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II

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Clotilde alla chez sa mère, qui s’était chargée du petit Paul, afin qu’il fût préservé de la contagion.

En passant dans la rue de Rivoli, elle s’arrêta devant l’hôtel Meurice, y entra, griffonna à la hâte deux mots sur une carte, et la remit au concierge de l’hôtel.

Arrivée chez sa mère, qui était sortie avec Paul, elle s’assit dans une large bergère, près du feu, et suivit avec une fiévreuse impatience la marche des aiguilles de la pendule.

Enfin, la porte s’ouvrit et livra passage à une ravissante jeune femme, d’environ vingt-trois ans.

–Merci, ma bonne Pauline, d’être venue aussi tôt, dit la comtesse. J’avais espéré te rencontrer à l’hôtel; j’ai un grand service à te demander.

Pauline de Vertval, amie de pension et cousine par alliance de Mme de Roncelay, était grande et svelte. Sa tête fine, remarquablement intelligente, s’attachait à un cou d’albâtre, par la ligne correcte et classique d’un menton à fossette. Des cheveux noirs, relevés sur un front un peu trop haut, peut-être; de beaux yeux bruns et veloutés, à longs cils recourbés, une bouche admirablement dessinée et un corsage rond, mais flexible et jeune, telle était la beauté de l’amie que Clotilde de Roncelay avait vu venir à elle avec un joyeux empressement.

–Je viens de porter une lettre pour mon mari à la poste, dit Pauline, et d’accompagner M. de Vertval, mon beau-père, à la diligence. Il est allé chez son fils Gaston, mon beau-frère, où il doit se rencontrer avec ton mari, pour chasser. Je le rejoindrai demain soir et partirai de là directement pour Rouen, où il me tarde d’aller retrouver mon petit Louis. Je comptais te dire adieu demain matin. Que puis-je pour toi?

Mme de Roncelay tira de son corsage un papier, qu’elle donna à lire à son amie. C’était une copie de la lettre trouvée dans le livre du comte.

Pauline de Vertval la lut. Ses yeux se gonflèrent de larmes.

–Que comptes-tu faire? dit-elle,

–Aller au bal de l’Opéra avec toi, si tu veux, et empêcher à tout prix la rencontre de mon mari avec cette femme. Je la connais.

C’est une fille de qualité déclassée. Elle est belle, spirituelle, désintéressée. Sa mère, qu’elle avait quittée pour suivre un homme marié,–dont elle a été très vite abandonnée,–est morte de chagrin et lui a laissé une grande fortune.–Puisqu’elle pose à mon mari un ultimatum, nous tâcherons de lui faire oublier l’heure du rendez-vous.

–Ton mari ne reviendra peut-être pas pour le bal.

–Il reviendra. Il sera ici demain soir ou samedi matin, il me l’a dit. Il se piquera d’amour-propre. Puis-je compter sur toi, ma chère Pauline? Nous nous amuserons, va.–Nous mettrons de jolis dominos, toi un blanc, moi un bleu et nous ne parlerons au comte qu’à voix basse. J’ai envoyé Héloïse, ma femme de chambre, prendre une loge et je l’attends d’une minute à l’autre. Mon mari, ne connaissant pas ton écriture, c’est toi qui lui écriras pour lui donner rendez-vous à une heure. Nous nous habillerons chez toi, à l’hôtel. Tu iras à l’Opéra à minuit, sans m’attendre, car, si par hasard ma mère venait passer la soirée avec moi, cela me retarderait; je te rejoindrai au bal.

–Mais, si ton mari allait me reconnaître.

–Allons donc! Il ne t’a vue qu’une fois chez ton beau-frère, après ton mariage, auquel il n’a pu assister. Je parierais bien qu’il ne sait pas si tu es brune ou blonde, puisqu’il partait lorsque vous arriviez. Tu n’avais pas eu le temps de relever ton voile de gaze bleue. C’est lui qui me l’a dit; il ajouta même, qu’ayant été absent les deux fois que tu es venue me voir depuis ton arrivée, il semblait écrit qu’il ne ferait pas ta connaissance.

–Soit, donc. Je ferai ce que tu voudras. Je vais prévenir mon beau-père que je n’irai le rejoindre à Vertval que dimanche.

–Je te remercie, chère Pauline. Tu ne sais pas de quel poids je me sens délivrée.

Pour la première fois de ma vie, je suis inquiète, tourmentée de l’infidélité de mon mari. C’est sans doute parce que, jusqu’à présent, je la supposais seulement; tandis qu’aujourd’hui, j’en ai la preuve.–Pour toi, chérie, tu n’as absolument rien à craindre. Admettons un instant que mon mari te reconnaisse. Il saura alors à quoi s’en tenir; car je consentirai à le recevoir chez moi la nuit même du bal, et le ramènerai moi-même au domicile conjugal. Comme tu vois, c’est un vieux moyen de comédie qui, je l’espère, ne me fera pas plus défaut qu’à ceux qui l’ont employé avant moi.

On frappa discrètement à la porte.

C’était Héloïse, qui remit à sa maîtresse le coupon de la loge, et se retira.

Mme de Vertval prit le coupon et s’écria en se levant: Le no13! nombre fatal! Puis, moitié riant, moitié boudant, elle se disposait à s’en aller lorsque Mme do Roncelay l’arrêta sur le seuil de la porte et lui dit: «Je n’ai pas encore vu mon petit Paul?– Il fait sa promenade aux Champs-Élysées avec ma mère. Pour ne point perdre de temps, tu ferais bien d’aller de suite chez Palmyre, commander les deux dominos et les faire porter chez toi aussitôt qu’ils seront terminés.»

Mme de Vertval embrassa son amie et alla faire sa commande chez la couturière.

Clotilde de Roncelay avait retrouvé son calme. Elle se promit presque un plaisir de la petite comédie qu’elle comptait jouer le lendemain, et attendit patiemment le retour de sa mère et de son fils. Lorsqu’ils furent rentrés, elle prit son petit Paul sur ses genoux et s’enquit de ce qu’il avait fait aux Champs-Élysées.

Tout en babillant, le garçonnet jouait avec la montre de sa mère:

–Mlle Figaro a une aussi jolie montre que toi, maman, dit-il tout à coup.

–Mlle Figaro? qui est-ce, mon petit chéri?

–C’est Mlle Figaro, ta nouvelle femme de chambre. Jean-Pierre lui disait hier, lorsqu’elle apportait de ta part une boîte de raisin à bonne maman: «Tiens, c’est vous, mademoiselle Figaro? Vous voilà bien huppée depuis que vous ne coiffez plus les grandes dames qui demeurent au premier au-dessus du quatrième entre-sol?»

–Je m’appelle Héloïse Chipart, monsieur Jean-Pierre, dit-elle, et je ne coiffe plus que Mme la comtesse de Roncelay.

–C’est dommage, a dit Jean-Pierre, vous nous racontiez de si jolies histoires.

Je lui ai de suite demandé de m’en raconter une; mais elle m’a dit qu’elle ne savait pas d’histoires d’enfant. Alors, j’ai été méchant; j’ai pleuré, et alors elle m’a prêté sa montre, Jean-Pierre l’a regardée, et il a ri.

–Je ne raconte pas toutes les histoires que je sais, a dit Mlle Figaro, à preuve cette montre. On me l’a donnée pour prix de ma discrétion. On sait se taire à l’occasion.

–Dites donc, mademoiselle Figaro, fit Jean-Pierre, tâchez de trouver beaucoup d’occasions comme celle-là.

–J’y compte bien!

Mme de Roncelay écoutait en souriant le reportage de son petit garçon. Elle savait les antécédents de sa femme de chambre, pour avoir été souvent coiffée par Héloïse avant son mariage. Elle ne se préoccupait donc pas du sobriquet dont on avait gratifié sa spirituelle soubrette.

Cette dernière avait fait vivre sa vieille mère du fruit de son travail, en coiffant à bon marché, à domicile, un grand nombre de dames, et ce n’est qu’à la mort de sa mère qu’elle se décida à entrer au service de Mme de Roncelay.

Mademoiselle Figaro : indiscrétions d'une Parisienne

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