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3 Résumé

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[1] Une large majorité du peuple et des cantons a approuvé la continuation de la voie bilatérale. Cette décision est à prendre au sérieux. Elle recouvre deux dimensions.

D’abord la continuation de la voie bilatérale : le débat autour du projet d’un accord-cadre de 2018 s’est surtout limité aux questions de participation au marché intérieur et de reprise dynamique du droit. Le texte de l’accord n’est toujours pas final. Des commentaires officiels de la part du Conseil fédéral manquent encore.

En second lieu la garantie de l’influence du peuple et des cantons : la discussion fondamentale sur le rôle de la démocratie dans la relation de la Suisse avec l’UE n’a à ce jour pas été suffisamment approfondie.

La présente étude se consacre de façon générale au rôle de la démocratie dans les accords de participation de la Suisse au marché intérieur de l’UE. Son sujet n’est pas s’il convient d’accepter ou de refuser le projet d’accord-cadre de 2018. La démocratie directe, en particulier pour des thèmes compliqués, a besoin d’un échange intensif entre les citoyens ainsi qu’entre les autorités et ceux-ci. Dans le cas présent, sur le droit de regard du Parlement et du peuple au sujet de la participation au marché intérieur. La présente étude essaie de contribuer objectivement à ce débat sur la démocratie.

Pour en donner un aperçu aux lecteurs pressés, les principaux résultats de ces réflexions sont résumés ci-après.

La question du standard démocratique minimum Suisse-UE :

A quelles exigences les accords Suisse-UE doivent-ils être soumis du point de vue de la démocratie suisse ? Comment les institutions démocratiques de la Suisse peuvent-elles au mieux s’impliquer dans l’application des accords sur le marché intérieur ?

Le projet d’accord-cadre de 2018 est le premier cas pertinent pour les accords d’accès au marché. C’est pourquoi il se prête bien à un examen général de la problématique de la démocratie. Il convient de vérifier quel standard minimum de démocratie offre l’accord-cadre. Quel rôle faut-il accorder au Parlement et au peuple en lien avec les accords Suisse-UE ?

Ce que dit le projet d’accord-cadre de 2018 sur « la participation au marché intérieur » :

 L’accord-cadre assure à la Suisse l’accès au marché intérieur de l’UE dans cinq domaines seulement (cette limitation étant voulue). L’accord-cadre s’applique lorsque l’UE prévoit, propose ou discute de nouvelles règles et ainsi une reprise de celles-ci par la Suisse en matière de libre circulation des personnes, de transports aérien et terrestres, de commerce de produits agricoles, d’appréciations de conformité ou d’autres accords à conclure à l’avenir, comme dans le domaine de l’énergie. Les règles du marché intérieur de l’UE ne cessent de se développer. L’accord-cadre a pour objectif de concilier le développement du droit européen avec l’autonomie de la Suisse.

 Avec l’accord-cadre, la Suisse prend l’engagement vis-à-vis de l’UE d’une reprise régulière, en temps opportun, i.e. dynamique des normes européennes pertinentes dans les cinq accords d’accès au marché concernés. Cette reprise est compatible avec le principe d’une évolution du droit et ne devrait le plus souvent poser aucun problème. Dans le cas exceptionnel contraire, la Suisse évaluera les avantages et les inconvénients dans le cadre des règles de l’accord. Elle a le droit de refuser la reprise de nouvelles normes européennes, à travers le Parlement ou une votation populaire, cela en connaissance de cause des conséquences convenues. Il ne s’agit donc pas d’une reprise automatique du droit.

 Si la Suisse devait ne pas vouloir reprendre certaines règles, se tient pour commencer une procédure de conciliation obligatoire, juridique et autant que possible apolitique, dans laquelle il s’agit de « trouver une solution mutuellement acceptable ». Concrètement, cela signifie surtout des négociations entre la Suisse et l’UE.

 Si ces négociations ne débouchent pas à temps sur une solution appropriée, les conséquences prévues par l’accord-cadre s’appliquent (tribunal arbitral, cas échéant la Cour de Justice européenne (CJUE), mesures de compensation etc.). L’UE n’a pas le droit de résilier l’accord-cadre unilatéralement comme l’accord de Schengen.

Comment la Suisse « garantit la démocratie » selon le projet d’accord-cadre :

 La clé de la démocratie dans l’accord-cadre réside dans la revalorisation du Parlement.

 Le Parlement fédéral trace la voie à suivre. Il a le droit de refuser des reprises du droit ; sa décision est alors définitive, sous réserve d’une procédure de règlement des différends. Si le Parlement accepte une reprise du droit, un référendum est possible. Si celui-ci aboutit, les citoyens décident de la continuation de la voie bilatérale. Ils ont le dernier mot. Si cette reprise du droit est refusée, la Suisse doit alors assumer les conséquences dont elle est convenue avec l’UE dans l’accord cadre.

 Avec l’accord-cadre, les possibilités d’influence de la Suisse vis-à-vis de l’UE sont renforcées. En effet, la Suisse peut prendre part aux procédures législatives de l’UE et ainsi défendre ses intérêts. Cette participation doit compenser l’obligation de reprise du droit et permet de faire valoir des demandes suisses. Par ailleurs, dans le projet d’accord-cadre, les rôles démocratiques du Parlement et du peuple (référendum) en cas de reprise du droit sont garantis. Une reprise automatique du droit est exclue.

 Le Parlement suisse n’a pas d’autorité directe au niveau européen. Toutefois, il peut considérablement renforcer son rôle dans la politique extérieure de la Suisse, comme la Constitution fédérale le permet. Le Parlement et le Conseil fédéral peuvent tous deux profiter d’une collaboration intense et de qualité. L’influence du Parlement peut aussi s’étendre à la préparation : dans un rôle d’intermédiaire, en assistant et en accompagnant le Conseil fédéral dans les procédures européennes.

 Le Parlement voit ainsi son rôle d’intermédiaire entre le Conseil fédéral et le peuple, entre la préparation et la décision, renforcé. Il s’engage pour que tous les contenus et décisions satisfassent à la démocratie directe, i.e. qu’ils résistent tant eu égard à l’accord-cadre que devant le peuple.

 Le Parlement dispose vis-à-vis du Conseil fédéral de larges pouvoirs de participation, notamment en matière d’information, de consultation, de recommandations et de motions parlementaires ; c’est une participation surtout politique, certes sans pouvoir d’instruction.

 Le Parlement peut influencer indirectement, à travers le Conseil fédéral, la participation de la Suisse à l’élaboration des normes européennes (information, influence au sein des organes européens) et aux négociations avec l’UE (décision du comité sectoriel ou accord étatique). Cela vaut aussi pour d’éventuelles adaptations à la reprise du droit dans cette décision ou cet accord.

 Compléments importants, le comité parlementaire mixte et surtout la collaboration interparlementaire fournissent des liens directs avec le Parlement européen et les Parlements des membres de l’UE et de l’EEE/AELE.

 A travers ses Commissions, l’Assemblée fédérale a des possibilités supplémentaires de collaborer avec le Conseil fédéral. Les Commissions contribuent de façon autonome (contenu, rythme etc.) à la préparation de solutions si possible à la fois conformes à l’accord (acceptables par l’UE) et susceptibles de trouver une majorité en Suisse. Elles font en même temps office de contrôle du travail gouvernemental.

 Les Commissions accompagnent le Conseil fédéral dans les procédures européennes, en premier lieu dans la préparation des procédures législatives de l’UE, puis dans les négociations en vue d’une décision du comité sectoriel ou d’un accord étatique.

 Les Commissions offrent la possibilité de collaborer avec les cantons et l’utilisent.

 La reprise du droit doit être traitée comme de la législation ordinaire dans les médias suisses et dans le public, et ce déjà au stade de la procédure législative européenne. Des adaptations de la confidentialité des Commissions sont conseillées, p. ex. en autorisant la publication des prises de position à l’intention du Conseil fédéral.

 La collaboration renforcée du Parlement, et surtout des Commissions, génère plus de travail. L’organisation et les ressources de celles-ci doivent être revues.

 Les avantages et inconvénients de la mise en place d’une nouvelle « CommissionEurope » des deux Conseils (avec représentation de toutes les fractions) doivent être évalués. Une telle commission se consacrerait à la participation active dans les procédures européennes, pas à une discussion préliminaire des décisions d’approbation du Parlement fédéral. Ces travaux devraient rester de la compétence des commissions thématiques.

Le standard minimum de la démocratie implique :

La souveraineté, soit le dernier mot quant à la continuation de la voie bilatérale, doit être en mains du peuple. Le Parlement peut rejeter une reprise du droit, mais pas plus. Si le Parlement approuve la continuation, un référendum peut être lancé. S’il aboutit, le peuple est responsable de la décision concrète de poursuivre la voie bilatérale ou non. Les citoyens ne devraient pas seulement devoir décider d’un oui ou d’un non. Le Conseil fédéral et le Parlement devraient collaborer ensemble et tout entreprendre pour que les citoyens puissent décider du contenu. Ils doivent pouvoir déterminer si le résultat concorde avec leur volonté de poursuivre la voie bilatérale, p. ex. en reprenant du droit relatif au transport terrestre ou à la libre circulation des personnes, et si celui-ci réunit une majorité, i.e. si la volonté populaire le soutient. La démocratie ne doit pas être vidée de sa substance. Si le peuple refuse la reprise du droit européen, la Suisse devra supporter les conséquences convenues dans l’accord-cadre.

L’accord avec l’UE ne doit pas ignorer ni déjouer la démocratie. Le projet d’accord-cadre ne fait pas cela, pas plus que la procédure de règlement des différends. La Suisse ne serait même pas obligée de mettre en œuvre une décision du tribunal arbitral (cas échéant avec une décision incidente de la CJUE). L’UE ne pourrait réagir qu’avec des mesures de compensation proportionnées prévues dans l’accord-cadre, mesures qu’un tribunal arbitral pourrait de surcroît revoir. Il faudrait alors négocier. La CJUE ne décide pas si la Suisse doit accepter une reprise du droit. Ni l’UE, ni le tribunal arbitral, ni la CJUE ne peuvent ordonner une reprise automatique du droit, une résiliation de l’accord ou d’autres sanctions. La CJUE n’aurait que les pouvoirs que lui confère l’accord-cadre. Elle agit au sein d’une procédure incidente, pour interpréter le droit européen. Son application au cas concret revient au tribunal arbitral.

En résumé, on peut tirer de cette analyse la conclusion provisoire que le Parlement a l’opportunité, selon le projet d’accord-cadre et grâce à la reprise dynamique du droit, d’avoir plus d’influence que cela n’était le cas avec les accords bilatéraux. Jusqu’à présent le Parlement est largement spectateur. L’influence du peuple (par référendum) est rare. L’usage qui sera fait de cet accord avec l’UE dépend de la volonté politique et de l’engagement du Parlement.

1 Traduction : Jan Langlo, directeur de l’Association de banques privées suisses.

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