Читать книгу Le monde enchanté : choix de douze contes de fées - Adolphe de Lescure - Страница 4
II.
ОглавлениеEt d’abord, le nom avant la personne, le mot avant la chose. D’où vient le mot fée, et que signifie-t-il? Là-dessus, les philologues sont loin de s’entendre. Essayons de dégager une solution de ces controverses et de ces mêlées d’opinions. Selon Littré, on doit entendre par fées «des êtres fantastiques, à qui l’on attribuait un pouvoir surnaturel, le don de divination et une très grande influence sur la destinée, et que l’on se figurait avec une baguette, signe de leur puissance».
Cette dernière partie de la définition semble contestable: car la baguette n’est pas l’arme, n’est pas l’attribut indispensable, caractéristique, des fées, selon les images traditionnelles; la quenouille, l’aiguille, font aussi partie de leur arsenal habituel; elles ne dédaignent pas de manier ces instruments familiers, de filer, de coudre, de broder des ouvrages aussi merveilleux que le pouvoir surnaturel dont elles sont investies.
Ce pouvoir s’étend à tout, et l’expression de féerique, pour signifier quelque chose d’exquis, de parfait, est à la mode dès Voiture. «Nous arrivâmes au logis, dit-il dans une de ses lettres, où nous trouvâmes une table qui semblait avoir été servie par les fées.» Mme de Sévigné, se félicitant et s’émerveillant des succès de son petit-fils, le marquis de Grignan, à la cour et à la guerre, écrit: «Les fées ont soufflé sur toute la campagne du marquis; il a plu à tout le monde, et par sa bonne contenance dans le péril, et par sa conduite gaie et sage.»
Chose qu’il est bon de noter dès le début, (la fée apparaît à l’imagination populaire sous deux formes, deux aspects très différents, et même contraires, suivant l’influence favorable ou néfaste qu’elle représente: tantôt petite, svelte, mignonne, gracieuse, ingénieuse, ourdissant des trames aériennes ou brodant –un canevas de fleurs célestes; tantôt grande, maigre, sèche, ridée, jalouse, mécontente, menaçante, brandissant comme un bâton la baguette du mauvais sort sur ceux qui ont encouru sa disgrâce.
C’est dans ce double sens qu’on dit proverbialement: grâce de fée, ouvrage de fée; et vieille fée, méchante fée, pour exprimer la laideur et la malice dans ce qu’elles ont de plus odieux ou de plus ridicule. C’est dans ce dernier sens que Saint-Simon écrivait: ) «La femme de Montchevreuil était une grande créature à qui il ne manquait que la baguette pour être une parfaite fée.» C’est à ce genre de fées malignes, malfaisantes, à la vieillesse ennemie de toute jeunesse, à la laideur ennemie de toute beauté, dont il ne faisait pas bon attirer sur soi le regard louche et l’ire implacable, que le satirique Regnier faisait allusion, quand il écrivait:
De peur, comme l’on dit, de courroucer les fées.
Ce pouvoir surnaturel, fatidique, féerique, n’était pas seulement un attribut des personnes; ce pouvait être aussi, toujours suivant la tradition populaire, une propriété des choses, (Il y avait des lieux hantés, enchantés, des châteaux fées, comme celui de Lusignan; des forêts fées, comme celle de Brocéliande; des pierres fées, des escaliers fées; des chevaux fées, comme Bayard, le cheval de Renaud; des épées fées, comme celle de Lancelot du Lac; des clefs fées, comme la clef de Barbe-Bleue; des bottes fées, comme celles de l’ogre dans le Petit Poucet; des masses fées, comme la masse de Loup-Garou, dans Pantagruel. Ainsi encore sont enchantés, sont faés, fées, comme le remarque le commentateur de Perrault dans l’édition Hetzel «les bottes du dieu Locki dans les légendes de l’ancienne Scandinavie; ainsi encore le tapis enchanté dont le prince Ahmed fait l’acquisition dans les Mille et une Nuits, le fauteuil du dieu Dharmaratja, le talisman de Salomon et le chapeau de Fortunatus, tous objets qui permettent de franchir des distances prodigieuses.»
Après avoir parcouru ainsi rapidement et superficiellement les diverses acceptions du mot fée, et fait résonner chaque touche du clavier, chaque note de cette gamme de significations successives, nous interrogeons encore Liltré et lui demandons les étymologies.
Il répond: «Genev. faye; Berry fade, fadette; provençal fada; espagnol hada; portugais fada; italien fata du latin fata, qui se trouve pour Parque et qui est dérivé de Fatum, Destin.»
Le Dictionnaire de Littré n’a pu que concentrer les définitions, que résumer les interprétations. Il importe, pour être complet et vider à fond cette question des origines historiques et étymologiques, d’interroger tout à tour les travaux de Walckenaër, de Maury, de Le Roux de Lincy, de Hersart de la Villemarqué, de Ch. Giraud, et de s’enfoncer avec eux, sans nous y perdre, dans la forêt des gloses, en dégageant, chemin faisant, les idées génératrices de ce mot de fée.
La raison des mots est dans les idées auxquelles ils correspondent. L’idée principale, dominante, l’idée maîtresse du mot fée est évidemment l’idée du Sort, du Destin, du Fatum mystérieux, de l’avenir inconnu, objet éternel des craintes et des espérances de l’homme) Les Parques, qui, selon les croyances païennes, filaient et tranchaient le fil de la destinée humaine, les Parques, maîtresses du Destin, dominæ fati, dit Ovide, et aussi, par extension, les nymphes, fatuæ, qui peuplaient les champs, les prés et les bois, et dansaient d’un pied ailé, au clair de lune, sur l’herbe argentée, sont les mères et les sœurs des fées de la tradition celtique et druidique, qui tiendront une si grande place, joueront un si grand rôle dans les lais et les poèmes chevaleresques du moyen âge, y présideront aux natalités héroïques, et en aiguillonneront ou contrarieront l’action par leurs enchantements.
Dans la formation du mot, comme dans la formation du personnage fantastique, de l’être intermédiaire entre le naturel et le surnaturel, qui sera la fée, il faut encore tenir compte, pour s’expliquer toutes les filiations et toutes les métamorphoses, de ces prêtresses vierges de l’île de Sein, de ces muses des chants bardiques, aux cheveux blonds couronnés de verveine, à la faucille d’or, destinée à couper le gui sacré, pendue à la ceinture, qui, selon les Celtes et les Gallois, renaissaient, après leur mort, à une nouvelle vie, supérieure en privilèges à celle qu’elles avaient quittée.
On aura ainsi tous les éléments, tous les souvenirs confus des superstitions païennes et druidiques dont la fermentation, la corruption, ont présidé à la naissance, dans l’imagination populaire, de cet être fantastique, de cette femme de vision (spakanua) qui tient de la Parque grecque, de la nymphe latine, de la druidesse celtique, la fée. «On a fait de fatum, fata, dit M. Alfred Maury, fae, fée, féerie, comme on avait fait de pratum, prata, prae, pré, prairie.»
Il importe de ne pas oublier ce fait essentiel, qui a, dans l’espèce, une importance tout à fait capitale, que les restes du paganisme furent très lents à s’effacer dans la Gaule et la Germanie, depuis longtemps converties. Les conciles fulminèrent souvent l’anathème contre ces superstitions idolâtres et opiniâtres qui avaient survécu au triomphe du christianisme; et les Capitulaires édictent encore des peines contre les auteurs et les propagateurs de ce culte furtif rendu traditionnellement aux divinités inférieures, domestiques, champêtres, qui recevaient, en fraude des droits uniques du Christ, des prières et des offrandes sur les pierres des dolmens bretons, au pied des chênes, des hêtres, des tilleuls, des aubépines fatidiques, à la source, couronnée de fleurs, des fontaines hantées.
On peut dire qu’il existe encore dans nos campagnes des traces indélébiles de cette superstition païenne et celtique, rebelle aux enseignements de l’école comme à ceux de l’église. Le commerce intime de la nature, pour le travailleur de la terre et pour certains métiers agrestes, pâtres, bûcherons, charbonniers, pêcheurs, la pratique de la solitude, la fréquentation du mystère des bois et des eaux, encouragent invinciblement cette tendance, naturelle à l’homme, qui le pousse à concrétiser l’abstrait, à .personnifier les influences dont il dépend, à donner une forme à l’invisible, une figure à l’inconnu dont il est entouré, une âme aux bêtes, une voix aux choses mêmes.
Cette tendance est de tous temps. Elle a présidé, sous l’empire du polythéisme, à la création des Parques, des nymphes, des nymphes des eaux (naïades), nymphes des bois (dryades et hamadryades), des centaures, des faunes, des satyres et des œgipans. Et, en dépit de l’empire du christianisme même, elle a présidé à la création, par l’imagination celtique et Scandinave, des fées, des enchanteurs, des géants, des nains, des sylphes, lutins, farfadets, korrigans, kobolds, elfs.
Les elfs, cette famille germaine des esprits familiers, sont un genre des plus féconds, puisqu’il comprend les neks, les niks, les stromkarl, les mermaids (esprits des eaux), les bergmannschen, esprits des montagnes, les trolls, des bois et des rochers, les gnomes, les dwerfs, dwergar ou nains, ceux du sol, des pierres, des cavernes dont ils gardent les trésors, les alfs ou elfs, ceux des airs et des eaux, dont il est impossible de parler sans songer à l’Obéron de Wieland, roi des Elfs, et au Roi des Aulnes (Ellfenkönig) de Gœthe.
Pour en revenir à cette mythologie païenne en France, survivant, durant toutle moyen âge, et résistant sourdement à l’influence chrétienne, il nous reste à marquer le trait caractéristique de la physionomie de la fée, trait que rien n’a pu effacer, qui répond bien à l’origine historique du personnage, comme à l’origine étymologique de son nom, et qui explique son prestige et son empire sur l’imagination populaire.)
C’est ici qu’on va voir combien Walter Scott s’est trompé dans son étymologie du mot fée, qu’il fait, en romancier plus qu’en historien, dériver, par un caprice inexplicable, de l’arabe péri, féri. La péri arabe, il serait facile de le démontrer, n’a rien de commun avec la fée française. Celle-ci tient bien son origine de la Parque, de la nymphe, de la prêtresse druidique. «C’est donc à la fois, dit M. Alfred Maury, dans le culte des Parques, et des Deæ mairæ, dans celui des bois et des fontaines aussi bien que dans le caractère accordé aux druidesses, qu’il faut chercher l’explication des attributs qui furent donnés aux fées, et la preuve que celles-ci sont nées d’un mélange dont nous avons séparé les éléments primitifs.»
Ce qui le prouve, c’est que, comme les Parques, les fées, et il faut voir dans leur attribut essentiel la raison de leur crédit, président à la natalité, à la destinée des hommes, et la fixent dès leur venue au monde. C’est d’elles, de leur caprice faste ou néfaste, que dépend ce hasard de la naissance qui, au moyen âge, était tout, puisqu’il assurait aux uns, les favorisés, la fortune, le pouvoir, le bonheur, et aux autres, les disgraciés, les déshérités, la pauvreté, la servitude, le malheur.
Ce hasard de la naissance, qui joue encore un si grand rôle dans la destinée humaine, en jouait un tel, à cette époque, que l’envie, la crainte, l’espérance des humbles, des simples, des naïfs, l’avaient personnifié, que disons-nous? divinisé dans la fée, c’est-à-dire dans l’influence surnaturelle qui présidait au sort natal, la divinité maîtresse du fruit du ventre, ventrière, comme l’appelaient naïvement et énergiquement nos pères: divinité familière qui paraissait au moment de l’accouchement, seule ou en compagnie de ses sœurs, d’accord ou brouillée avec elles, mêlant ses maléfices, si elle était mal disposée, aux bénéfices des fées favorables, et dont il s’agissait de se ménager à tout prix les bonnes grâces ou de conjurer la colère.
Cette influence décisive des fées sur la natalité, le sort natal, influence dont le théâtre est la chambre de l’accouchée, et qui sacre, dès son apparition à la vie, le nouveau-né pour le bonheur ou l’adversité, fait, au moyen âge, partie essentielle du credo de la superstition. On lit dans le roman de Lancelot du Lac: «Toutes les femmes sont appelées fées, qui savent des enchantements et des charmes, et qui connaissent le pouvoir de certaines paroles, la vertu des pierres et des herbes; ce sont les fées qui donnent la richesse, la beauté et la jeunesse.»
Le pouvoir de la fée, s’il s’exerçait particulièrement ce jour-là, n’était pas borné au jour de la naissance; sa faveur portait bonheur non seulement au berceau, mais au foyer. Les pauvres gens, qui savaient bien que leur hospitalité ne pouvait tenter ces gracieuses et élégantes visiteuses, et qu’elles ne s’arrêtaient guère, pour y douer les princes au berceau, qu’à la porte des palais, avaient créé une fée à leur image et à leur usage, une bonne commère, point fière au petit monde, qui apportait, dit Guillaume de Paris, l’abondance au logis qu’elle fréquentait, et qu’ils appelaient Dame Abonde.)
Il n’en est pas question et on ne la rencontre pas dans les poèmes romanesques, chevaleresques, d’inspiration toute aristocratique, du moyen âge, où les fées et la féerie jouent un si grand rôle, et où le merveilleux païen survit à la conquête et au triomphe du christianisme. (Ce sont des poètes chrétiens qui nous montrent les fées favorisant certains châteaux, s’attachant à certaines familles, comme la fée Mélusine, qui a adopté les Lusignan, présidant à la naissance des paladins illustres, et s’humanisant souvent jusqu’à nouer, avec les héros légendaires, des amours passagères ou même de durables et fécondes unions.) Nous en citerons tout à l’heure plus d’un exemple, mais ce ne sera point sans avoir insisté sur ce carac tère particulier de l’intervention des fées dans les affaires humaines, sur cette spécialité qui leur attribue le rôle d’ambassadrices du Destin aux naissances illustres, ni surtout sans avoir fait remarquer l’identité de ce rôle avec celui des Parques antiques, dont les fées, à ce point de vue, sont les traditionnelles descendantes, les immédiates héritières.
Ce sont les Parques qui président à la naissance d’Achille, suivant la mythologie antique; et, trempé par elles dans l’eau du Styx, il ne demeure vulnérable qu’au talon par lequel on le tenait suspendu sur l’eau préservatrice. Pindare nous les montre assistant aux couches d’Evadné; dans Ovide, nous les voyons, dans la chambre d’Althée, allumant le tison fatal auquel est attaché le sort de Méléagre; ce sont elles qui se font, à la naissance d’Hercule, les instruments des vengeances jalouses de Junon contre Alcmène, et nous les retrouvons encore assistant à la naissance de Bacchus,
Dans les croyances superstitieuses du moyen âge, dont les lais et les poèmes chevaleresques ont gardé la trace, ce sont les fées qui ont remplacé les Parques, plus nombreuses et plus puissantes qu’elles, mais gardant et exerçant surtout la principale de leurs attributions, celle d’influer sur le sort de l’enfant nouveau-né, de le douer de dons heureux ou funestes, suivant que les parents ont obtenu leur faveur ou encouru leur disgrâce Elles font chacune un don différent à Ogier le Danois. Trois fées dotent Brun de la Montagne dans la forêt de Brocéliande, trois fées font présent d’un beau souhait au fils de Maillefer. Les fées, suivant les légendes Scandinaves, veulent être invitées aux fêtes des naissances; et dans la cabane comme dans le château, comme dans le palais, elles doivent trouver, sous peine de vengeance, leur table mise et leur couvert dressé dans la chambre contiguë à celle de l’accouchée. On ne manquait pas jadis, en Bretagne et en Scandinavie, de préparer ce repas d’attente et d’hommage, qu’on appelait le repas des fées. On se souvenait qu’une fée, mécontente de n’avoir pas été invitée, comme les autres, aux fêtes de la naissance d’Obéron, le condamna à être nain.
Dans la légende de Saint-Armentaire, composée, vers l’an1300. par un gentilhomme provençal nommé Raymond, il est fait mention de sacrifices célébrés sur la pierre dite la Lanza de la Fada, à la fée Esterelle, qui rend les femmes fécondes.
C’est à l’île d’Avalon que les poètes chevaleresques placent le royaume de féerie. Les fées ont des lieux de séjour favoris, des rendez-vous de prédilection. On dit ces lieux faés, chers aux fées, et participant de leur influence. La forêt des Ardennes, l’ancienne fontaine druidique de Baranton, dans la forêt de Brocéliande, la forêt de Colombiers en Poitou, et bien d’autres lieux, que nous citerons bientôt, sont des lieux faés par excellence.)
Là soule l’en les fées veoir,
écrivait, en1096, Robert Wace, de la fontaine de Baranton. C’est là que la célèbre fée Viviane (corruption de vivlian, génie des bois, dans les chants celtiques) habitait un buisson d’aubépine où elle tint Merlin ensorcelé, enchanté. C’est près de la fontaine aux Fées, dans la forêt de Colombiers en Poitou, que Mélusine apparut à Raimondin. Marie de France, dans le lai de Graelent, place aussi à l’affût, près d’une fontaine hantée, la fée dont Graelent devint amoureux, et qui l’entraîna avec elle on n’a jamais su où. Dans le lai de Lanval, c’est aussi près d’une rivière faée que Lanval rencontra la fée éprise de lui qui l’emmena dans l’île d’Avalon, après l’avoir soustrait aux ressentiments jaloux de Genèvre.
Au quatorzième et au quinzième siècle, la croyance aux fées, à leur influence sur le sort des nouveau-nés, aux caprices de passion qui les enchaînaient parfois à la destinée d’un homme, d’un héros privilégié, luttait encore contre les anathèmes de l’Église, qui condamnait cette superstition comme attentatoire à la liberté et à la responsabilité humaines, et traitait les fées d’êtres idolâtriques, diaboliques, dont se moquait encore timidement le chroniqueur: «Mon enfant, dit un auteur anonyme du temps, cité par M. Le Roux de Lincy, les fées ce estoient deables qui disoient que les gens estoient destinez et faes les uns à bien, les autres à mal, selon le cours du ciel et de la nature, comme se un enfant naissoit à tele heure ou en tel cours, il li estoit destiné qu’il seroit pendu ou qu’il seroit noie, et qu’il espouseroit tel dame, ou teles destinées; pour ce les appeloit leu fées, quar fées, selon le latin, vaut autant comme destinée: fatatrices vocabanlur.»
Malgré les anathèmes de l’Église et les protestations naïves des moralistes, la croyance aux fées demeura encore opiniâtrément mêlée, dans l’esprit des pauvres gens, à la croyance aux anges, et ils usèrent souvent, à la fois et aux mêmes lieux, des pratiques de la dévotion chrétienne et de cette superstition idolâtrique. La pieuse et naïve Jeanne Darc entendit peut-être tour à tour les anges et les fées dans ses visions de l’arbre des Fées, de l’arbre hanté, dont l’ombrage abritait ses rêveries.)
Comme témoignage de cette croyance, un grand nombre de lieux en France ont consacré par leur nom le souvenir de cette fréquentation, de ces apparitions des fées. Parmi ces lieux faés on peut citer, en Bretagne, la lande de Kerloiou; la Roche aux Fées, canton de Rethiers, dans la forêt du Theil, et à Essé (Ille-et-Vilaine), la Motte aux Fées; une tombelle gauloise, à Vihiers (Maine-et-Loire); le Terrier de la Fade, dans l’île de Corcours près de Saintes; le Puits aux Fées, près de Vienne (Isère); la Pierre aux Fées, à Noailles (Oise); le peulvan de Sainte-Hélène (Lozère), où l’on voit lou Bertel de las Fadas (le fuseau des fées); les dolmens de Saint-Maurice (arrondissement de Lodève), où l’on signale la Maison des Fées (l’Oustal de las Fadas); la Cabane des Fées, dolmen situé près de Felletin (Creuse); le Four des Fées, grottes druidiques sur la route de Dijon à Plombières; la Grotte aux Fées, près des ruines du château d’Urfé, dans le Forez. Aux confins de l’Auvergne et du Velay, au village de Borne, sur la rive gauche de la rivière de ce nom, on trouve des rochers et des grottes portant, depuis l’époque celtique, le nom de Chambre des Fées. A Pinols, près de Saint-Flour, les pierres de la Tioule de las Fadas passent pour avoir été apportées par les fées pour leur servir de sièges, et l’on retrouve à plus d’un endroit de l’Auvergne ces Peyros de las Fadas, comme on rencontre près de Blois, entre Pont-Levoy et Chenay, la Pierre de Minuit, ouvrage des fées, et aux environs de Tours, une autre pierre druidique, que les fées ont apportée, dit-on, au bout de leurs doigts.
Nous connaissons maintenant l’origine historique des fées, l’origine étymologique de leur nom, leur place et leur rôle dans cette mythologie fantastique dont le brouillard s’élèvera et s’interposera pendant des siècles comme un rideau entre les obscurités païennes et les lumières chrétiennes; nous savons leur figure, leur costume typique, leur caractéristique attribut de présider au sort de la naissance.)
Mais nous ne saurions nous borner à ces notions sommaires, à ces aperçus superficiels, dont le but a été uniquement de nous initier aux rudiments du sujet, et de nous permettre de passer, forts de cette indispensable préparation, à l’exposition et à l’examen critique des théories, des systèmes, des controverses dont les fées et la féerie ont été l’objet.