Читать книгу La gymnastique : notions physiologiques et pédagogiques, applications hygiéniques et médicales - Alfred Collineau - Страница 9

MOYEN-AGE. — RENAISSANCE XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES

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Développement et influence du monachisme. — Esprit des Règles monastiques. — Aétius, Paut d’Égine: impuissance de leurs efforts. — L’école arabe Rhazès, Avicennes, Averrhoès. — Organisation féodale: la chevalerie, mode d’éducation du chevalier. XIIIe, XIVe et xve siècles. — Décadence de la chevalerie. — XVIe siècle, Rabelais, André Versale, Mercuriali de Vérone, Luther, Montaigne, etc.: leur œuvre. — Progrès de la physiologie au XVIIe siècle. Sanctorius, Harvey, Borelli, etc.: leur influence. — Les médecins du XVIIIe siècle: Sydenham, Hoffmann, Boerhaave, Andry, Tissot, etc.; leurs efforts en faveur de la Gymnastique. — J.-J. Rousseau, L’Émile, — Pestalozzi, sa doctrine.

Quant vint le Moyen-Age,... ce fut la nuit. — De l’Orient à l’Occident, le monachisme gagne. Il pullule des ermitages, des cloîtres. Le silence règne,... le silence dans les ténèbres.

Cette idée, contre nature, de déserter la famille, ses joies, ses devoirs, pour aller s’enfouir dans un isolement égoïste et stérile, pour aller passer sa vie dans une contemplation apathique et vide, pour se condamner à une passivité sans raison, cette idée n’est pas exclusivement chrétienne. Avec le christianisme, on doit le dire, elle prit un essor insensé ; mais bien avant l’avènement du nouveau dogme, en Inde, en Perse, en Judée, en Grèce même, et à Rome elle avait germé déjà et fructifié.

Les premiers moines chrétiens ont trouvé, tout tracés, leurs modèles.

Du IIe siècle, peut-être, du IIIe siècle, à coup sûr, date leur première apparition. D’origine orientale, la Thébaïde fut leur berceau. Ils s’y multiplièrent avec rapidité.

«La forme primitive du monachisme a été vraisemblablement, dit M. Alfred Marchand , celle que représentaient les ascètes. C’étaient des chrétiens qui, sans quitter les villes et les villages, réduisaient leur commerce avec le monde à la plus simple expression possible, et s’imposaient certaines privations pour s’élever à un degré supérieur de perfection morale.... Les ascètes qui quittaient les villes et les villages pour se retirer dans la solitude des campagnes s’appelaient monachoi, c’est-à-dire hommes vivant isolés.... les ascètes ou moines qui vivaient dans une solitude absolue s’appelaient ermites. Il y en eut, dès les premiers temps, qui, vivant exclusivement d’herbes et de racines, s’appelaient brouteurs.

«Les ascètes ou moines qui, dans un certain district, se réunissaient pour accomplir en commnu leurs exercices de piété et de mortification, portèrent le nom de cénobites: (ceux qui vivent en commun) quand ils arrivèrent à se réunir d’une façon permanente sous le même toit, leur habitation prit le nom d’ascétère ou de monastère.... Si l’une des principales causes de la rapide multiplication des ermites et des moines de l’Orient doit être recherchée dans le désir d’échapper aux persécutions dirigées pendant un certain temps contre les chrétiens, le développement considérable de la vie solitaire et ascétique dans l’Occident, à l’époque dont nous parlons, est dû en grande partie au besoin d’échapper aux terribles bouleversements dont la France, et en général les pays situés sur les bords de la Méditerranée, étaient l’objet. Le monde ancien s’écroulait sous l’invasion des barbares. Couvert des ruines amoncelées par les Francs, par les Huns, il perdait son attrait, il n’offrait plus aucune sécurité, et l’on comprend qu’un grand nombre de personnes, n’y voyant plus qu’un théâtre de douleurs, de destruction et de ravages, éprouvassent le désir de fuir et de se réfugier dans des retraites paisibles où elles pussent se consacrer entièrement à des œuvres et à des exercices destinés, dans leur pensée, à leur assurer au moins le bonheur et la félicité dans l’autre monde. D’autres s’étaient rendus coupables de grands méfaits, d’exactions odieuses, au milieu des bouleversements de la Société : ils voyaient dans la fondation de maisons nouvelles consacrées spécialement à la prière et à la piété, ou dans des legs faits aux maisons déjà existantes, un moyen de se laver de leurs souillures et de rentrer en grâce auprès du Très-Haut.»

Malesuada pavor! ce fut de l’affolement.

Un siècle plus tard, vers 520, ces divers établissements adoptaient la Règle de saint Benoît, fondateur de l’ordre des Bénédictins ou moines d’Occident. A l’issue d’un noviciat d’un an, le triple vœu: 1° de rester non-seulement dans l’Ordre, mais dans le couvent (stabilitas loci); 2° de mener une vie pauvre, austère et chaste (conversio morum); 3° de prêter aux supérieurs une obéissance absolue (obedientia), en constituait la base. L’interdiction à tout membre de l’Ordre de posséder en propre quoi que ce soit «d’avoir même en sa puissance ni son corps ni sa volonté » en faisaient autant d’instruments aveugles entre les mains de leurs supérieurs.

Ces considérations sur les origines du monachisme pourraient paraître ici hors de propos, si elles ne donnaient la clé de la direction prise par les esprits, lors de l’effondrement de l’empire romain.

En Occident, l’influence des moines a été intense. Douze longs siècles durant, elle a pesé de tout son poids sur l’intellect humain. De nos jours, l’éducation n’en est pas libérée encore. Ainsi se décèlent les obstacles contre lesquels s’est heurtée l’Évolution; ainsi s’expliquent ses temps d’arrêt, et, à certains égards, ses reculs.

Saint Benoît a commencé par consacrer un abus monstrueux. Aux termes de la Règle dont il s’est fait le promoteur, il était ordonné d’admettre dans l’Ordre, les enfants, quel que fût leur âge.

«Les enfants, dit M. Alfred Marchand , étant voués à la vie ascétique malgré eux, et à un âge où ils ne pouvaient manifester de volonté raisonnée et délibérée, on les appelait des offerts, des oblats.

«Benoît établit formellement que la promesse des parents serait acceptée à la place de celle de leurs enfants, à la condition que les parents, en offrant l’enfant et en prononçant les vœux pour lui, enveloppassent leur demande ou leur offre avec la main de l’enfant, dans la nappe de l’autel. Après cette cérémonie, ces enfants étaient tellement engagés, qu’étant parvenus à l’âge de raison, ils ne pouvaient quitter l’ordre sans être traités en apostats.»

Plusieurs conciles approuvèrent cette disposition barbare. Tous les Ordres l’adoptèrent; et il ne fallut rien moins que le concile de Trente pour mettre un frein à un mode aussi odieux de recrutement.

Au XIIe siècle, l’orthodoxie et le schisme étaient aux prises. Le prestige des Bénédictins baissait. Pour la défense de l’Église ébranlée, il se leva des milices nouvelles.

En 1210, est promulguée par saint François, la Règle des Franciscains, et, en 1215, celle des Dominicains par saint Dominique: Ordres mendiants, Ordres prêcheurs, Ordres enseignants dont on se rappelle le rôle au temps des Albigeois et à celui de l’Inquisition. Enfin, à l’issue du concile de Latran, le pape Alexandre IV ordonna la fusion des communautés d’ermites qui fourmillaient un peu partout, et en Italie en particulier; c’est ainsi qu’en 1258, la congrégation des Augustins se constitua.

Pour se faire une idée générale du développement pris par l’esprit monacal en Occident du IIIe au XIXe siècle, il suffit d’ajouter aux différents Ordres dont il vient d’être fait mention et à ceux des Chartreux, des Frères-de-la-Merci, des Blancs-Manteaux, des Prémontrés et autres qui, au moyen-âge, subsistaient parallèlement, les Ordres sans nombre créés, dans les temps modernes, à l’instigation des Jésuites, et qui, de nos jours, foisonnent de toutes parts.

L’obéissance aveugle, le détachement systématique de la famille, la mendicité organisée sous une forme impudente ou oblique, voilà les principes fondamentaux dont les Règles monastiques ne s’écartent jamais sensiblement.

A l’époque où préludait cette révolte contre les lois de la nature, où s’allumait cette fièvre de tortures volontaires et de mort à la période aigüe de cette aberration mentale — la plus étrange, la plus funeste dont l’humanité ait donné le tableau — que pouvaient les efforts personnels des Aëtius et des Paul d’Egine marchant sur les traces d’Oribase et préconisant, le premier en 540, le second en 680 les institutions. propres à développer, et à équilibrer, par une gymnastique raisonnée, l’ensemble des forces organiques?

L’École arabe, par la bouche de Rhazès, au Xe siècle, d’Avicenne, au XIe, d’Averrhoès de Cordoue, au XIIe n’eut pas plus de bonheur.

C’est sous le règne des Abassides qu’elle brilla de tout son éclat. Aucun moyen d’instruction n’était négligé. Les bibliothèques, les hôpitaux étaient largement ouverts; les savants, les médecins, libéralement encouragés.

M. Eugène Pelletan dépeint l’influence civilisatrice exercée par la race arabe en Occident: «Le peuple more, dit-il, n’était pas seulement un peuple guerrier, il était aussi et avant tout un peuple savant, artiste, inventeur, industriel, agriculteur. Il apportait de l’Espagne, pour don de joyeux avènement, l’âme de la Grèce, sa philosophie, sa littérature, sa géométrie, sa médecine, la boussole, le cuir de Cordoue, l’acier, l’art de l’irrigation, l’architecture féerique de l’Alhambra, enfin cette mystérieuse poésie du son qu’on appelle la musique...»

Par malheur, ainsi que le constate le professeur Piorry : «Nous ignorons totalement comment l’Enseignement était dirigé chez les Arabes, quel était le dogme de chacune de leurs écoles, quels pouvaient être les examens que les candidats devaient soutenir, etc.» Ce qui est certain, c’est que sous le rapport de l’hygiène, les errements des Anciens trouvèrent, parmi eux, des adeptes. Au premier rang, figurent ceux dont nous venons de citer le nom; mais d’institutions gymnastiques proprement dites, il est peu probable qu’ils en aient jamais eu. De tout temps, l’Arabe a été l’homme de la tente, de la demeure mobile et passagère, facile à dresser, facile à transporter. Dédaigneux du travail manuel, il est essentiellement contemplatif, fanatique, conquérant. Sédentaire dans l’Yémen, le fond de son caractère n’en varie point pour cela. Les Arabes de l’Yémen, seulement, ont, ainsi que le fait remarquer M. Hovelacque , une certaine éducation littéraire que l’on ne retrouve pas chez les autres.

Il faut qu’en notre pays, les traditions romaines aient poussé des racines bien profondes pour qu’en dépit des bouleversements des époques barbare et mérovingienne, elles se soient propagées jusqu’aux temps carlovingiens et que la France féodale en ait répercuté l’écho. Essentiellement militaire et hiérarchique, l’organisation féodale s’est inspirée, en effet, en matière de gymnastique, des doctrines du peuple militaire par excellence, des doctrines du peuple romain.

Avant Hugues Capet, les agglomérations vagues, dont la cité gallo-romaine avait été le noyau, n’avaient pas encore trouvé les affinités suivant lesquelles les cités devaient s’agréger en provinces.

Au temps de Hugues Capet cette agrégation était faite. L’organisation féodale allait se développer.

Cette organisation préludait sous les plus sombres auspices. L’Europe entière attendait la fin du monde. On approchait de l’an MILLE. «Chacun oubliant tout intérêt terrestre, disent MM. Bordier et Charton , ne songeait plus qu’au salut de son âme; les laïques faisaient aux monastères donation de leurs biens devenus inutiles et les basiliques étaient trop étroites pour recevoir la foule des fidèles qui venaient prier au pied des autels et demander à Dieu miséricorde.»

L’an MILLE arriva. Les trompettes du jugement dernier restèrent muettes. Il y eut famine; mais on respira. Vers le milieu du XIe siècle, la chevalerie acquit les développements d’une institution forte.

Chez les peuples de la Germanie, comme auparavant chez les Gaulois, le jeune homme parvenu à l’âge de porter les armes était investi publiquement et en cérémonie des insignes du guerrier. Les Franks avaient conservé cet usage. Lorsque les relations féodales s’établirent, le possesseur de fief prit coutume d’envoyer ses fils auprès de son suzerain pour y apprendre, en compagnie des autres jeunes gens de la même seigneurie, le métier des armes. L’ambition de chacun de ceux-ci était de devenir un cavalier armé en guerre. un chevalier.

Or, voici d’après les Mémoires sur l’ancienne chevalerie, à quel mode de préparation ils étaient soumis: «Les cours et les châteaux étaient des écoles où l’on ne discontinuait de former les jeunes athlètes que l’on destinait au service et à la défense de l’État. Des jeux pénibles, où le corps acquérait la souplesse, l’agilité et la vigueur nécessaires dans les combats; des courses de bagues, de chevaux et de lances l’avaient disposé de longue main aux tournois qui n’étaient que de faibles images de la guerre. Les dames, dont la présence animait l’ardeur de ceux qui voulaient s’y distinguer, se faisaient un noble amusement d’assister à ces jeux.»

Le récit suivant des exercices auxquels se livrait au XIIIe siècle le jeune homme qui aspirait au rang de chevalier est, dans sa naïveté, encore plus topique. «Il s’essayait à saillir sur un coursier, tout armé ; puis, une autre fois courait et allait longuement à pied pour s’accoutumer à avoir longue haleine et souffrir longuement travail; autre fois, il férissait d’une coignée ou d’un mail, grande pièce et grandement.

«Pour bien se duire au harnois et endurcir ses bras et ses mains à longuement férir, et pour qu’il s’accoutumât à légèrement lever ses bras, il faisait le soubresaut, armé de toutes pièces, fors le bacinet ; et dansant, le faisait d’une cotte d’acier; saillait sans mettre le pied à l’étrier, sur un coursier, armé de toutes pièces. A un grand homme, monté sur un grand cheval, saillait derrière, à chevauchon, sur les épaules en prenant le dit homme par la manche, à une main, sans autre avantage.....

«En mettant une main sur l’arçon de la selle d’un grand coursier et l’autre emprès les oreilles, le prenait par les crins en pleine terre, et saillait par entre ses bras, de l’autre part du coursier.

«Si deux parois de piastre fussent à une brasse près de l’autre qui fussent de la hauteur d’une tour, à force de bras et de jambes, sans autre aide, montait tout au plus haut, sans cheoir au monter ni au devaloir. Item, il montait au revers d’une grande échelle dressée contre un mur, tout au plus haut, sans toucher des pieds, mais seulement sautant des deux mains ensemble d’échelon en échelon, armé d’une cotte d’acier; et ôtée la cotte, à une main, sans plus, montait plusieurs échelons.... Quand il était au logis s’essayait avec les autres écuyers à jeter la lance ou autres essais de guerre, ne ja ne cessait.» Il fallait, on le voit, que l’aspirant chevalier unît la force et l’adresse aux qualités d’un homme de cheval accompli. Et, dans la manière dont l’emploi de son temps était réglé, on saisit sans peine la réminiscence des préceptes si scrupuleusement suivis dans l’antiquité en vue de fortifier le corps.

Entre la concentration de l’esprit clérical et l’expansion du caractère chevaleresque, le conflit était fatal. Forcément, ceci devait être absorbé par cela. L’inégalité des conditions de la lutte le voulait. Les hommes d’église détenaient la science; les hommes de guerre se faisaient de leur ignorance un point d’honneur.

Aussi, le temps où le seigneur assistait, casque en tête, à l’office divin dura-t-il peu; au rebours, ce fut l’abbé, ce fut le prélat qui traitèrent bientôt, avec lui, de puissance à puissance. Il s’ensuivit entre les deux castes une alliance louche dont le peuple paya les frais, où la chevalerie faussa à jamais ses traditions et de laquelle le clergé tira profit.

Eustache Deschamps, dans ses ballades, en exprime le regret:

«Autrefois, dit-il en substance , les jeunes gens de noble race passaient leurs vingt premières années à s’instruire, puis recevaient la chevalerie.

«Aujourd’hui, on commence leur éducation par les mettre à cheval; on ruine leur tempérament par toutes sortes d’excès.

«Livrés à leurs passions, ils abandonnent la science aux clercs; ceux-ci ont pris ainsi sur eux de l’ascendant. Ils sont à leur tour dominés et asservis.»

Ailleurs, il plaint le sort des nobles et gens de guerre sous le gouvernement des clercs, «dispensateurs des grâces du roi», et s’indigne contre les prélats du temps devenus trop «curiaux», courtisans et «mondains», abandonnant leurs évêchés, leurs bénéfices pour vaquer à des offices séculiers.

Étant assiégé dans Rennes et recevant un hérault de la part du duc de Lancastre, qui lui apportait un sauf-conduit, Duguesclin, au rapport de Sainte-Palaye , «prît le sauf-conduit et le bailla à lire; car rien ne savoit de lettres, ni oncques n’avoit trouvé maistre de qui il se laissast doctriner. Mais les vouloit tousjours férir et frapper».

Bientôt l’honneur de la chevalerie devint, selon Eustache Deschamps, si commun que chacun crut pouvoir s’en arroger le titre de sa propre autorité. «Un homme de rien, prenant l’épée, prenait en même temps le titre d’écuyer; pour peu qu’il l’eût portée, il tranchait du chevalier.» Si encore, fait observer de Sainte-Palaye, cette épée eût servi l’État, on aurait pu dissimuler ce désordre; mais non, elle n’était la plupart du temps employée qu’au pillage, au brigandage et à l’oppression du peuple.

En même temps, on affublait des enfants de la mitre épiscopale, de la pourpre cardinalice, et la mission de régenter les consciences ne fut autre qu’un droit acquis par certains, en naissant.

Bref, la bassesse, l’intrigue, la corruption étant partout, les virils exercices du corps tombèrent en désuétude encore une fois.

Du XIIIe au XVIe siècle, la Gymnastique sommeilla, en Occident, dans l’oubli le plus profond.

Qui secoua cette torpeur?... Rabelais.

Est-ce, en 1530, à l’Université de Montpellier, alors qu’il y commentait en public, et d’une façon si neuve, les Aphorismes, d’Hippocrate, et l’Ars parva, de Galien; est-ce un an ou deux plus tard, à Lyon, tandis qu’en compagnie d’Étienne Dolet, il donnait ses soins, dans l’imprimerie de Gryphïus, à l’édition des œuvres d’Hippocrate et de Galien, à laquelle est attaché son nom, qu’il fut frappé de l’importance attribuée par ces auteurs aux exercices gymnastiques? Toujours est-il qu’il n’a garde de l’oublier dans la discipline imposée à Gargantua par Ponocrates.

Dans le chapitre intitulé : Comment Gargantua fut institué par Ponocrates en telle discipline qu’il ne perdoit heure du jour , voici en quels termes il s’exprime: «Issoient, Gargantua et Ponocrates, hors leur hostel, et avec eux un jeune gentilhomme de Touraine, nommé l’escuyer Gymnaste, lequel lui montroit l’art de chevalerie. Changeant donc de vestements, montoit sus un coursier, sus un roussin, sus un genet, sus un cheval barbe, cheval leger, et lui donnoit cent quarrieres, le faisoit voltiger en l’aer, franchir le fossé, saulter le palis, court-tourner en un cercle, tant à dextre qu’à senestre..: Le tout faisoit armé de pied en cap. Au regard de fanfarer et faire les petits popismes sus un cheval, nul ne le feit mieux que lui. Le voltigeur de Ferrare n’estoit qu’un singe en comparaison. Singulièrement estoit apprins à saulter hastivement d’un cheval sus l’aultre sans prendre terre, et, de chacun costé, la lance au poing, monter sans estrivières; et sans bride guider le cheval à son plaisir. Car telles choses servent à discipline militaire. Un aultre jour s’exerçoit à la hasche.... puis saquoit de l’espée à deux mains, etc., etc.

«Luctoit, coursoit, saultoit, non à trois pas un sault, non à cloche-pied, non au sault d’alleman, «car, disoit Gymnaste, tels saults sont inutiles et de nul bien en guerre», mais d’un sault persoit un fossé, voloit sus une haie, montoit six pas encontre une muraille, et rampoit en ceste façon à une fenestre de la haulteur d’une lance.

«Nageoit en profunde eau, à l’endroict, à l’envers, de costé, de tout le corps, des seuls pieds, une main en l’aer en laquelle tenant un livre, transpassoit toute la rivière de Seine sans icellui mouiller et tirant par ses dents son manteau, comme faisoit Jules César. Puis, d’une main entroit par grande force en un basteau: d’icelui se jectoit de rechef en l’eau, la teste première; sondoit le parfond..., etc.

«Jectoit le dard, la barre, la pierre; enfonçoit l’arc, visoit de l’arquebuse à l’œil, affustoit le canon, tiroit à la butte, au papegai du bas en mont, d’amont en val, devant, de costé, en arrière comme les Parthes.

«On lui attachait un câble en quelque haute tour pendent en terre, par icellui avec deux mains montoit, puis dévalloit si roidement et si asseurement que plus ne pourriez parmi un pré bien égalé. On lui mettoit une grosse perche appuyée à deux arbres, à icelle se pendoit par les mains, et d’icelle alloit et venoit sans des pieds à rien toucher, qu’à grande course on ne l’eust pu aconcepvoir.

«Et pour s’exercer le thorax et pulmon, criait comme tous les diables. Je l’ouï une fois appelant Eudemon depuis la porte Saint-Victor jusqu’à Mont-martre. Stentor n’eut oncques telle voix à la bataille de Troie.

«Et pour galentir les nerfs, on lui avait faict deux grosses saulmones de plomb, chascune du poids de huict mille sept-cents quintaulx, lesquelles il nommoit altères. Icelles prenoit de terre en chascune main et les enlevoit en l’aer au-dessus de la teste, les tenoit ainsi, sans soi remuer, trois quarts d’heure et d’advantage, qu’estoit une force inimitable.

«Jouoit aux barres avec les plus forts..., etc.

«Le temps ainsi employé, lui frotté, nettoyé et rafraischi d’habillements, tout doulcement retournoit... etc. «Eux arrivés au logis, cependent qu’on apprestoit souper, répétoient quelques passages de ce qu’avoit esté leu et s’asséoient à table.»

Il est difficile, même de nos jours, on en conviendra, d’élaborer un programme plus diversifié. La part faite des exagérations voulues que l’on relève à chaque page dans Rabelais, il y aurait, en tout état de cause, à s’inspirer de celui-là.

Déjà, à la fin du xve siècle, Antonio Gazi, de Padoue, avait publié une description détaillée des exercices gymnastiques usités chez les Anciens et s’était efforcé d’en faire goûter les avantages. Louis Cornaro, qui mourut en 1566, après avoir vécu plus de cent ans, avait laissé plusieurs ouvrages sur les salutaires effets d’un régime sévère associé à un exercice-régulier.

Un professeur de l’Université de Tubingue, Fusch, de 1535 à 1566, avait fait paraître un ouvrage sur les avantages du mouvement et du repos, quand l’œuvre immortelle d’André Vesale vint révolutionner les sciences ayant trait à l’hygiène et à la médecine.

André Vésale a vécu dans la première moitié du XVIe siècle. Sans souci des persécutions de l’obscurantisme, il s’adonna avec opiniâtreté à la dissection du corps humain. L’anatomie, la physiologie, la chirurgie, la thérapeutique dûrent aux notions positives qui résultèrent de ses recherches leur transformation.

Bien plus, armés des documents précis qu’il leur livrait, les esprits attentifs purent désormais se rendre compte des effets produits par les exercices réglés. Dès lors, les interprétations rationnelles commencèrent à se faire jour.

Sur l’ordre du roi Henri II, en 1567, Duchoul publia un traité de la gymnastique médicale et des bains.

Mais c’est véritablement à l’ouvrage de Mercuriali de Vérone: De Arte Gymnasticâ, libri sex qu’en 1573 la Gymnastique dut sa réhabilitation.

L’œuvre de Mercuriali valut à son auteur une célébrité légitime.

Les trois premiers livres traitent des différents objets relatifs aux exercices et des différents exercices chez les Anciens; les trois derniers, des effets de ces exercices et de leur utilité pour fortifier le corps et conserver la santé. Une érudition profonde, un esprit de judicieuse critique, une grande sévérité de méthode ont présidé à sa composition.

Au reproche que lui adresse Haller d’une prévention exagérée en faveur des Anciens dont il décrit avec un soin extrême les gymnases, M. Chancerel objecte qu’à proprement parler, depuis l’avènement du christianisme, les gymnases étaient hors d’usage et que par conséquent il n’y avait pas de parallèle possible sur ce point.

Le livre de Mercuriali, dit de son côté M. Hillairet , reste comme «le trait d’union entre la gymnastique antique et la gymnastique moderne dont il est, en quelque sorte, le précurseur.»

Deux ans plus tard, Ambroise Paré ; médecin de Charles IX et de Henri III, consacrait un chapitre entier de ses œuvres à faire ressortir l’importance de la Gymnastique .

Joubert (1582), Paracelse (1583), Dufour de Saint-Jouy (1590), Alpinus (1591), Faber de Saint-Jouy (1595), Joseph Duchesne, médecin de Henri IV (1606), Fabrice d’Aquapendente (1614) et Guyon (1615) entrèrent tour à tour dans la voie tracée par Ambroise Paré et Mercuriali.

Les médecins, d’ailleurs, n’étaient pas seuls au XVIe siècle à apprécier, à leur haute valeur, les avantages des exercices du corps. Des philosophes comme Montaigne, des réformateurs tels que Luther en avaient été saisis.

«Il est essentiel, avait dit expressément Luther, que la jeunesse se livre à la musique et aux nobles jeux de la chevalerie; la musique chasse les chagrins et la mélancolie; là Gymnastique produit une membrure forte et robuste tout en entretenant le corps à l’état de santé ; elle peut empêcher la jeunesse de s’abandonner à la paresse, à la débauche, à la boisson et au jeu.»

Dans l’admirable chapitre dédié à Madame Diane de Foix, comtesse de Gurson, Montaigne développa un programme d’enseignement aussi rationnel que complet; un programme tel que nous aurions à nous féliciter si, à l’heure qu’il est, il était, dans ses principes, en application partout.

Naturellement, les exercices du corps y occupent la place que leur importance comporte; Montaigne même indique, avec insistance, quelle doit être cette place dans un enseignement logiquement conçu. Voici, sur ce sujet, ses propres expressions: «Les ieux mesmes et les exercices seront une bonne partie de l’estude; la course, la luicte, la musique, la danse, la chasse, le maniement des chevaux et des armes. Je veulx que la bienséance extérieure, et l’entregent et la disposition de la personne, se façonne quand et quand l’âme. Ce n’est pas une âme, ce n’est pas un corps qu’on dresse; c’est un homme: il n’en fault pas faire à deux; et, comme dict Platon, il ne fault pas les dresser l’un sans l’autre, mais les conduire egualement, comme un couple de chevaulx attelez à même timon; et, à l’ouyr, semble il pas prester plus de temps et plus de sollicitude aux exercices du corps, et estimer que l’esprit s’en exerce quand et quand, et non au contraire?»

Comme le fait remarquer M. Chancerel, le mouvement qui se prononce au XVIe siècle en faveur de la Gymnastique se résume en vœux plus ou moins ardents pour la restauration de cet art. Les procédés usités dans l’antiquité et aux temps de la chevalerie sont mis de nouveau sous les yeux et proposés à l’imitation d’une société qui renaît.

Au XVIIe siècle, l’attention se concentre sur le côté physiologique de la question. La raison en est simple. Les recherches de Sanctorius sur la transpiration par la peau et l’influence permanente que cette fonction exerce sur l’état de la santé ; la découverte de la circulation du sang, par Harvey; l’application, par Borelli, de la statistique et des mathématiques à la théorie du mouvement musculaire , ne pouvaient manquer d’imprimer aux esprits une impulsion puissante.

Aussi voit-on se succéder les travaux sur la mécanique des exercices et sur leur action physiologique.

Le livre Sur l’harmonie des diverses parties du corps humain, par Chrétien de Fromaring (Cobourg, 1658); les Recherches sur les mouvements des muscles et sur ceux de la respiration, etc., d’Antoine Deusing (Groningue, 1661); le Traité de l’homme, de René Descartes, ouvrage posthume (Paris, 1664); le Traité de la mécanique des animaux, de Claude Perrault (Paris, 1680), en sont autant de témoignages.

Ajoutons qu’en 1680, à Rome, Antoine Portuis s’élevait contre l’abus de la saignée dans la pléthore et conseillait, non sans raison, d’y substituer la diète et les exercices violents. Mentionnons avec M. Chancerel : les travaux de Alsted, Vossius, Vandale et Burette sur la gymnastique des anciens; ceux de Saint-Didier, Marrozzo, Grassi, Thibault, sur l’escrime; et ceux de Locke, Étienne, Reiz de Castro, Laurentius, Fabrice de Hilden, Lesacq, Bérault, Lecomte, Regnauld, Jowin, Jonquet, Guérin, etc., sur les applications de la gymnastique à la médecine.

En dernier lieu, rappelons que, vers la fin du XVIIe siècle, Sydenham consacra un volume entier à traiter de l’équitation.

Par degrés, le terrain se trouva déblayé des traditions métaphysiques. La science prit coutume de n’admettre plus rien que ce qui était étayé sur des faits. Toute doctrine, toute assertion ne reposant pas sur des preuves authentiques fut rejetée désormais, fut tout au moins impitoyablement reléguée dans le monde des chimères, jusqu’à plus ample informé.

Ce fut un immense progrès; ce fut, pour l’esprit humain, le prélude de l’affranchissement: «Le XVIIIe siècle, devait faire justice de toutes les dissidences d’opinions médicales et présider à la véritable réédification de la Gymnastique et des gymnases. Sydenham, Fuller et Cheyne en Angleterre; Stahl et Hoffmann en Allemagne, Boerhaave en Hollande, Boissier de Sauvages, Andry et Tissot en France, créèrent des systèmes dans lesquels le mouvement était l’expression la plus immédiate de la vie.

Pour Hoffmann, qui vécut de 1660 à 1742, «le corps humain, de même que tous les corps de la nature, possède des forces matérielles à l’aide desquelles il opère ses mouvements; ces forces agissent d’après le nombre, la mesure et l’équilibre». Les exercices du corps et une hygiène rationnelle constituent la partie fondamentale de sa thérapeutique. A ses yeux le mouvement est la meilleure médecine du corps.

Dans sa Gymnastique médicale, Fuller, en 1701, traite également du pouvoir des exercices, des bains et de l’équitation.

Stahl fait paraître, et 1679, sur ce dernier sujet, un volume tout entier.

Boerhaave, en 1703, publie son ouvrage sur la mécanique rationnelle en médecine. Il y considère le mouvement comme la cause de la vie et prescrit les exercices du corps et le régime, comme le meilleur moyen de conserver la santé.

Enfin, en 1780, le Traité de gymnastique médicinale et chirurgicale de Tissot ouvrit aux observateurs un champ où il a été beaucoup glané.

Indépendamment des auteurs que nous venons de citer comme ayant attaché leur nom à des travaux de fond sur la Gymnastique, il n’est guère d’écrivain au XVIIIe siècle qui n’ait saisi l’occasion d’en signaler les avantages: Tels, Erpel, Bicher, Burette, Malpighi, Duverney, Winslow, Baïer, Van-Swieten, Ramazzini, Pringle, Duhamel, Sabbathier, pour ne pas franchir les limites du domaine médical et n’évoquer que les noms les plus connus.

De tout temps, les philosophes se sont faits, sur ce point l’écho des médecins. Et nous venons de voir comment Rabelais, Luther, Montaigne s’étaient déclarés pour les exercices du corps. J.-J. Rousseau ne s’est pas montré moins explicite. Les quelques considérations que voici en font foi; elles sont extraites de l’Emile : «Armons toujours l’homme contre les accidents imprévus. Qu’Emile coure les matins à pieds nus, en toute saison, par la chambre, par l’escalier, par le jardin, loin de l’en gronder, je l’imiterai; seulement j’aurai soin d’écarter le verre. Je parlerai bientôt des travaux et des jeux manuels; du reste, qu’il apprenne à faire tous les pas qui favorisent les évolutions du corps, à prendre dans toutes les attitudes une position aisée et solide; qu’il sache sauter en éloignement, en hauteur, grimper sur un arbre, franchir un mur; qu’il trouve toujours son équilibre; que tous ses mouvements, ses gestes soient ordonnés selon les lois de la pondération longtemps avant que la statistique se mêle de les lui expliquer. A la manière dont son pied pose à terre, et dont son corps porte sur sa jambe, il doit sentir s’il est bien ou mal. Une assiette assurée a toujours de la grâce, et les postures les plus fermes sont aussi les plus élégantes. Si j’étais maître à danser, je ne ferais pas toutes les singeries de Marcel , bonnes pour le pays où il les fait; mais au lieu d’occuper éternellement mon élève à des gambades, je le mènerais au pied d’un rocher: là, je lui montrerais quelle attitude il faut prendre, comment il faut porter le corps et la tête., quel mouvement il faut faire, de quelle manière il faut poser tantôt le pied, tantôt la main pour suivre légèrement les sentiers escarpés, raboteux et rudes, et s’élancer de pointe en pointe, tant en montant qu’en descendant. J’en ferais l’émule d’un chevreuil plutôt qu’un danseur de l’Opéra.»

Plus loin (p. 347), après avoir précisé les procédés spéciaux auxquels il entend avoir recours pour porter à leur summum d’acuité et de développement les différents sens dont son élève est doué ; «Il me reste à parler, dit J.-J.-Rousseau, de la culture d’une espèce de sixième sens appelé sens commun, moins parce qu’il est commun à tous les hommes, que parce qu’il résulte dé l’usage bien réglé des autres sens, et qu’il nous instruit de la nature des choses par le concours de toutes leurs apparences...». Et quelques lignes plus bas, accentuant encore plus sa pensée, pour faire saisir le prix qu’il attache à la culture rationnelle de l’organisme en voie d’accroissement, il ajoute: «Quand je me figure un enfant de dix à douze ans, bien formé pour son âge, il ne me fait pas naître une idée qui ne soit agréable, soit pour le présent, soit pour l’avenir; je le vois bouillant, vif, animé, sans souci rongeant, sans longue et pénible prévoyance; tout entier à son être actuel, et jouissant d’une plénitude de vie qui semble vouloir s’étendre hors de lui. Je le prévois dans un autre âge, exerçant le sens, l’esprit, les forces qui se développent en lui de jour en jour, et dont il donne à chaque instant de nouveaux indices; je le contemple enfant, et il me plaît; je l’imagine homme et il me plaît davantage; son sang ardent semble réchauffer le mien; je crois vivre de sa vie, et sa vivacité me rajeunit.....

... «Voulez-vous à présent le juger par comparaison? Mêlez-le avec d’autres enfants et laissez-le faire. Vous verrez bientôt lequel est le plus vraimen formé, lequel approche le mieux de la perfection de leur âge. Parmi les enfants de la ville, nul n’est p u adroit, mais il est plus fort qu’aucun autre. Parmi de jeunes paysans il les égale en force et les passe en adresse. Dans tout ce qui est à portée de l’enfance, il juge, il raisonne, il prévoit mieux qu’eux tous. Est-il question d’agir, de courir, de sauter, d’ébranler des corps, d’enlever des masses, d’estimer des distances, d’inventer des jeux, d’emporter des prix? On dirait que la nature est à ses ordres, tant il fait aisément-plier toutes choses à ses volontés».

Ces paroles eurent en Europe un immense retentissement. Et, pourtant, tous ces efforts que nous venons d’énumérer eussent risqué de demeurer stériles, s’il ne s’était rencontré pour les fertiliser, un homme de la portée de Pestalozzi. Pestalozzi est le premier qui, dans ses institutions de Neuhof et de Stanz d’abord, puis de Berthoud et d’Yverdon, en Suisse, ait fait concourir la Gymnastique à l’éducation de la jeunesse.

Avec la Gymnastique, les leçons de choses, l’enseignement professionnel, le dessin, le chant, les excursions instructives entraient pour une très large part dans sa méthode pédagogique. Présenter aux enfants, les notions qu’on cherche à leur inculquer, sous une forme telle que, grâce à une expérience intuitive déjà acquise, leur esprit accepte spontanément ces notions nouvelles comme l’expression de la vérité, tel est le point de départ obligé de toutes applications de cette méthode.

Avoir reconnu dans l’INTUITION , la base absolue de toute connaissance est, aux yeux de Pestalozzi, avoir posé le principe supérieur qui domine l’Enseignement.

Avoir fait cela, est la seule gloire dont il se soit montré jaloux.

Sa vie, comme celle de tous les grands penseurs, est toute dans ses œuvres. Un ouvrage de lui, récemment traduit en français par le docteur E. Darin, et intitulé : Comment Gertrude instruit ses enfants , livre sa pensée toute entière en matière d’Enseignement: 1° Éducation graduée des sens et de l’intelligence par l’observation et l’expérience; 2° Analyse progressive des signes désignant les choses et en faisant entrer la notion dans le cerveau; 3° Vérification constante de la valeur des termes par l’inspection des choses comme condition de rectitude pour le jugement, elle peut se résumer ainsi.

Pour qui, à l’instar de Pestalozzi, a observé que l’enfant ne comprend d’abord que ce qu’il voit et touche; pour qui a su reconnaître que le seul moyen de faire acquérir à l’enfant des connaissances élémentaires vraiment sérieuses et utiles, est de faire appel à l’intuition sensible, physique, matérielle dont il est doué ; pour l’intelligence, en un mot, en qui la lumière s’est faite «sur les procédés mécaniques de l’Enseignement et sur leur subordination aux lois éternelles de la nature physique», inévitablement un grand prix s’attache au développement des forces du corps. Aussi, Pestalozzi a-t-il été logiquement amené a inscrire les exercices corporels en tète de son programme padagogique. Voilà pourquoi l’on est en droit de dire que la gymnastique moderne a eu cet esprit profond pour initiateur, de même qu’elle a eu la Suisse pour berceau.

A Stanz, à Berthoud, à Yverdon, Pestalozzi était suivi de très près par un Allemand, Gultsmuths. Une fois bien au courant de ses doctrines, Gultsmuths, s’en fut à Schnepfenthal, en Saxe, organiser, de concert avec Salzmann, un gymnase qui à son tour servit de modèle à des fondations de même ordre. En 1793, le le même Gultsmuths publia sur la matière, un traité qui fit grand bruit ; et c’est ainsi que la Gymnastique s’est propagée en Allemagne, à la fin du siècle dernier.

En 1799, le gouvernement danois institua à Copenhague un gymnase public dirigé par Natchtigall.

Ainsi, quand s’ouvrit le XIXe siècle, trois États en Europe, étaient seuls pourvus de gymnases. C’étaient la Suisse, l’Allemagne et le Danemark.

Cependant, à quelque temps de là, Pestalozzi prenait le chemin de la France et arrivait à Paris. Un essai d’application de ses doctrines y était alors tenté à la maison des orphelins de la Ville. Il venait diriger par lui-même l’expérience. Il était résolu à s’y consacrer; il avait foi dans le succès. Il avait à cœur de faire pénétrer et prospérer ses principes chez les Français.

En haut lieu, un tel élan ne tarda pas à être tenu pour suspect. On était en 1804. Le Concordat était signé, Napoléon était empereur et le prince de Talleyrand grand chambellan de sa Majesté. On se hâta de couper court.

C’est trop pour le peuple, avait objecté M. de Talleyand.

La gymnastique : notions physiologiques et pédagogiques, applications hygiéniques et médicales

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