Algérie. Ce sera d’ailleurs donner plus de poids et de signification à nos résultats personnels, soit qu’ils corroborent ou infirment les conclusions provisoires formulées par ce savant.
Car, il importe de le faire remarquer, M. Bertillon ne conclut pas d’une façon absolue ou définitive contre la colonisation française, ainsi qu’on a voulu lui en prêter l’intention. Il nous suffira de citer plusieurs opinions de cet auteur, pour démontrer qu’il n’accepte pas les conclusions qu’il a impartialement dégagées des statistiques, comme étant le dernier mot.
«L’Algérie, dit-il, après avoir fourni, pendant une période de 35
» années, une grande mortalité et un déficit marqué dans la balance
» des naissances avec les décès, serait enfin entrée dans une pé-
» riode de mortalité décroissante et de naissances dépassant les
» décès.
» Cependant, tout en enregistrant avec empressement cet heureux
» résultat, nous croirions hâtif de conclure déjà à l’acclimatement.
» Je ne repousse point l’espérance d’un certain acclimatement,
» encore moins la possibilité d’acclimatation .»
Voici d’ailleurs les résultats publiés par M. Bertillon:
«Les colons européens (population civile), dans la période 1834-
» 1855, ont offert en moyenne une natalité de 0,038, et une mor-
» talité de 0,049. (En France, dans la même période, natalité :
» 0,027, et mortalité : 0,023 à 24.)
» Si, au lieu de prendre toute cette période en bloc, on la dé-
» compose dans les trois périodes 1835-40, 1841-50, 1851-55, on
» a successivement pour chacune:
» Si, au lieu des moyennes, nous rapportons les oscillations les
» plus ordinaires de la mortalité dans cette période 1835-55, nous
» avons 0,020 à 0,025 pour la France, et 0,040 à 0,056 pour l’Al-
» gérie.
» Dans la période 1855-62, toujours pour l’ensemble de la popu-
» lation civile européenne, nous trouvons une natalité de 0,032,
» et une mortalité de 0,038. (En France, dans la même période,
» natalité : 0,026; mortalité : 0,024.)
» Dans la petite période 1859-62, les coefficients sont encore
» plus favorables, natalité : 0,039; mortalité : 0,030.»
D’après ces chiffres, que nous avons reproduits textuellement, on voit l’amélioration sensible qui s’est manifestée en Algérie.
De 4835 à 1862, la mortalité a baissé de 5 % à 3 %, la natalité suivant, au contraire, une marche ascendante.
supposer que l’on puisse déduire de cette tendance à l’amélioration, la possibilité de l’acclimatement, encore faut-il faire remarquer que les recherches ci-dessus, portant sur l’ensemble de la population européenne en bloc, la conclusion serait: Vitalité des Européens.
Mais là n’est point la solution qu’il nous importe de connaître, c’est encore une fois l’acclimatement des Français qui nous intéresse.
Il faut donc des résultats ci-dessus, dégager la part des différentes nationalités qui composent la population européenne en Algérie, afin de savoir si toutes sont, et d’une façon égale, susceptibles de développer une descendance propre, prolifique et vivace.
Cette analyse indispensable, M. Bertillon. l’a tentée, mais il n’a pu la démêler dans les documents officiels, que pour les années 1855-56.
Nous reproduisons ci-dessous le tableau qui contient les éléments et les calculs de cette intéressante analyse:
Mouvement par nationalités de la Population civile européenne en Algérie
» Ce tableau, poursuit M. Bertillon, est d’un grand enseigne-
»ment; en effet, à ne consulter que l’ensemble, il est favorable:
» la mortalité s’est atténuée, elle reste au-dessous de la natalité.
» Mais le détail nous montre que ces heureux résultats sont dus
» presque entièrement aux Espagnols, fort nombreux, puis aux
» Maltais et aux Italiens; que la mortalité des Français est tou-
» jours considérable, puisqu’elle surpasse encore leur natalité, qui
» est assez forte. La race allemande est de beaucoup la plus éprou-
» vée, puisque sa mortalité s’élève à 0,056, quoiqu’elle ait la
» moindre natalité.
» Mais un fait fort inattendu et plus caractéristique se mani-
» feste: c’est que la prospérité de l’Espagnol est plus grande sur
» ce sol africain que sur celui de l’Espagne même! En effet, tan-
» dis que la natalité, qui est seulement de 0,037 en Espagne,
» s’élève à 0,046 en Algérie, la mortalité : 0,030, reste la même
» dans les deux pays .»
Après avoir reproduit les chiffres trouvés par M. Bertillon et les réflexions qu’ils lui inspirent, il nous paraît à peine nécessaire de faire ressortir les conclusions du savant démographe. Pour lui, les races de l’Europe méridionale: espagnole, italienne, anglo-maltaise, accusent toutes les qualités du colon destiné à faire souche; — les Maltais notamment, dans la province de Constantine, avec un avantage sensible sur les deux autres nationalités, — l’acclimatement du Français serait problématique, celui de l’Allemand irréalisable. Cependant, nous devons une fois encore constater que M. Bertillon n’est pas absolument édifié sur la valeur de ses conclusions, et il dénonce trop souvent l’imperfection des statistiques officielles, et surtout leurs lacunes, pour oser se prononcer formellement.
A notre tour, nous allons produire nos renseignements personnels, et nous verrons si, mieux servi que notre éminent confrère, nous pourrons tirer des conclusions plus probantes, quant au lieu où nous avons fait nos observations.