Читать книгу Histoire du Chevalier d'Iberville (1663-1706) - Adam Charles Gustave Desmazures - Страница 4
INTRODUCTION
ОглавлениеLa Nouvelle-France, explorée en 1534 par Jacques Cartier, occupée par Champlain en 1608, estimée à la plus haute valeur par de grands hommes d'État, comme le président Jeannin, le cardinal de Richelien, l'illustre Colbert, avait pu conquérir, dès la fin du XVIIe siècle, une importance considérable.
Et en effet, cette colonie, confinée d'abord sur les rives du Saint-Laurent, était devenue, vers l'année 1700, une domination puissante. Elle s'étendait depuis Terre-Neuve jusqu'aux montagnes Rocheuses, depuis la baie d'Hudson jusqu'au golfe du Mexique. Ainsi elle formait un immense triangle présentant 900 lieues sur chaque face, c'est-à-dire 400,000 lieues carrées, près de onze fois la surface du la France.
Une si vaste contrée était aussi précieuse par l'abondance de ses produits que par leur variété; elle offrait à la mère patrie une source inépuisable de richesse.
A l'ouest, des forêts sans limites; au nord, la région des fourrures; à l'est, les grandes pêcheries de Terre-Neuve; enfin au sud, un sol fertile, un climat enchanteur, avec les produits incomparables des tropiques.
De plus, la Nouvelle-France avait conquis une vie individuelle éminente sous tous les rapports; elle avait offert une carrière héroïque à des missionnaires intrépides, fourni des saints, recruté des communautés nombreuses et exemplaires; elle avait révélé à l'admiration de la métropole des hommes du plus grand mérite, comme Jacques Cartier, Samuel de Champlain, du Maisonneuve, Le Ber, Talon, de Frontenac, de Tonnancourt, de Montigny, de Boucherville, et enfin, cette admirable famille des Le Moyne, qui ont été jugés dignes d'être salués du nom glorieux de Macchabées du Canada.
A une époque comme la nôtre, où l'on a sagement reconnu l'importance des entreprises coloniales et des établissements lointains; dans un temps on l'on revient à ces oeuvres, on peut trouver intéressant et souverainement utile de considérer comment une domination si grande a été conquise, établie et développée.
Les premiers temps de l'occupation ont été largement exposés dans des ouvrages considérables, comme ceux du P. Charlevoix, de M. Faillon, de M. Garneau, de M. Ferland; enfin dans les oeuvres des premiers navigateurs eux-mêmes: Jacques Cartier, Champlain, et M. de Poutrincourt, qui ont rédigé leurs mémoires. Mais quand on arrive à la période de l'accroissement même de la Nouvelle-France, à partir de 1680, il est nécessaire de réunir, de rassembler les documents innombrables disséminés dans un nombre infini d'ouvrages.
Pour bien connaître ces temps de transition, où la petite colonie du Saint-Laurent atteignit l'étendue d'une domination presque aussi vaste que l'Europe, il faut commencer par étudier quelques-uns des hommes d'État et des hommes de guerre qui ont eu part à ces changements extraordinaires.
Or, incontestablement, l'homme dont il faudrait d'abord s'occuper, c'est celui qui a été le plus remarquable de tous, celui qui a eu la vie la plus aventureuse et la destinée la plus glorieuse, qui a joué le rôle le plus éminent, pendant trente ans, dans les plus grands événements du pays. Celui-là, c'est l'illustre chevalier d'Iberville, de la famille des Le Moyne; et nous croyons qu'il serait indispensable de le faire connaître avant tous.
D'Iberville était né à Montréal, en 1662, dans la maison de son père, Charles Le Moyne, sur la rue Saint-Joseph, où se trouve actuellement le bureau de la Fabrique de l'église Notre-Dame. Il a eu la gloire d'être associé aux plus grands évènements de ces premières années, et on peut dire qu'il y a eu la part principale.
Il s'agissait de conquérir les richesses de cet immense continent, et ces forêts dix fois séculaires qui couvraient au nord des cent mille lieues carrées, et ces régions où se trouvent les pelleteries les plus belles qu'il y ait au monde, et ces courants mystérieux de l'Océan allant porter chaque année sur les côtes de l'Atlantique des millions de bancs de poissons pour la subsistance de l'univers, et enfin ces contrées du sud avec leurs sites enchanteurs, un climat délicieux, une fertilité incomparable et tous les fruits du paradis terrestre.
Or, c'est ce que le chevalier d'Iberville a merveilleusement mis à exécution. A l'âge de 22 ans, en 1684. il conduisit plusieurs expéditions à la baie d'Hudson et prit tous les comptoirs anglais. Dès lors, la France pouvait prétendre au monopole des forêts de l'Ouest et du commerce des fourrures.
Dans son expédition à Terre-Neuve, en 1690, il rendit la mère patrie maîtresse des marchés de l'Europe pour l'exploitation des pêcheries.
Enfin, par ses exploits dans les Antilles et dans le golfe du Mexique, de 1700 à 1705, il avait conquis les plus beaux pays du monde.
N'en est-ce pas assez pour être tiré de l'oubli des années et pour être proposé à l'attention des générations présentes?
Donc, dans l'espoir d'être utile à notre temps, nous voudrions que l'on prît connaissance de cette oeuvre de réparation vis-à-vis d'un colonisateur incomparable et d'un héros trop ignoré. C'est un grand enseignement pour les esprits d'élite qui commencent à estimer l'importance de nos ancienne colonies; c'est une gloire pour la marine française, qui peut citer ce nom sur se même rang que ceux de Jean Bart, Tourville ou Duguay-Trouin; c'est un honneur pour la ville de Montréal, la plus grande cité de la colonie française, que de faire valoir celui qui a été peut-être le plus illustre de ses enfants. On a déjà parlé de lui consacrer, dans sa ville natale, une effigie qui serait si belle avec le magnifique portrait que l'on a conservé de lui; mais, un attendant, ne convient-il pas de montrer combien cet honneur lui est dû?
C'est dans ce but que nous consacrons cette monographie à la mémoire du très illustre Pierre Le Moyne, citoyen de Montréal, sire d'Iberville, chevalier des ordres du roi et commandant de ses vaisseaux.