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EXPLORATION DU FLEUVE SAINT-LAURENT.

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Table des matières

Les Iroquois du lac Champlain étant soumis, le gouvernement songea à s'assujettir les tribus iroquoises du lac Ontario, et il voulait aussi tendre la main aux peuplades nombreuses de l'Ouest, qui étaient favorables à la France.

A partir de ce moment, des voyageurs français remontèrent le Saint-Laurent et allèrent commercer sur les bords des grands lacs, comme Manthet, Louvigny, Duluth, Nicolas Perrot, qui, en 1671, au Sault-Sainte-Marie, réunit quatorze nations, et obtint d'elles qu'elles se mettraient sous la protection du roi de France.

En même temps, les gouverneurs conduisaient des troupes et fondaient plusieurs établissements sur le parcours du fleuve. Dans ces expéditions, Charles Le Moyne était toujours employé comme intermédiaire avec les peuples sauvages, qui avaient la plus haute considération pour lui. De 1670 à 1680, il accompagna les gouverneurs, M. de Courcelles, M. de Frontenac, et enfin M. de Labarre.

En 1671, M. de Courcelles voulant imposer aux Iroquois, décida d'aller les rencontrer au lac Ontario, que les Français nommaient alors le lac de Tracy, du nom du commandant des troupes. Il était accompagné de M. de Varennes, gouverneur des Trois-Rivières; de M. Pérot, nouveau gouverneur de Montréal; enfin de M. Le Moyne. Il voulut que le curé de Montréal, M. Dollier de Casson, fît partie de l'expédition; il le choisit à cause de sa connaissance du pays.

M. Dollier y consentit, et c'est lui qui est l'auteur de la relation qui a été publiée de ce voyage.

M. Dollier nous dit que plusieurs jeunes gentilshommes accompagnaient l'expédition, d'où quelques-uns ont conclu que ce pouvaient être les enfants de M. Le Moyne, de M. Le Ber et de M. de Montigny, qui étaient de même âge et toujours ensemble.

On partit le 2 juin 1671, avec une vingtaine de canots.

Il y avait à bord des tambours et des clairons pour donner les signaux. Ces instruments de fanfare animaient les canotiers, et firent un effet merveilleux sur les sauvages.

M. Dollier a donne, en commençant, une description du fleuve Saint-Laurent, qui montre que dès lors on avait une connaissance assez exacte du pays: nous en citerons quelques points:

Le fleuve Saint-Laurent est l'un des plus grands fleuves du monde, puisque à son embouchure, située vers le 50e degré de latitude, après une course de 700 lieues, il a près de 30 lieues de largeur. Il se rétrécit par l'espace de 150 lieues jusqu'à Québec, où il a près d'une lieue, et il conserve cette dimension non seulement jusqu'à Montréal, à 60 lieues plus haut, mais même par l'espace de 500 lieues, s'étendant tantôt en des lacs d'une épouvantable largeur, tantôt se rétrécissant dans le lit d'une rivière, mais au moins de la dimension que nous avons dite.

Le premier lac, à 33 lieues au-dessus de Québec, est le lac Saint-Pierre, de 11 lieues sur 3; le second, le lac Saint-Louis, de 7 lieues sur 2; le troisième, le lac St-François, de 10 lieues sur 2. Ensuite arrivent «ces lacs d'une épouvantable Largeur», grands comme certaines mers en Europe; le lac Ontario, le lac Érié, le lac Huron, et enfin le plus grand de tous, le lac Supérieur, qui à 190 lieues sur 50, et reçoit douze grandes rivières, qu'il faudrait explorer jusqu'au bout pour trouver la source du grand fleuve.

Or, dans tout ce parcours, il y a des particularités dignes de remarques. Toutes les eaux du nord comprises entre les hauteurs du Mississipi et le faîte des terres opposées à la baie d'Hudson sont inclinées vers le sud et portées à un même centre situé à 1,600 pieds au-dessus du niveau de la mer, et ayant près de 300 lieues de diamètre. Il y a près de 60 affluents qui descendent 900 pieds plus bas, et au fond de cette coupe immense se trouve le lac Supérieur.

Ces premiers affluents, dont quelques-uns sont énormes, comme le Saint-Louis, le Kamanistiquia et le Nipigon, se concentrent d'abord en plusieurs lacs, comme le Nipigon, qui a 25 lieues de longueur, puis ils sortent de ces lacs et continuent leur cours sur une étendue de 10 lieues et vont se jeter dans le lac Supérieur, qui mesure, comme nous l'avons dit, 190 lieues de longueur.

Mais ce n'est là que le commencement des merveilles.

Ces contrées, pendant l'hiver, sont ensevelies sous les neiges et les frimas; les cours d'eau gèlent à près de dix pieds de profondeur; les neiges tombent incessamment et s'accumulent comme des montagnes de glace.

Toute cette étendue est ensevelie sous les brouillards, et souvent des ouragans en bouleversent la superficie jusqu'à l'approche du printemps.

Alors, la température s'adoucit, ces amas se désagrègent, les eaux s'écoulent; mais tout est réglé par la nature avec une économie admirable.

Les terrains, depuis le point de départ jusqu'aux rives de l'Océan, sont disposés en différents étages, et ils présentent l'aspect d'une immense pyramide, dont chaque degré renferme des bassins grands comme des mers.

Ces bassins superposés se déversent les uns dans les autres par des chutes, des cataractes et des rapides qui, moins élevés, sont cependant presque infranchissables.

Au milieu de ces mouvements des eaux, le grand fleuve conserve une admirable transparence et une pureté d'eau de roche continuée jusqu'à la mer.

Voici l'énumération de ces merveilleux mouvements: Les premiers affluents descendent de près de mille pieds, et arrivent au lac Supérieur. Celui-ci, situé à 625 pieds au-dessus de la mer, avec sa masse immense, franchit un second degré, et descend par le saut Sainte-Marie, qui a 1,000 pieds de largeur. Cette grande nappe d'eau s'en va s'épanouir en trois bassins; le lac Michigan, le lac Huron et la baie Géorgienne. Ces bassins sont d'une immense étendue, de 100 lieues sur 50. Le fleuve continue son cours en recueillant plusieurs affluents. Il descend ensuite par la rivière de Détroit, qui a 2,000 pieds de largeur. Ensuite se présente le lac Érié, de 90 lieues sur 45, et à son extrémité sud, il se précipite comme tout entier à 140 pieds de profondeur sur 3,000 pieds de largeur à Niagara, dans le lac Ontario, qui est encore à 225 pieds au-dessus du niveau de la mer.

Ces 225 pieds sont représentés jusqu'à Montréal par plusieurs rapides ainsi nommés: les Galops, le Long-Sault, les Cèdres, et enfin le saut St-Louis, qui a près de vingt pieds de hauteur, où se trouvent les derniers degrés de cette pyramide de 1,600 pieds de hauteur que nous venons de parcourir. Le fleuve reçoit alors d'immenses affluents: l'Ottawa, le Richelieu, le Saint-Maurice, l'Yamaska, le Saguenay, de 3,000 pieds de largeur, après lequel le grand fleuve atteint 10 lieues, puis 20 lieues, puis 30 lieues de largeur en arrivant à la mer.

Le bateau du gouverneur était d'une grande dimension. Les sauvages furent au dernier degré d'étonnement en voyant les Français manoeuvrer un si grand bâtiment. Ils savaient le sortir de l'eau en un instant, et le porter au delà des rapides avec une remarquable facilité.

M. Le Moyne rendit les plus grands services, et sut faire valoir près des sauvages l'effroi que leur inspiraient la force et l'audace des Français; aussi les sauvages n'osèrent pas attaquer le gouverneur à l'aller ni au retour.

En 1673, deux ans après, nous dit M. Dollier de Casson, M. de Frontenac, le nouveau gouverneur, voulut faire le même voyage, et il emmena avec lui M. Le Moyne, qui devait lui être du plus grand secours. M. Le Moyne pouvait s'assurer des dispositions des sauvages, et ainsi il faisait éviter tout mal entendu; nous le verrons ci-après.

Histoire du Chevalier d'Iberville (1663-1706)

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