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III
LES CAPRICES D’IZA

Table des matières

Quand elle parut à l’entrée du salon, éclatante, dans sa grande toilette, inondée de lumière, un long hourra l’accueillit. On se bouscula. Les femmes accoururent, se plaçant comme une haie sur son passage; les hommes se réunirent comme pour former un groupe au milieu duquel se trouvait Verchemont, à côté du baron Van Ber-Costeinn.

Tous étaient riants, bruyants, et ils entonnèrent un chœur, dont le bruit étourdissant fit arrêter Iza sur le seuil. Les hommes imitaient la trompette, le tambour, les cymbales, et les femmes chantaient en chœur:

C’est la grande Iza

Nom de d’là!

Sonnez, elarinettes et clairons: c’est Lolotte,

C’est la grande Iza

Nom de d’là!

Femmes, remuez votre cotte;

Sonnez, clarinettes et clairons: c’est Lolotte,

C’est Iza, la voilà,

Nom de d’là!

Tra la la la, d’zim, boum, boum!

Tra la la la la, la v’là!

La cacophonie la plus épouvantable retentit. Oscar de Verchemont souriait, un peu gêné.

Le baron Van Ber-Costeinn riait aux éclats. Iza, au contraire, le sourire hautain sur les lèvres, le regard superbe, s’était redressée, marchant droite, majestueuse, saluant du geste, d’un petit air protecteur.

Le baron Van Ber-Costeinn prit la main de la grande courtisane, la tenant du bout des doigts, et la conduisit cérémonieusement vers la grande salle à manger, au milieu de laquelle un couvert somptueux était dressé.

Lorsque le chœur s’était arrêté, un homme avait crié:

–Et maintenant, à table!

Alors les invités opérèrent un mouvement d’une précision calculée, se plaçant gravement en une file, deux par deux, chaque femme la main dans celle d’un cavalier; puis tous suivirent la Grande Iza, en reprenant plus fort, en chœur:

C’est Iza, la voilà,

Dzim, dzim, boum, boum, tra la la la la!

Iza était satisfaite de la réception; non qu’elle prit au sérieux la plaisanterie, mais parce qu’elle lui évitait de causer avec Verchemont, qui n’aurait pas manqué de lui demander l’explication de son arrivée tardive. Ce fut l’éternel souper des gens sans appétit, voulant finir une journée gaiement, et qui, n’ayant pas l’esprit nécessaire pour le faire, cherchent la joie dans le bruit, souper dont la peinture banale ne nous tente pas.

Iza était placée à côté de Van Ber-Costeinn; celui-ci, se penchant sur elle, lui dit tout bas:

–Maintenant, ma chère Iza, vous allez rouler sur les millions; demain, toute l’Europe parlera de la banque Flamande; Verchemont va gagner tant d’argent qu’il sera forcé de vous obliger à le dépenser, ne sachant où le mettre.

–Mais j’en suis convaincue, dit Iza en riant.

Toujours sur le ton plaisant, Van Ber-Costeinn reprit:

–Vous êtes bien sûre, n’est-ce pas, du caissier que vous recommandez?

–Il pourra, quand vous le voudrez, être un des plus forts actionnaires de la banque Flamande.

–Ah bah!

–Ne vous ai-je pas dit qu’il était l’unique héritier d’une des plus riches familles de mon pays? Pour cette raison, je l’ai recommandé à Verchemont, afin que la caisse fût tenue par un homme ne pouvant éprouver ni le besoin ni la tentation de l’ouvrir pour lui-même.

–C’est sagement raisonné.

–Et sachez que, s’il consent à tenir cet emploi, c’est bien plus pour juger de visu ce qu’est la banque, avant de s’engager plus profondément dans ses intérêts.

–Il est donc déjà de l’affaire?

Iza ne répondait pas, grignotant dans son assiette.

Van Ber-Costeinn insista, se penchant plus près d’elle:

–Est-il pour une partie dans les fonds apportés par Verchemont?

Sans regarder son interlocuteur, Iza, jouant avec sa fourchette, dit:

–Je ne peux répondre à ce que vous me demandez là.

–Oh! fit le baron avec un clignement d’yeux.

Alors Iza se tourna vers lui, parlant vivement, comme pour éviter toute nouvelle question:

–Vous savez tout ce que vous devez connaître; c’est lui qui nous a envoyé le mémoire relatif au rétablissement de la banque, à ce qu’elle peut faire, à ses moyens d’action, ce qui devait précéder l’émission. Enfin, vous n’ignorez rien de tout cela, c’est, je crois, suffisant pour vous donner toute confiance en lui.

Le baron Van Ber-Costeinn eut un petit air entendu, en disant:

–Bon, bon, j’ai compris.

Elle vit ce que cela voulait dire. Le baron était convaincu que l’homme amené dans la banque Flamande par la Grande Iza avait fourni la plus grande partie des fonds versés par Oscar de Verchemont, et la courtisane ne fit rien pour l’en dissuader.

Interpellés par l’un et par l’autre, ils durent clore l’entretien et se mêler aux quolibets qu’échangeaient les invités.

Ce fut un bruyant souper, où on mangea bien, buvant plus, à la fin duquel on chanta des chansons épouvantables qui faisaient éclater de rire Iza et plisser le front de Verchemont. Puis deux convives, d’abord, quittèrent la table pour aller jouer dans un salon; les femmes, qu’on lutinait, se levèrent, se faisant poursuivre. Insensiblement, tout le monde abandonna la table, et l’un des hommes, qu’on appelait l’artiste, se mit au piano, accompagnant une petite soubrette des Galeries-Saint-Hubert qui chantait une polissonnerie. Ce fut la dernière chanson.

Van Ber-Costeinn avait pris le bras de Verchemont et l’entraînait dans un coin du salon, causant avec lui des changements à opérer le lendemain dans l’administration de la banque Flamande, dont le baron était le président du conseil de surveillance et Oscar administrateur.

Les femmes ayant prié le musicien assis devant le piano de jouer une gaudriole, une petite sauterie s’organisa. On dansait. Le baron et Verchemont causaient; et c’est dans ce milieu, entourés de danseurs et de danseuses, qu’ils accomplirent la rénovation de la banque Flamande.

Iza Lolotte et Compagnie

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