Читать книгу La gymnastique : notions physiologiques et pédagogiques, applications hygiéniques et médicales - Alfred Collineau - Страница 16
FONCTIONS LOCOMOTRICES
ОглавлениеAnatomie: Divisions. — Notions sur l’anatomie descriptive et sur la structure de l’os et du muscle. — Physiologie: La contraction. — La secousse, l’onde musculaires. — Durée de la contraction. — La tonicité. — Propriétés générales du muscle élasticité, pouvoir électro-moteur, nutrition, actes chimiques, propriétés respiratoires, sensibilité, sens musculaire — Propriété caractéristique du muscle: contractilité ou irratibilité. — Excitants de la contractilité. — Modificateurs de la contractilité. — Fatigue musculaire. — Rigidité cadavérique. — Du travail musculaire.
C’est sur le système locomoteur qu’en première ligne, l’influence de la Gymnastique s’exerce.
C’est, par son intermédiaire, que cette influence se répercute sur l’ensemble de l’organisme.
Trois systèmes d’organes concourent à la production des mouvements: les os, parties inertes, formant levier; les muscles, instruments actifs; le système nerveux cérébro-spinal.
Le cerveau commande, et le cervelet coordonne les mouvements; le cordon médullaire conduit, et les nerfs qui en émergent transmettent l’excitation volontaire aux muscles qui se contractent et produisent le mouvement. Il est indispensable que l’intelligence intervienne, car l’attention est d’abord éveillée; puis le jugement entre en action, et enfin la volonté.
Cette série d’actes cérébro-psychiques ne montre-t-elle pas que la gymnastique pédagogique n’a pas pour unique résultat de développer les seules forces physiques; mais que, bien comprise et sérieusement appliquée, elle devient une partie intégrante et indispensable de l’éducation?
Fig. 2. Encephale moelle épinière et nerfs spinaux vus par derriere; 1,2, encephale composé 1, du cerveau et 2, du cervelet; 3, moelle épinière et nerfs; 4, nerfs des membres supérieurs; 5, nerf des membres inférieurs.
(DALTON).
Appareil passif de la locomotion, les os jouent le rôle de leviers.
Leur tissu, moins dense et d’une moindre consistance dans l’enfance, se durcit progressivement dans la jeunesse et l’âge viril, sous l’influence des matériaux de nutrition que la circulation leur fournit incessamment. De même que l’augmentation de leur densité favorise l’accomplissement des mouvements réguliers, de même ces mouvements concourent en y accélérant le travail d’organisation, à leur donner de la consistance, de la résistance, de la force.
Les os se divisent en longs, courts et plats.
Ce sont les premiers qui jouent dans les mouvements les fonctions de leviers.
Les seconds sont accumulés aux points qui ont à subir de fortes pressions. Rassemblés autour des viscères et autour de l’encéphale, ces derniers en protègent, à la manière d’une cuirasse, l’impressionnabilité.
La forme générale des os longs rappelle celle d’un prisme légèrement tordu sur lui-même se terminant par deux extrémités renflées qui servent de surfaces à l’assemblage des différents os entre eux.
Les extrémités des os longs présentent des dépressions et des éminences de formes diverses servant à l’insertion des ligaments articulaires dont la disposition et la forme elles-mêmes varient pour chaque articulation.
Encroûtées de cartilages, les surfaces lisses des extrémités osseuses en contact, glissent l’une sur l’autre, à frottement doux, dans les mouvements.
Une membrane séreuse (synoviale articulaire) les tapisse, et l’humeur visqueuse qu’elle sécrète favorise la souplesse et la liberté des mouvements.
Fig. 3. Os de la cuisse scié dans le sens de la longueur.
(DALTON)
Suivant les fonctions particulières dévolues à chaque jointure, les dispositions et la forme des surfaces subissent des variations qui classent l’articulation dans tel ou tel groupe distinct: enarthrose, gynglyme, condyle.
Appareil actif de la locomotion, les muscles et leurs annexes ont seuls à nous occuper longuement.
On distingue deux ordres de muscles: A). les muscles de la vie de relation, dits: muscle) volontaires, parce qu’ils sont soumis à l’empire de la volonté ; B). les muscles de la vie organique, dits involontaires, lesquels, échappant à l’influence de la volonté, président plus particulièrement aux mouvements propres des viscères.
Au point de vue de l’anatomie microscopique, les premiers portent le nom de muscles striés; les seconds, celui de muscles lisses.
C’est à l’activité des muscles volontaires, striés, des muscles de la vie de relation que la Gymnastique fait appel. Quant aux muscles lisses, d’un intérêt considérable pour le physiologiste, leur étude ne saurait nous retenir. Nous n’avons à en faire mention qu’à titre de point comparatif.
MUSCLES STRIÉS. Anatomie descriptive. — Chez l’homme, le système musculaire de la vie de relation ne comprend pas moins de 455 muscles longs, larges ou courts. La masse totale de cet ensemble équivaut, d’après les calculs du professeur Sappey, aux deux cinquièmes de la masse totale du corps de l’homme adulte bien constitué.
Selon la disposition annulaire, en éventail, penniforme, fusiforme de ses fibres, selon ses usages, selon encore ses points d’attache, chaque muscle volontaire porte, en anatomie, un nom particulier.
Ceux dont les fibres sont parallèles et fixées par leurs deux extrémités à des parties qu’elles meuvent l’une sur l’autre, ont une portion moyenne appelée corps charnu, composée de tissu musculaire proprement dit et des extrémités d’attache ou d’insertion composées d’un tissu très résistant: ce sont les tendons musculaires.
Le biceps huméral, le gastro-cnémien, offrent le type de ces muscles; c’est en ceux-là que la locomotion trouve ses auxiliaires les plus précieux.
Fig. 4. Diagramme du bras plié au coude, pour montrer l’action des muscles fléchisseurs.
(DALTON)
Fig. 5. Diagramme du pied et de la cheville, le talon étant soulevé parle tendon d’Achille
(DALTON)
Les rapports de contiguité des muscles entre eux sont indispensables à bien connaître pour l’anatomiste. Leur groupement par régions permet au physiologiste de se rendre un compte parfait de leurs actions contingentes ou antagonistes. Le chirurgien y puise les documents topographiques qui le guident avec sûreté dans la pratique de son art. Mais ce sont là autant de questions spéciales dans le développement desquelles nous n’avons pas à entrer. Notons seulement qu’entre les muscles, entre les muscles profonds, en particulier, se glissent les vaisseaux et les nerfs qui nourrissent et animent la région.
Structure intime du tissu musculaire. — Pour l’intelligence des déductions physiologiques qui font suite, l’étude des caractères microscopiques du tissu musculaire doit nous arrêter.
Fig. 6 Région de l’aisselle.
1, Grand pectoral soulevé par une erigne; 2, petit pectoral; 3, grand dorsal et grand rond; 4, biceps; 5, triceps; 6. aponé rose brachiale: a, artère axillaire, b, muscle coraco-brachial, c. nerf musculo-cutane, d, médian, e brachial cutané interne, f, cubital, g, veine axillaire, i, artères et veines scapulaires inférieures. (BERNARD et HUETTE, Médecine opératoire).
La fibre musculaire est enveloppée dans une gaîne très mince appelée myolemme . Extensible, très élastique, n’atteignant pas, en épaisseur, un millième de millimètre (Ch. Robin), cette membrane constitue pour la fibre une enveloppe complète.
Quant à la fibre même, son caractère essentiel consiste en une double striation: 1° striation longitudinale, c’est-à-dire, parallèle à l’axe de la fibre; cette striation semble diviser la fibre en un pinceau de fibres parallèles; 2° striation transversale; cette dernière, en général, beaucoup plus apparente, est produite par la succession alternative de lignes obscures et de lignes transparentes, de telle sorte que la fibre musculaire paraît comme formée par une série de disques alternativement foncés et clairs disposés comme une pile de monnaie.
Fig. 7. Myolemme rendu visible par la rupture du contenu.
(TODD et ROWMAN)
A la surface, et même dans la profondeur de la fibre, se remarquent, de distance en distance, des noyaux renfermant eux-mêmes un ou deux nucléoles, et destinés à jouer un rôle important dans la formation des muscles striés.
Fig. 8. Fibres musculaires striées a Striation ransversale bien accentuée
En faisant macérer la fibre musculaire dans l’alcool ou dans l’eau, on la décompose en fibrilles parallèles, larges de un millième de millimètre, séparées les unes des autres b. Noyaux rendus visibles par l’action d’un acide dilué. par une gaîne extrêmement mince, et composées d’une série de petites masses rappelant la forme d’un cube, les unes obscures, les autres claires, alternant entre elles. Au milieu de l’espace clair se voit une strie noire transversale.
La fibre musculaire striée se compose donc de fibrilles constituées elles-mêmes de segments obscurs et clairs superposés et séparés par des plans de segmentation transversaux. De là, le double aspect longitudinal et transversal de la striation.
D’une longueur qui ne paraît pas excéder, en général, quatre centimètres, les fibres musculaires, dans les muscles qui dépassent ces dimensions, s’accolent par leurs extrémités, en se juxtaposant sur une certaine étendue de leurs bords latéraux.
Les fibres musculaires se groupent en faisceaux. Ce sont les faisceaux dits primitifs.
Ces faisceaux primitifs se groupent à leur tour en faisceaux dits secondaires bien visibles à l’œil nu. De même, ceux-ci forment par leur assemblage les masses musculaires, le corps du muscle proprement dit.
Tous ces faisceaux sont recouverts d’une gaîne qui, enveloppant la masse musculaire dans son ensemble, enveloppe également chacun des faisceaux secondaires et chacun des faisceaux primitifs, en se décomposant en autant de compartiments.
Cette gaîne est d’un tissu désigné sous le nom de lamineux, parce qu’il est composé de lamelles, comme feutrées. Très répandu dans l’organisme, le tissu lamineux s’y rencontre partout où il y a une connexité à établir entre les parties constitutives d’un même organe, ou entre deux organes séparés.
Vaisseaux et nerfs. — Nous avons dit que dans les interstices existant entre les muscles, couraient les gros troncs vasculaires et nerveux.
Les ramifications vasculaires pénétrent les muscles, et, rampant le long du myolemme, s’y déploient en un réseau aussi riche que délié.
Une seule fibre musculaire reçoit souvent quatre et cinq rameaux capillaires.
Les artérioles qui alimentent les muscles, se distinguent par la contractilité de leurs parois: disposition anatomique en rapport avec l’activité fonctionnelle de l’organe à desservir.
Les nerfs se divisent et se subdivisent en rameaux qui pénètrent le muscle, en cheminant dans son épaisseur perpendiculairement à l’axe des faisceaux musculaires, et se terminent au niveau de la fibre même.
Le mode de terminaison du filet nerveux dans la fibre musculaire est des plus curieux. Il semble s’y épanouir, sous l’aspect d’un petit renflement de forme conique; mais, en réalité, sa partie essentielle (le cylinder axis) persiste au milieu de ce renflement et s’épanouit en un pinceau de fibrilles.
Composition chimique. — Débarrassée de sa gaîne élastique, et soumise aux opérations appropriées, la fibre musculaire se résout en un liquide sirupeux, jaunâtre, alcalin, qui ne tarde pas à se coaguler de la même façon que du sang, c’est-à-dire, en se séparant en une partie liquide: le sérum musculaire, et en une partie semi-solide: la myosine.
La myosine se dissout dans une solution, au dixième, de sel marin. Elle est précipitée par les acides et les bases. Elle est essentiellement nutritive et assimilable. Traitée par l’acide chlorhydrique très étendu, puis par l’acide carbonique, elle se transforme en une substance blanche, gélatineuse, la syntonine, insoluble dans les dissolutions de sel marin, et analogue aux matières albuminoïdes.
Le sérum musculaire contient des albumines, de la caséine, de la créatine de l’urée, ainsi que plusieurs autres produits d’une importance moins capitale (xanthine, taurine, acide lactique, etc.)
Ses cendres décèlent la présence de phosphates et de lactates de potasse, ainsi que des traces de fer.
Développement de la fibre musculaire striée. — Le développement de la fibre musculaire se prête à des considérations du plus vif intérêt.
Pour ne pas nous perdre dans des détails de micrographie qui ne sauraient trouver place ici, bornons-nous à en donner, d’après la description qu’en a tracée le docteur Mathias Duval , une idée générale. C’est aux dépens des noyaux que nous avons signalés dans le contenu de la fibre, que la fibre et la fibrille paraissent se former.
On voit, en effet, la multiplication de ces noyaux constituer une sorte de cordon, d’abord variqueux, puis cylindrique. L’aspect strié commence à s’apercevoir. Les noyaux sont superposés. Alors, seulement, apparaît le myolemme, sous forme d’une pellicule extrêmement mince qui va graduellement en augmentant d’épaisseur; mais qui, dès son origine, (Ch. Robin) résiste à l’action de l’eau et de l’acide acétique.
«Du moment que le myolemme est apparu, dit M. Mathias Duval, la fibre musculaire est constituée. Les noyaux sont ensuite chassés vers sa périphérie, chez les animaux supérieurs et chez l’homme en particulier. »
PHYSIOLOGIE. — Au point de vue physiologique, le muscle demande à être considéré à l’état d’activité, et à l’état de repos.
L’activité du muscle se manifeste par le fait de la contraction. Il convient donc, avant tout, de se rendre compte de ce fait: la contraction musculaire.
Résistance caractéristique à la pression, raccourcissement du diamètre longitudinal, accroissement corrélatif du diamètre transversal, tels sont les phénomènes qui accompagnent la contraction du corps charnu d’un muscle.
Le raccourcissement, dans le sens longitudinal, peut aller jusqu’aux quatre cinquièmes de la longueur primitive. Le gonflement, dans le sens transversal, est équivalent. Pendant la durée de la contraction, le volume de la masse musculaire ne change pas.
Ces phénomènes sont d’une constatation vulgaire. Ils ne sont que la résultante de phénomènes autrement déliés, et à la connaissance desquels on est parvenu par voie expérimentale. «Ceux-ci en se fusionnant, dit M. Mathias Duval produisent la contraction, comme les vibrations simples produisent par leur succession rapide telle ou telle note de la gamme.»
Et il y a, ici, plus qu’une comparaison. En entrant en contraction, le muscle produira un son dont la tonalité sera en raison directe de la rapidité avec laquelle se succéderont, dans l’unité de temps, les éléments de la contraction. Ces éléments de la contraction sont ce que le professeur Marey a appelé les secousses musculaires.
La notion de la secousse musculaire est, sans contredit, une des plus belles conquêtes que la physiologie expérimentale ait faites de nos jours.
A l’aide d’un appareil extrêmement ingénieux imaginé par M. Marey, sous l’excitation d’une simple décharge électrique, et au moyen de la méthode dite graphique on prend la secousse musculaire sur le fait. Elle se trahit sous l’aspect d’une ligne d’abord horizontale répondant à une période d’excitation latente de la durée de 1/60e à 1/100e de seconde; puis ascendante, marquant la période de raccourcissement du muscle et durant 1/6e de seconde; puis, enfin, descendante, indiquant le retour de l’état de repos, et mettant également un sixième de seconde à se prononcer.
La fatigue du muscle, son refroidissement, l’arrêt de sa circulation atténuent l’amplitude et la rapidité de la secousse dans des proportions que les modifications du tracé graphique permettent de relever avec précision.
En substituant à des excitations brusques mais isolées, une série rapide d’excitations, on assistera au phénomène graphique très intéressant que voici: La ligne de descente C E de la première secousse sera rompue par la ligne d’ascension E C’ de la seconde secousse, et ainsi de suite en C’ E’, C” E”’ C’” E’” jusqu’à ce que la puissance de réaction du muscle étant momentanément réduite à zéro, la fatigue l’emporte sur l’excitabilité.
Fig. 9. Tracés graphiques de la contraction musculaire
1. Analyse d’un tracé de la contraction musculaire; A B, excitation latente; B C, ligne d’ascension; eu, ligne tracée pendant que dure la forme dite active, D E, ligne de descente et retour à la forme de repos E F.
2. Forme ordinaire d’une secousse; AB, excitation latente; de B en CD, ascension ou passage de la forme de repos à la forme active; celle-ci ne se maintient qu’un instant en C D, et aussitôt se produit la ligne de descente D E ou retour à la ferme de repos E F.
3. Tétanos physiologique; A B, excitation latente; B C, ascension; E D, descente interrompue par une nouvelle ascension, les secousses ainsi produites successivement (c c’ c” c”’) ne succèdent ensuite assez rapidement pour se fusionner, de sorte que le muscle se maintient sous la forme active et trace la ligne F, Les lignes ponctuées indiquent les descentes ou retour à la forme de repos, qui se seraient reproduites, si de nouvelles excitatiôns n’avaient forcé le muscle à tracer une nouvelle ligne d’ascension avant même d’avoir achevé la ligne de descente de la secousse précédente.
Cette série de secousses fusionnées compose la contraction, et le tracé graphique qui en résulte met sur la voie du mécanisme physiologique du fait.
Quant au son musculaire dont il vient d’être fait mention, il est la manifestation acoustique de la série de secousses dont la fusion est nécessaire pour amener l’état de contraction.
M. Marey a donné le nom d’onde musculaire à cette série de secousses qui, se propageant dans le muscle, en déterminent le raccourcissement longitudinal et lé gonflement transversal.
Le mot rend avec bonheur la chose. C’est bien à la manière d’un flot, que l’effet de l’excitation portée sur l’extrémité du muscle, progresse de fibre en fibre, de faisceau en faisceau, jusqu’à l’autre extrémité. Que, maintenant, l’excitation porte à la fois sur les deux extrémités du muscle; alors les secousses musculaires étant simultanées, la totalité du corps charnu entrera à la fois en contraction.
L’expérience a prononcé sur ces particularités.
Il s’en présente une autre encore, qui n’est pas moins digne d’intérêt.
Que l’on place, sous la lentille d’un microscope, un ou deux faisceaux musculaires pris sur un animal immédiatement après la mort, et l’on parviendra à reconnaître que, si la striation transversale existe dans toutes les phases physiologiques que peut traverser le muscle, les stries sont plus serrées pendant la contraction.
Les vues du docteur Rouget sur la disposition en forme de spire qu’affecteraient les fibrilles musculaires pourraient servir, on le comprend sans peine, à l’interprétation de ce fait.
Que la durée de la contraction soit essentiellement temporaire, cela va de soi.
Selon le docteur Gaillard (de Poitiers), il est impossible au sujet le plus vigoureux de maintenir les membres supérieurs horizontalement tendus plus de dix-neuf minutes, comme de se tenir debout plus de trente à trente-trois minutes, élevé, sur la pointe des pieds.
Pendant le repos, il ne faut pas croire que le muscle tombe dans un état de complet relâchement. Si, en effet, le bras et l’avant-bras étant au repos, on coupe le tendon du biceps, on voit immédiatement ce muscle se raccourcir d’une petite quantité.
L’élasticité propre au tissu y est assurément pour quelque chose; mais le phénomène ne se réduit pas à une question d’élasticité.
Cet état de tension dans lequel, en dehors de toute contraction, restent les muscles, pendant la vie, a reçu le nom de tonicité.
Dans la permanence de la tonicité musculaire, la plus large part revient au système nerveux. C’est un effet d’innervation qui prend sa source dans le centre gris de la moelle. Et ce n’est pas seulement à l’action de la substance, grise de la moelle, c’est aussi à l’intervention de la sensibilité qu’il faut en attribuer l’origine.
La tonicité représente un léger degré de contraction.
La contradiction apparente qu’une semblable assertion semble impliquer s’évanouit en présence de l’ingénieuse interprétation qu’en donne le docteur Onimus. L’activité permanente révélée par l’état de tonicité s’expliquerait, à ses yeux, par cette circonstance que les contractions fibrillaires atteignent successivement, et non simultanément, les divers faisceaux des muscles; les uns se reposeraient complètement, tandis que les autres se contracteraient faiblement. Telle serait, sans doute, l’origine du frémissement continu que l’on entend, lorsqu’on ausculte les muscles en l’absence de toute contraction permanente.
PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES DU MUSCLE. — D’après M. Math. Duval, le muscle est doué de diverses propriétés générales qui lui sont communes avec d’autres tissus, mais qui empruntent à son mode spécial de fonctionnalité des caractères particuliers.
Nous allons les passer en revue brièvement.
L’élasticité — cette qualité précieuse, entre toutes, du muscle — lui vient en grande partie du myolemme; mais la substance musculaire proprement dite n’y reste pas étrangère. Parfaite, pendant le repos, c’est-à-dire, allant jusqu’à permettre le retour absolu vers la forme primitive, elle persiste pendant la contraction.
Si paradoxal que semble le fait, le muscle contracté est aussi mou, aussi extensible, plus extensible même, qu’à l’état de relâchement. Les expériences de Weber reprises par Hermann et plus récemment par G. Blix, en ont donné une preuve sans réplique. Un muscle en repos que l’on charge d’un poids et que l’on fait entrer en contraction ensuite, au lieu de se raccourcir, s’allonge au contraire sensiblement. C’est simplement que, dans l’état de contraction, le muscle est moins résistant à l’élongation qu’à l’état de repos.
L’élasticité du tissu musculaire n’est pas une propriété physique. Elle dépend de sa composition chimique, laquelle dépend elle-même de sa nutrition.
L’importance de cette propriété est capitale. Les expériences de M. Marey en donnent la raison. «Lorsqu’en effet, une force vive agit sur un levier par l’intermédiaire d’un corps non élastique, une grande partie de cette force est perdue en un choc. Si l’intermédiaire est un corps élastique, celui-ci, par le fait de son élasticité, emmagasine, et puis restitue, sous forme de travail mécanique, la force qui se serait dépensée en choc, de telle sorte que l’effet utile est, en définitive, bien plus considérable.» Le travail utile que peut fournir le muscle est donc en raison directe de son élasticité.
Les remarquables recherches de Nobili, de Matteucci, de du Bois-Reymond ont démontré qu’à l’état de repos, les muscles sont parcourus par des courants électriques propres. Le professeur Jaccoud les désigne sous la dénomination distinctive de courant naturel du muscle en repos.
Sans entrer dans l’exposé des théories émises pour en expliquer la genèse, notons que le courant naturel du muscle en repos affecte une direction constante. Cette direction est telle que la section longitudinale du muscle est positive relativement à la section transversale qui est négative (Jaccoud).
La durée du courant est celle de la vie dont il subit les fluctuations.
Au moment de la contraction, son intensité s’abaisse. On appelle variation ou oscillation négative, le changement qui se manifeste dans l’état électrique du muscle contracté. L’oscillation négative paraît la conséquence des modifications d’ordre chimique que la contraction ne peut manquer de provoquer dans le tissu musculaire.
Les phénomènes d’ordres chimique et nutritif dont le muscle est le siège présentent un intérêt tout particulier. A l’état de repos, comme en contraction, il vit et se nourrit. En d’autres termes, la composition chimique du liquide dont il est imprégné se modifie incessamment.
En un mot, (Cl. Bernard, P. Bert, etc., etc.) le muscle respire.
En repos, tant qu’il vit, il absorbe de l’oxygène et dégage de l’acide carbonique.
La contraction rend le dégagement de l’acide carbonique plus considérable et la combustion respiratoire plus active encore; de telle sorte que, d’alcalines qu’elles étaient pour le muscle au repos, les réactions deviennent acides pour le muscle contracté.
Ajoutons qu’entre l’état de paralysie et celui de contraction, qui sont les deux extrêmes, l’état de tonicité, sous le rapport de l’intensité des phénomènes respiratoires, occupe le juste milieu.
La sensibilité des muscles est obtuse. Dans les amputations, leur section ne cause que peu de douleur. Mais Ch. Bell, puis Gerdy, ont appelé l’attention sur un mode de sensibilité tout spécial au muscle et qu’ils ont appelé, celui-ci: sentiment d’activité, celui-là, sens musculaire.
Les vivisections auxquelles Cl. Bernard s’est livré, en vue de vérifier l’assertion subjectivement émise par Ch. Bell, puis par Gerdy, en ont démontré l’exactitude.
Le muscle jouit, en effet, d’une sensibilité particulière qui mérite le nom de sens musculaire. Grâce à ce sens musculaire, l’encéphale est en mesure de juger de la force et de l’étendue des mouvements, en d’autres termes, de l’intensité des contractions que ces mouvements nécessitent.
Weber a constaté qu’entre deux poids soulevés successivement, la distinction est possible, à la condition que l’écart entre les deux poids ne soit pas inférieur à un dix-septième du poids total.
Quant au siège précis de ce sens musculaire, quel est-il?
Cette question est enveloppée, encore, d’une profonde obscurité.
Wundt place ce siège dans la substance grise de la moelle, c’est-à-dire, dans les cellules nerveuses préposées à la locomotion.
J. Muller, Ludwig, Bernstein, Bernhart penchent vers la même opinion. Celle du professeur Trousseau ne s’en éloigne pas sensiblement.
«Un travail récent de Carl Sachs, dit M. Mathias Duval , nous paraît mettre aujourd’hui hors de doute la sensibilité propre du muscle. Étudiant au microscope la terminaison des nerfs dans les muscles de la grenouille, Carl Sacks a été amené à reconnaître des extrémités nerveuses qu’il considère comme sensitives et qui seraient caractérisées par ce fait qu’elles n’arriveraient pas, comme terminaisons motrices, jusque, dans l’intérieur de la fibre musculaire, mais formeraient un réseau délicat en dehors du myolemme et décriraient des spires, comme le fait le lierre autour d’un tronc d’arbre; de telle sorte que la sensation de la contraction musculaire résulterait de la pression mécanique que la fibre musculaire, au moment de son raccourcissement, exerce sur ce réseau nerveux périphérique.»
Indépendamment des propriétés générales: électricité, pouvoir électro-moteur, activité nutritive, sensibilité qui viennent d’être décrites, le muscle possède une propriété qui lui est propre et le distingue de tous les autres tissus.
Cette propriété, c’est la contractilité ou irritabilité musculaire.
Glisson est le premier qui ait vaguement appelé sur elle l’attention. Haller l’étudia ensuite par voie expérimentale et en détermina les caractères avec une précision irréprochable.
De nos jours, les expériences de Longet, de Claude Bernard, de Kolliker, Waller, Krause, Vulpian, ont établi d’une manière inattaquable que, par eux-mêmes, les muscles jouissent de la propriété d’entrer en contraction, sous l’influence d’un excitant, et que l’irritabilité dite Hallérienne leur appartient incontestablement en propre.
Les excitants de la contractilité sont d’ordre: 1° physique, tels que le choc, la piqûre, le tiraillement, la chaleur, le froid, l’électricité ; 2° chimique, et le nombre en est, pour ainsi dire, indéfini; 3° physiologique, et consistant spécialement dans l’action nerveuse: excitant naturel du système locomoteur.
Les circonstances de nature à modifier l’irritabilité musculaire sont très nombreuses. Leur influence perturbatrice s’exerce sur la nutrition et la constitution chimique du tissu, directement; puis, par contre-coup, sur sa propriété caractéristique.
L’excès de repos exagère l’alcalinité de ses réactions.
L’excès d’activité y produit accumulation de principes acides.
L’anémie réduit à néant la contractilité musculaire.
L’hyperhémie en accroît la puissance.
Il en est de même de l’électricité sous forme de courants continus.
Des expériences très remarquables de G.-V. Poore, il résulte qu’un sujet tenant son bras écarté du corps à angle droit, supporte un poids beaucoup plus longtemps, quand le courant passe, que quand il ne passe pas. Si l’on fait supporter, le poids sans faire passer le courant pendant un temps assez long, il arrive un moment où la fatigue est telle que le sujet sent qu’il va lâcher le poids; on établit alors le courant et l’on constate que la sensation d’impuissance diminue aussitôt. «Cet effet du courant semble durer quelque temps après sa cessation. Les sujets en expérience affirment conserver un sentiment de force pendant près d’une heure.»
Certains alcaloïdes végétaux, enfin, impressionnent très violemment, soit pour l’exagérer; soit pour l’abolir, l’irritabilité musculaire.
En tête des premiers, il faut placer la vératrine. Elle exagère à tel point — les recherches de Prévost (de Genève) en font foi — l’irritabilité des muscles, que toute excitation les fait entrer ensuite dans un état de contraction voisin de l’état tétanique.
L’ésérine, d’après les expériences des docteurs Leven et Laborde, peut venir après.
Au premier rang des agents destructeurs de l’irritabilité, se place la digitaline dont l’action sur le cœur paraît bien distincte (Vulpian) de celle qu’elle exerce sur le sytème nerveux.
Différents poisons, dont les peuplades du Gabon font usage pour empoisonner leurs flèches, méritent (Polaillon et Carville) d’être classés dans le même groupe.
Pour suivre M. Mathias Duval jusque dans les dernières subdivisions de son remarquable exposé, disons un mot de la fatigue musculaire, ainsi que de la raideur cadavérique, et donnons sur le travail musculaire, envisagé au point de vue physiologique quelques documents précis.
Par cette expression: fatigue musculaire, ce n’est pas sentiment de lassitude générale qu’il faut entendre. Sous son acception scientifique, la désignation de fatigue musculaire s’applique à un état du muscle expérimentalement déterminé. Dans cet état, l’accumulation des produits acides des combustions lui fait perdre l’aptitude à se contracter.
L’apport d’une dose nouvelle de liquide sanguin suffit pour triompher de cette inertie. Le sang agit ici, d’abord en vertu de l’alcalinité de son sérum; ensuite, — les expériences de H. Kronecker l’ont prouvé — en vertu des propriétés réparatrices de son oxygène.
Résultat de la coagulation de la substance albumineuse du muscle (myosine) par les acides qui s’y sont développés, la rigidité cadavérique se manifeste de dix minutes à sept ou huit heures après la mort. Sa durée est d’autant plus longue que son apparition est plus lente. Un grand déploiement d’activité, dans les derniers moments de la vie, a pour effet de la rendre presque immédiate.
C’est ce qui se remarque sur le champ de bataille, où les cadavres conservent l’attitude même du combat.
L’explication du fait est facile: au moment où la mort a surpris le soldat, ses muscles recélaient, en abondance, des produits acides de combustion, et la coagulation de la myosine a commencé, sans désemparer.
Du travail musculaire. — Un muscle en contraction est le siège de combustions actives. Si ce muscle, en se contractant, ne rencontre pas de résistance, les combustions dont il est le siège se transforment en chaleur.
Mais, s’il rencontre une résistance, un certain nombre d’entre les unités de chaleur qui se sont développées se transforment en équivalents mécaniques. La somme de chaleur produite par les combustions que la contraction musculaire a engendrées se traduit donc, alors, partie en travail, partie en chaleur.
Le muscle en travail est, par conséquent, comparable à une machine. Il transforme de la chaleur en travail mécanique. Mais, où il l’emporte sur la meilleure machine, c’est en ce qu’il transforme en travail utile une quantité double de chaleur.
Les hydro-carbures sont, par excellence, la source qui alimente la puissance du travail musculaire. Aussi, les animaux herbivores, qui se nourrissent surtout de matières hydro-carburées, sont-ils aptes à à fournir une somme de travail incomparablement supérieure aux carnivores qui se nourissent de matières albuminoïdes. Aussi, l’entretien de la capacité pour le travail mécanique est-il, pour l’homme qui est omnivore, au prix de l’assimilation quotidienne d’une quantité suffisante d’hydro-carbures.
Un anglais, Harting, s’est livré, sur lui-même, à une expérience décisive à cet égard. Après s’être mis au régime de 1,500 grammes de viande par jour, presque sans hydro-carbures, il est arrivé à un degré extrême de faiblesse musculaire.
Dans les exercices de force qui lui sont habituels, l’homme parvient encore assez aisément à fournir la somme de travail utile dont il est besoin; mais, à défaut d’une éducation préalable appropriée, à défaut de savoir s’y prendre pour accomplir l’effort, lorsque cet effort est d’un genre auquel il n’est pas accoutumé, que lui arrive-t-il? Sans profit aucun, il fait entrer en contraction une foule de muscles qui ne lui peuvent prêter nul concours effectif et qui ne demanderaient qu’à être laissés en repos; il détermine de la sorte, comme suite de l’inutile surcroît de contraction qu’il provoque, des combustions surabondantes, il développe de la chaleur en excès et ne tarde pas à être couvert de sueur.
Quant au travail qu’il a entrepris, c’est péniblement qu’il s’en acquitte.
Sous le couvert des autorités les mieux accréditées, tel est, ramenée à une expression élémentaire, l’état de la Science sur le sujet.