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DICTIONNAIRE
DE LA
LANGUE VERTE
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ABADIE, s. f. Foule,—dans l'argot des voleurs, qui l'appellent ainsi, avec mépris, parce qu'ils ont remarqué qu'elle se compose de badauds, de gens qui ouvrent les yeux, la bouche et les oreilles d'une façon démesurée.
ABAJOUES, s. f. pl. La face,—dans l'argot du peuple.
Il n'est pas de mots que les hommes n'aient inventés pour se prouver le mutuel mépris dans lequel ils se tiennent. Un des premiers de ce dictionnaire est une injure, puisque jusqu'ici l'abajoue signifiait soit le sac que certains animaux ont dans la bouche, soit la partie latérale d'une tête de veau ou d'un groin de cochon. Nous sommes loin de l'os sublime dedit. Mais nous en verrons bien d'autres.
ABALOURDIR, v. a. Rendre balourd, niais, emprunté.
ABAT-FAIM, s. m. Plat de résistance,—gigot ou roastbeef plantureux.
ABATIS, s. m. pl. Le pied et la main,—l'homme étant considéré par l'homme, son frère, comme une volaille.
Avoir les abatis canailles. Avoir les extrémités massives, grosses mains et larges pieds, qui témoignent éloquemment d'une origine plébéienne.
ABAT-RELUIT, s. m. Abat-jour à l'usage des vieillards. Argot des voleurs.
ABATTOIR, s. m. Le cachot des condamnés à mort, à la Roquette,—d'où ils ne sortent que pour être abattus devant la porte de ce Newgate parisien.
ABATTRE (En). Travailler beaucoup,—dans l'argot des ouvriers et des gens de lettres.
ABBAYE, s. f. Four,—dans l'argot des rôdeurs de nuit qui, il y a une quinzaine d'années, se domiciliaient encore volontiers dans les fours à plâtre des buttes Chaumont, où ils chantaient matines avant l'arrivée des ouvriers chaufourniers.
Abbaye ruffante. Four chaud,—de rufare, roussir.
ABBAYE DE MONTE-A-REGRET, s. f. L'échafaud,—dans l'argot des voleurs, qui se font trop facilement moines de cette Abbaye que la Révolution a oublié de raser.
ABBAYE DES S'OFFRE-A-TOUS, s. f. Maison conventuelle où sont enfermées volontairement de jolies filles qui ne pourraient jouer le rôle de vestales que dans l'opéra de Spontini.
Cette expression, qui sort du Romancero, est toujours employée par le peuple.
ABCÈS, s. m. Homme au visage boursouflé, au nez à bubelettes, sur lequel il semble qu'on n'oserait pas donner un coup de poing,—de peur d'une éruption purulente.
On a dit cela de Mirabeau, et on le dit tous les jours des gens dont le visage ressemble comme le sien à une tumeur.
ABÉLARDISER, v. a. Mutiler un homme comme fut mutilé par le chanoine Fulbert le savant amant de la malheureuse Héloïse.
C'est un mot du XIIIe siècle, que quelques écrivains modernes s'imaginent avoir fabriqué; on l'écrivait alors abaylarder,—avec la même signification, bien entendu.
ABÉQUER, v. a. Nourrir quelqu'un, lui donner la béquée,—dans l'argot du peuple, qui prend l'homme pour un oiseau.
ABÉQUEUSE, s. f. Nourrice ou maîtresse d'hôtel.
ABIGOTIR (S'). v. réfl. Devenir bigot, hanter assidûment les églises après avoir hanté non moins assidûment d'autres endroits,—moins respectables.
Le mot a trois ou quatre cents ans de noblesse.