Читать книгу Dictionnaire de la langue verte - Alfred Delvau - Страница 6
ОглавлениеAQUIGER, v. a. Battre, blesser,—dans l'argot des voleurs.
AQUIGER, v. a. Faire,—dans le même argot.
Aquiger les brêmes. Faire une marque aux cartes à jouer, pour les reconnaître et les filer au besoin.
ARABE, s. et adj. Homme dur, inexorable,—dans l'argot du peuple, qui se sert de cette expression depuis plus d'un siècle.
ARBALÈTE, s. f. Croix de femme, dite à la Jeannette. Argot des voleurs.
Arbalète d'antonne. Croix d'église.
Ils disent aussi Arbalète de chique, arbalète de priante.
ARBIF, s. m. Homme violent, en colère, qui se rebiffe. Même argot.
ARCASIEN ou Arcasineur, s. m. Voleur qui se sert de l'arcat pour escroquer de l'argent aux personnes timides autant que simples.
On dit aussi Arcase.
ARCAT, s. m. Escroquerie commise au moyen de lettres de Jérusalem. (V. ce mot.)
ARCHE DE NOÉ, s. f. L'Académie française,—dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent pas qu'ils se permettent une impertinence inventée par Claude Le Petit, un poète brûlé en Grève pour moins que cela.
ARCHIPOINTU, s. m. Archevêque.—dans l'argot des voleurs, qui ont trouvé plaisant de travestir ainsi le mot archi-épiscopus.
ARCHI-SUPPÔT DE L'ARGOT, s. m. Docteur ès filouteries.
ARÇONNER, v. a. Parler à quelqu'un, l'apostropher, le forcer à répondre. Argot des voleurs.
Pierre Sarrazin avait déjà employé ce mot dans le même sens, en l'écrivant ainsi: arresoner; je l'ai cherché en vain dans les dictionnaires. D'un autre côté, les voleurs disent: Faire l'arçon, pour signifier: Faire le signal de reconnaissance ou d'avertissement, qui est, paraît-il, le bruit d'un crachement et le dessin d'un C sur la joue droite, près du menton, avec le pouce de la main droite.
ARCPINCER ou Arquepincer, v. a. Prendre, saisir quelqu'un ou quelque chose. Argot des faubouriens.
ARDENT, s. m. Chandelle,—dans l'argot des voleurs, qui ont emprunté cette expression, avec tant d'autres, à l'argot des Précieuses.
ARDENTS, s. m. pl. Les yeux,—dans le même argot.
ARGENT MIGNON, s. m. Argent destiné à satisfaire des curiosités ou des vanités,—dans l'argot des bourgeoises, à qui le superflu est nécessaire, et qui, plutôt que de s'en passer, le demanderaient à d'autres qu'à leur mari.
ARGOT, s. m. Imbécile,—dans le langage des voleurs.
ARGOTIER, s. m. Voleur,—dont l'argot est la langue naturelle.
ARGUCHE, s. m. Argot.
Arguche, arguce, argutie. Nous sommes bien près de l'étymologie véritable de ce mot tant controversé: nous brûlons, comme disent les enfants.
ARGUEMINE, s. f. Main,—dans l'argot des voleurs.
ARISTO, s. des deux g. Apocope d'Aristocrate, qui, depuis 1848, signifie Bourgeois. Réactionnaire, etc.,—dans l'argot des faubouriens, qui ne se doutent pas que ce mot signifie le meilleur, l'excellent, αριστος [grec: aristos].
Ils disent aristo pour aristocrate, comme sous la Fronde les pamphlétaires disaient Maza pour Mazarin.
ARLEQUIN, s. m. Plat à l'usage des pauvres, et qui, composé de la desserte des tables des riches, offre une grande variété d'aliments réunis, depuis le morceau de nougat jusqu'à la tête de maquereau. C'est une sorte de carte d'échantillons culinaires.
ARMÉE ROULANTE, s. f. La chaîne des forçats,—supprimée depuis une cinquantaine d'années.
ARNACHE, s. m. Agent de police,—dans l'argot des voleurs.
ARNACHE, s. f. Tromperie, trahison, dans l'argot des voyous.
A l'arnache. En trompant de toute manière.
Être à l'arnache. Être rusé, tromper les autres et ne jamais se laisser tromper par eux.
ARNAU, s. m. Mauvaise humeur,—dans l'argot des voleurs et des faubouriens.
C'est une contraction de Renauder.
ARNELLE, n. de l. Rouen,—dans l'argot des voleurs.
ARNELLERIE, s. f. Rouennerie.
ARPAGAR, n. de l. Arpajon, près Paris,—dans le même argot.
ARPIONS, s. m. pl. Les pieds de l'homme, considérés—dans l'argot des faubouriens—comme griffes d'oiseau, à cause de leurs ongles que les gens malpropres ne coupent pas souvent.
ARQUER (S'). Se courber en vieillissant. Argot du peuple.
ARRACHER DU CHIENDENT, v. n. Chercher pratique, ou plutôt victime,—dans l'argot des voleurs, qui n'exercent ordinairement que dans les lieux déserts.
ARRACHER SON COPEAU, v. a. Travailler courageusement, faire n'importe quelle besogne avec conscience. Argot des ouvriers.
ARRÊTER LES FRAIS, v. a. Interrompre un récit; laisser une affaire en train; renoncer à poursuivre une entreprise au bout de laquelle on ne voit que de l'ennui. Argot du peuple.
ARROSER SES GALONS, v. a. Offrir à boire à ses camarades quand on est reçu sous-officier. Argot des soldats.
ARROSER UN CRÉANCIER, v. a. Lui donner un acompte,—dans l'argot des bohèmes, assez mauvais jardiniers.
ARROSEUR DE VERDOUZE, s. m. Jardinier, dans l'argot des voleurs.
ARSENAL, s. m. Arsenic,—dans le même argot.
ARSOUILLE, s. m. Homme canaille par ses vêtements, ses mœurs, son langage. Argot du peuple.
Milord L'Arsouille. Tout homme riche qui fait des excentricités crapuleuses.
ARSOUILLER, v. a. et n. Engueuler,—dans l'argot des faubouriens.
ARTHUR. Amant de cœur,—dans l'argot de Breda-Street.
ARTHURINE, s. f. Femme légère,—la femelle naturelle de l'Arthur. Argot du peuple.
ARTICLIER, s. m. Homme de lettres parqué dans la spécialité des articles de petits journaux.
Le mot a été créé par H. de Balzac.
ARTIE, s. m. Pain,—dans l'argot des voleurs, d'aujourd'hui et d'autrefois, ainsi qu'il résulte du livre d'Olivier Chéreau, le Langage de l'Argot réformé, publié au XVIe siècle.
Artie de Meulan. Pain blanc.
Artie de Gros-Guillaume. Pain noir.
Artie de Grimault. Pain chanci.
On dit aussi Arton et Lartie.
ARTILLEUR, s. m. Ivrogne, homme qui boit beaucoup de canons. Argot des ouvriers.
ARTILLEUR A GENOUX, s. m. Infirmier militaire,—dans l'argot du peuple, qui a entendu parler des mousquetaires à genoux des siècles précédents.
On dit aussi Artilleur de la pièce humide.
ARTISTE, s. m. Médecin vétérinaire,—dans l'argot des faubouriens et des paysans.
ARTON. V. Artie.
AS DE CARREAU, s. m. Le sac du troupier, à cause de sa forme.
On l'appelle aussi Azor,—à cause de la peau de chien qui le recouvre.
AS DE CARREAU, s. m. Le ruban de la Légion d'honneur,—dans l'argot des voleurs, qui font allusion à la couleur de cette décoration.
ASINVER, v. a. Abêtir quelqu'un,—dans l'argot des voleurs, pour qui les honnêtes gens sont des sinves.
ASPERGE MONTÉE, s. f. Personne d'une grandeur démesurée et, avec cela, maigre. Argot du peuple.
ASPIC, s. m. Avare,—dans l'argot des voleurs.
ASPIC, s. m. Mauvaise langue, bavard indiscret. Argot du peuple.
ASSEOIR (S'). Tomber.
Envoyer quelqu'un s'asseoir. Le renverser, le jeter à terre. Signifie aussi se débarrasser de lui, le congédier.
ASSISTER, v. a. Porter le pagne à un détenu,—dans l'argot des voleurs et des filles.
ASSOCIÉE, s. f. Femme légitime. Argot des typographes.
ASSOMMOIR, s. m. Nom d'un cabaret de Belleville, qui est devenu celui de tous les cabarets de bas étage, où le peuple boit des liquides frelatés qui le tuent,—sans remarquer l'éloquence sinistre de cette métaphore, que les voleurs russes semblent lui avoir empruntée, en la retournant pour désigner un gourdin sous le nom de vin de Champagne.
ASTEC, s. m. Avorton, homme chétif,—dans l'argot du peuple. Adversaire méprisable,—dans l'argot des gens de lettres.
C'est un souvenir du passage à Paris, il y a quelques années, de ces petits monstres mexicains exhibés sous le nom d'Aztecs.
ASTIC, s. f. Epée,—dans l'argot des voleurs, qui ne se doutent pas que ce mot vient de l'allemand stich, chose pointue, dont on a fait estic, puis astic, et même asti.
ASTIC, s. m. Tripoli,—dans l'argot des troupiers, qui s'en servent avec un mélange de savon, d'eau-de-vie et de blanc d'Espagne, pour nettoyer les cuivres de leur fourniment.
D'où Aller à l'astic.
ASTICOT, s. m. Vermicelle,—dans l'argot des faubouriens.
ASTICOTER, v. a. Harceler quelqu'un, le contrarier, le piquer par des injures ou seulement par des épigrammes, ce qui est le forcer à un mouvement vermiculaire désagréable. Argot du peuple.
ASTIQUER (S'), v. réfl. Se chamailler de paroles avant d'en venir aux voies de fait.
On dit aussi Astiquer quelqu'un, dans le sens d'Agacer.
ATELIER, s. m. L'endroit où l'on se réunit—dans l'argot des francs-maçons.
ATIGER, v. a. Blesser quelqu'un avec une arme quelconque. Argot des prisons.
ATOUSER, v. a. Encourager quelqu'un, lui donner de l'atout. Même argot.
ATOUT, s. m. Courage,—parce que souvent au jeu de cartes, l'atout c'est du cœur.
ATOUT, s. m. Aplomb, acquis, assurance,—dans l'argot du peuple qui sait par expérience que les gens de cœur marchent volontiers le front haut, comme défiant les lâches.
ATOUT, s. m. Coup plus ou moins grave que l'on reçoit en jouant—maladroitement—des poings avec quelqu'un.
ATOUT, s. m. Estomac,—dans l'argot des voleurs.
ATOUT, s. m. Argent, monnaie,—dans l'argot des faubouriens.
Signifie aussi capacités, talents.
A TOUT CASSER. Extrêmement,—dans l'argot du peuple.
ATTACHE, s. f. Boucle,—dans l'argot des voleurs.
Attaches d'huile. Boucles de souliers en argent.
Attaches d'Orient. Boucles en or.
ATTAQUE (Être d'). v. s. Être solide, montrer du sang-froid, du courage, de la résolution dans une affaire. Argot du peuple.
Y aller d'attaque. Commencer une chose avec empressement, avec enthousiasme.
ATTENDRIR (S'), v. réfl. Arriver à cette période de l'ivresse où l'on sent des flots de tendresse monter du cœur aux lèvres. Argot des faubouriens.
ATTRAPE, s. f. Plaisanterie, mensonge,—dans l'argot du peuple, qui disait cela du temps de Calvin.
On dit aussi Graine d'attrape.
ATTRAPER, v. a. Engueuler,—dans le même argot.
Se faire attraper. Recevoir, sans l'avoir demandée, une bordée d'injures poissardes.
ATTRAPER, v. a. Éreinter un livre ou un confrère. Argot des journalistes.
ATTRAPER, v. a. Siffler. Argot des coulisses.
Se faire attraper. Recevoir des pommes crues et des sifflets.
ATTRAPER L'OGNON, v. a. Recevoir un coup destiné à un autre; payer pour ceux qui ont oublié leur bourse, argot des faubouriens.
On dit aussi Attraper le haricot ou la fève,—sans doute par allusion au haricot ou à la fève qui se trouve dans le gâteau des rois, et qui met celui à qui elle échoit dans la nécessité de payer sa royauté.
ATTRAPE-SCIENCE, s. m. Apprenti,—dans l'argot des typographes.
ATTRIMER, v. a. Prendre, Saisir. Argot des voleurs.
ATTRIQUER, v. a. Acheter des effets volés.
ATTRIQUEUSE, s. f. Femme qui achète des objets volés.
AUBERT, s. m. Argent,—dans l'argot des voleurs qui connaissent leur Villon, ou dont les ancêtres faisaient monnaie avec les mailles des hauberts, comme les enfants avec les loques de cuivre.
AUTEL, s. m. La table devant laquelle est assis le vénérable. Argot des francs-maçons.
AUTEL DE PLUME, s. m. Le lit,—dans l'argot du peuple, qui dit cela depuis longtemps, comme le témoigne ce couplet d'une vieille chanson que nos grand'mères chantaient, en s'accompagnant de l'épinette, sur l'air de Le démon malicieux et fin:
«A Damon vous avez tout permis
Pour l'hymen qu'il vous avait promis;
Mais, Iris, savez-vous la coutume?
Avez-vous pu l'en croire à son serment?
Ceux que l'on fait sur un autel de plume
Sont aussitôt emportés par le vent!»
AUTEUR, s. m. Père ou mère,—dans l'argot des faubouriens et des vaudevillistes.
AUTEUR BEURRIER, s. m. Ecrivain dont les productions ne se vendent pas en livres, aux lecteurs, mais à la livre, à la fruitière ou à l'épicier, qui en enveloppent leurs produits.
AUTOMÉDON, s. m. Cocher,—dans l'argot des académiciens et des vaudevillistes de l'école Scribe, qui se souviennent de l'écuyer d'Achille.
AUTOR ET D'ACHAR (D'). Apocope d'Autorité et d'Acharnement, qu'on emploie,—dans l'argot des faubouriens,—pour signifier: Vivement, sans répliquer, en grande hâte.
AUTRE PAIRE DE MANCHES (C'est une). C'est une autre affaire.
Expression populaire usitée dès le milieu du XVIIIe siècle.
AUVERPIN, s. m. Auvergnat,—dans l'argot des faubouriens, qui donnent ce nom à tous les charbonniers et à tous les commissionnaires.
AVALÉ LE PÉPIN (Avoir). Être enceinte,—par allusion à la fameuse pomme dans laquelle on prétend que notre mère Eve a mordu.
AVALER DES COULEUVRES, v. a. Eprouver des déceptions; essuyer des mortifications. Argot du peuple.
AVALER LE LURON, v. a. Communier,—dans l'argot des voleurs, qui appellent la sainte hostie le luron, sans doute après l'avoir appelée le Rond.
AVALER SA CUILLER, v. a. Mourir,—dans l'argot des faubouriens.
On dit aussi Avaler sa fourchette, avaler sa gaffe et avaler sa langue.
AVALER SON POUSSIN, v. a. Recevoir une réprimande, être congédié. Argot des peintres en bâtiment.
AVALÉ UNE CHAISE PERCÉE (Avoir). Se dit dans l'argot des faubouriens,—à propos de quiconque a l'haleine homicide.
AVALOIR, s. m., ou Avaloire, s. f. Le gosier,—dans l'argot des faubouriens, dont les pères ont chanté:
«Lorsque la cruelle Atropos
Aura tranché mon avaloire,
Qu'on dise une chanson à boire!»
AVANTAGES, s. m. pl. La gorge des femmes,—dans l'argot des bourgeois.
AVANT-COURRIER, s. m. Mèche anglaise à percer. Argot des voleurs.
AVANT-SCÈNES, s. f. pl. La poitrine, lorsqu'elle fait un peu saillie en avant du buste,—dans l'argot des petites dames.
Balzac a dit Avant-cœur.
AVEINDRE, v. a. Aller prendre un objet placé sur un meuble quelconque, mais un peu élevé,—dans l'argot du peuple qui a parfois l'honneur de parler comme Montaigne.
Je sais bien que Montaigne se souciait peu d'écrire correctement; en tout cas, il avait raison, et le peuple aussi, d'employer ce verbe—que ne peut pas du tout remplacer atteindre,—car il vient bel et bien d'advenire.
AVÈNE, s. f. Avoine,—dans l'argot des faubouriens, qui s'obstinent à parler plus correctement le français que les gens du bel air: Avène ne vient-il pas d'avena.
AVERGOT, s. m. Œuf,—dans l'argot des voleurs.
AVERTINEUX, adj. m. Homme difficile à vivre, d'un caractère ombrageux à l'excès,—dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas qu'avertineux vient d'avertin, et qu'avertin vient d'avertere (a indiquant éloignement et vertere, tourner), «mal qui détourne l'esprit».
AVESPRIR, v. n. Faire nuit,—dans le même argot, où l'on retrouve une multitude de vieilles formules pittoresques et étymologiques. Avesprir! Vous voyez aussitôt se lever à l'horizon l'Etoile de Vénus,—Vesper est venu!
AVOCAT BÉCHEUR, s. m. Ouvrier qui médit de ses compagnons, absents ou présents. Argot des typographes.
C'est aussi le nom que les voleurs donnent au procureur de la République.
AVOINE, s. f. Coups de fouet donnés à un cheval pour l'exciter. Argot des charretiers.
AVOIR A LA BONNE, v. a. Avoir de l'amitié ou de l'amour pour quelqu'un. Argot du peuple.
AVOIR CELUI, v. a. Avoir l'honneur de...,—dans l'argot des bourgeois.
AVOIR DE CE QUI SONNE. Être riche,—dans l'argot du peuple.
L'expression se trouve dans Restif de la Bretonne.
AVOIR DANS LE NEZ, v. a. Ne pas pouvoir sentir quelqu'un ou quelque chose.
AVOIR DANS LE VENTRE. Être capable de...,—dans l'argot des gens de lettres.
AVOIR DE BEAUX CHEVEUX, v. a. Se dit ironiquement de quelqu'un qui est mal mis, ou de quelque chose qui est mal fait. Argot des bourgeois.
AVOIR DE LA CHANCE AU BATONNET, v. a. N'être pas heureux en affaires ou en amour. Ironiq.—Argot des faubouriens.
On dit aussi Pas de chance au bâtonnet!
AVOIR DE L'ANIS DANS UNE ÉCOPE. Façon de parler ironique, du même argot, où on l'emploie pour répondre à une demande indiscrète ou à un désir impossible à satisfaire. T'auras d'l'anis dans une écope équivaut à Du vent!
AVOIR DES AS DANS SON JEU, v. n. Avoir du bonheur, de la chance dans ses entreprises. Argot du peuple.
N'avoir plus d'as dans son jeu. Avoir tout perdu, famille, affection, fortune, en être réduit à mourir.
AVOIR DES MOTS AVEC QUELQU'UN, v. a. Se fâcher avec lui.
Avoir des mots avec la Justice. Être traduit en police correctionnelle.
AVOIR DU BEURRE SUR LA TÊTE, v. a. Avoir commis quelques méfaits plus ou moins graves,—dans l'argot des voleurs, qui ont certainement entendu citer le proverbe juif: «Si vous avez du beurre sur la tête, n'allez pas au soleil: il fond et tache.»
AVOIR DU CHIEN DANS LE VENTRE. v. a. Être hardi, entreprenant, téméraire, fou même, comme un chien enragé. Argot du peuple.
AVOIR DU PAIN SUR LA PLANCHE. Avoir des économies ou des rentes. Argot des bourgeois.
AVOIR DU SABLE DANS LES YEUX. Avoir envie de dormir.
On dit aussi: Le marchand de sable a passé.
AVOIR LAISSÉ LE POT DE CHAMBRE DANS LA COMMODE. Avoir l'haleine homicide. Argot des voyous.
AVOIR LE BRAS LONG. Être en position de rendre des services importants, de protéger des inférieurs et même des égaux.
AVOIR LE COMPAS DANS L'œIL, v. a. Voir juste; calculer exactement; apprécier sainement.
AVOIR LE CASQUE, v. a. Avoir un caprice pour un homme,—dans l'argot des filles.
AVOIR LE FRONT DANS LE COU. Être chauve comme l'Occasion,—dans l'argot des faubouriens.
AVOIR LE POUCE ROND, v. a. Être adroit,—dans l'argot du peuple, qui a constaté depuis longtemps l'adresse avec laquelle les voleurs mettent le pouce sur la pièce d'argent qu'ils veulent voler.
AVOIR LES CÔTES EN LONG. Être paresseux.
On dit aussi Avoir les côtes en long comme les loups, qui en effet ne peuvent pas, à cause de cela, se retourner facilement. Ne pas pouvoir se retourner, ne savoir pas se retourner, c'est la grande excuse des paresseux.
AVOIR L'ESTOMAC DANS LES MOLLETS. Avoir très grand'faim. Argot du peuple.
On dit aussi Avoir l'estomac dans les talons.
AVOIR L'ÉTRENNE. Être le premier à faire ou à recevoir une chose.
AVOIR L'OREILLE DE LA COUR. Être écouté avec une faveur marquée par les juges. Argot des avocats.
AVOIR LA PEAU TROP COURTE, v. a. Faire, en dormant, des sacrifices au dieu Crépitus,—dans l'argot du peuple, qui croit que le corps humain n'a pas une couverture de chair suffisante, et que lorsque l'hiatus de la bouche se ferme, l'hiatus opposé doit s'ouvrir, d'où l'action de crepitare.
AVOIR MAL AU BRÉCHET, v. n. Souffrir de l'estomac. Argot du peuple.
AVOIR MAL AUX CHEVEUX, v. n. Avoir mal à la tête, par suite d'excès bachiques. Argot des faubouriens.
AVOIR MANGÉ DE L'OSEILLE. Être d'un abord désagréable, rébarbatif; avoir la parole aigre, être grincheux. Argot du peuple.
AVOIR MANGÉ SES PIEDS. Puer de la bouche,—dans l'argot des faubouriens.
AVOIR PAS INVENTÉ LE FIL A COUPER LE BEURRE (N'). Être simple d'esprit, et même niais.
On dit aussi N'avoir pas inventé la poudre.
AVOIR PAS SA LANGUE DANS SA POCHE (N'). Être prompt à la riposte; savoir parler. Argot du peuple.
AVOIR SA CLAQUE (En). Avoir assez bu ou assez mangé, c'est-à-dire trop mangé ou trop bu. Argot des faubouriens.
AVOIR SA CÔTELETTE, v. a. Être chaleureusement applaudi,—dans l'argot des comédiens.
AVOIR SON CAILLOU. Commencer à se griser,—dans l'argot des faubouriens.
AVOIR SON PAIN CUIT. Être rentier,—dans l'argot du peuple. Être condamné à mort,—dans l'argot des voleurs.
AVOIR TOUJOURS DES BOYAUX VIDES, v. a. Avoir toujours faim,—dans l'argot du peuple.
AVOIR UNE ARAIGNÉE DANS LE PLAFOND, v. a. Être fou, maniaque, distrait. Argot de Breda-Street.
AVOIR UNE CHAMBRE A LOUER. Être un peu fou et en tout cas très excentrique,—dans l'argot du peuple, qui suppose que la déraison peut être produite chez l'homme par la vacuité de l'un des compartiments du cerveau, à moins qu'il ne veuille faire allusion au déménagement du bon sens.
Signifie aussi Avoir une dent de moins.
AVOIR UNE CRAMPE AU PYLORE. Avoir grand appétit,—dans l'argot des faubouriens.
AVOIR UNE ÉCREVISSE DANS LA TOURTE, v. a. Être fou, non à lier, mais à éviter.
On dit aussi Avoir une écrevisse dans le vol-au-vent, et Avoir une hirondelle dans le soliveau.
AVOIR UNE TABLE D'HÔTE DANS L'ESTOMAC, manger goulûment et insatiablement.
AVOIR VU LE LOUP. Se dit,—dans l'argot du peuple,—de toute fille qui est devenue femme sans passer par l'église et par la mairie.
AZOR, s. m. Nom de chien qui est devenu celui de tous les chiens,—dans le même argot. V. Appeler Azor.
25
B
BABILLARD, s. m. Confesseur,—dans l'argot des voleurs.
Ils donnent aussi ce nom à tout Livre imprimé.
BABILLARDE, s. f. Montre.
BABILLARDS, s. f. Lettre.
On dit aussi Babille.
BABILLAUDIER, s. m. Libraire, vendeur de babillards.
BABILLER, v. a. Lire.
BABINES, s. f. pl. La bouche,—dans l'argot du peuple, pour qui sans doute l'homme n'est qu'un singe perfectionné.
S'en donner par les babines. Manger abondamment et gloutonnement.
S'en lécher les babines. Manifester le plaisir en parlant ou en entendant parler de quelque chose d'agréable,—bon dîner ou belle fille.
BABOUE, s. f. Grimace, mines plaisantes comme en fait la nourrice pour amuser le nourrisson.
Faire la baboue. Faire la grimace.
L'expression se trouve dans Rabelais—et sur les lèvres du peuple.
BABOUIN ou Baboua, s. m. Petit bouton de fièvre ou de malpropreté, qui vient à la bouche, sur les babines.
Le babouin était autrefois une figure grotesque que les soldats charbonnaient sur les murs du corps de garde et qu'ils faisaient baiser, comme punition, à ceux de leurs camarades qui avaient perdu au jeu ou à n'importe quoi. On comprend qu'à force de baiser cette image, il devait en rester quelque chose aux lèvres,—d'où, par suite d'un trope connu, le nom est passé de la cause à l'effet.
BAC, s. m. Apocope de Baccarat,—dans l'argot des petites dames.
Tailler un petit bac. Faire une partie de baccarat.
BACCHANAL, s. m. Vacarme, tapage fait le plus souvent dans les cabarets, lieux consacrés à Bacchus. Argot du peuple.
BACCON, s. m Porc,—dans l'argot des voleurs. Bacon, lard, dans le vieux langage.
BACHASSE, s. f. Travaux forcés. Même argot.
BACHELIÈRE, s. f. Femme du quartier latin, juste assez savante pour conduire un bachot en Seine—et non en Sorbonne.
BACHOT, s. m. Apocope de Baccalauréat,—dans l'argot des collégiens.
BACHOTIER, s. m. Préparateur au baccalauréat.
BACHOTTER, v. n. Parier pour ou contre un joueur. Argot des grecs.
On dit aussi Faire les bâches.
BACHOTTEUR, s. m. Filou «chargé du deuxième rôle dans une partie jouée ordinairement au billard. C'est lui qui arrange la partie, qui tient les enjeux et va chercher de l'argent lorsque la dupe, après avoir vidé ses poches, a perdu sur parole».
V. Bête et Emporteur.
BACLER, v. a. Fermer,—dans l'argot des voleurs, qui se servent là d'un vieux mot de la langue des honnêtes gens.
On dit aussi Boucler.
BADIGEON, s. m. Maquillage du visage,—dans l'argot du peuple.
BADIGEONNER (Se), v. réfl. Se maquiller pour paraître plus jeune.
BADIGOINCES, s. f. pl. Les lèvres, la bouche,—dans l'argot du peuple qui a eu l'honneur de prêter ce mot à Rabelais.
Jouer des badigoinces. Manger ou boire.
BADOUILLARD, s. m. Coureur de bals masqués,—dans l'argot des étudiants du temps de Louis-Philippe. Le type a disparu, mais le mot est resté.
BADOUILLE, s. f. Homme qui se laisse mener par sa femme. Argot du peuple.
BADOUILLER, v. n. Courir les bals, faire la noce.
BADOUILLERIE, s. f. Vie libertine et tapageuse.
BAFFRE, s. f. Coup de poing sur la figure. Argot du peuple.
BAFRER, v. n. Manger.
BAFRERIE, s. f. Action de manger avec voracité; repas copieux.
BAGNOLE, s. f. Chapeau de femme, de forme ridicule,—dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas que les bagnoles, avant de mériter son mépris, avaient mérité l'admiration des dames de Paris en 1722.
BAGOU ou BAGOUT, s. m. Bavardage de femme; faux esprit. Argot des gens de lettres et du peuple.
Dans l'argot du peuple. Avoir du bagout équivaut à N'avoir pas sa langue dans sa poche.
BAGOUL, s. m. Nom,—dans l'argot des voleurs.
BAGOULARD, s. m. Bavard.
BAGUE, s. f. Nom propre,—dans le même argot, par allusion à l'habitude qu'on a de faire graver son nom à l'intérieur des anneaux de mariage.
BAGUENAUDE, s. f. Poche,—dans l'argot des marbriers de cimetière, qui y laissent quelquefois flâner de l'argent.
BAGUENAUDER, v. n. Flâner, vagabonder,—les mains dans les poches. Argot du peuple.
BAHUT, s. m. Les meubles en général. Argot des ouvriers.
BAHUT, s. m. Collège,—dans l'argot des collégiens.
Se dit aussi de la maison du préparateur au baccalauréat, et, par extension de toute maison où il est désagréable d'aller.
Bahut spécial. Saint-Cyr.
BAHUTER, v. n. Faire du vacarme,—dans l'argot des Saint-Cyriens.
BAHUTEUR, s. m. Tapageur.
Se dit aussi d'un élève qui change souvent de pension.
BAIGNE-DANS-LE-BEURRE, s. m. Souteneur de filles,—dans l'argot des faubouriens, qui font allusion aux scombéroïdes du trottoir.
BAIGNEUSE, s. f. La tête,—dans l'argot des voleurs, qui se lavent et à qui on lave plus souvent la tête que le reste du corps.
BAIGNEUSE, s. f. Chapeau de femme,—dans le même argot qui a conservé des reflets de l'argot de la mode au XVIIIe siècle. Baigneuse ou bagnole, c'était tout un.
BAIGNOIRE A BON DIEU, s. f. Calice,—dans l'argot des voyous.
BAIN DE PIED, s. m. Excédent de café ou d'eau-de-vie retenu par la soucoupe ou dans le plateau qu'on place par précaution sous chaque demi-tasse ou sous chaque petit verre. Il y a des gens qui boivent cela.
BAIN- MARIE, s. m. Personne d'un caractère ou d'un tempérament tiède. Argot du peuple.
BAIN QUI CHAUFFE, s. m. Nuage qui menace de crever quand il fait beau temps et que le soleil est ardent.
BAISER LE CUL DE LA VIEILLE, v. a. Ne pas faire un seul point. Argot des joueurs.
BAJAF, s. m. Butor, gros homme qui, sous l'effort de la respiration, gonfle ses jaffes ou ses abajoues, comme on voudra.
Le peuple dit aussi Gros bajaf.
BALADE, s. f. Promenade, flânerie dans l'argot des voyous.
Faire une balade ou Se payer une balade. Se promener.
BALADER, v. a. Choisir, chercher. Argot des voleurs.
BALADER (Se), v. réfl. Marcher sans but; flâner; et, par extension s'en aller de quelque part, s'enfuir.
BALADEUR, s. m. Flâneur.
BALADEUSE, s. f. Fille ou femme qui préfère l'oisiveté au travail et se faire suivre que se faire respecter.
Se dit aussi de la marchande des rues et de sa boutique roulante.
BALAI, s. m. Agent de police,—dans l'argot des petits marchands ambulants.
BALAI DE L'ESTOMAC (Le). Les épinards,—dans l'argot du peuple, qui connaît aussi bien que les médecins la vertu détersive de la Spinacia oleracea.
BALANCEMENT, s. m. Renvoi, congé,—dans l'argot des employés.
BALANCER, v. a. Donner congé à quelqu'un, renvoyer un employé, un domestique,—dans l'argot du peuple, qui ne se doute pas qu'il emploie là, et presque dans son sens originel, un des plus vieux mots de notre langue.
On dit aussi Envoyer à la balançoire.