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IV

Table des matières

Lorsque, vers trois heures du matin, le comte de Roncelay rentra dans la chambre de sa femme, il s’arrêta terrifié sur le seuil de la porte. Il vit Clotilde, anéantie de douleur aux genoux du médecin, qui tenait dans ses bras sa pauvre petite fille agonisante.

A dix heures du soir, au moment même où sa mère allait sortir, l’enfant avait été reprise d’un nouvel accès du croup.

Eperdue, Clotilde s’était pendue au cordon de la sonnette; le médecin, s’écria-t-elle, courez à l’instant, courez vite, au nom du ciel. Lorsque le médecin arriva, il déclara sur-le-champ que tout espoir de sauver l’enfant était perdu.

Le lendemain, Mme de Vertval recevait du comte les lignes suivantes:

«Madame,

» Nous avons perdu notre chère petite fille, morte cette nuit à trois heures et demie.

» Clotilde me prie de vous informer de ce triste événement; elle espère de votre amitié le sacrifice de la journée d’aujourd’hui.

» Je suis, madame, avec le plus profond respect, votre entièrement dévoué.

» Comte de RONCELAY.»

En voyant une écriture qui lui était inconnue, Pauline chercha tout d’abord la signature: Le comte! s’écria-t-elle avec terreur, et la lettre s’échappa de ses mains

Elle ne s’était pas couchée. Elle aurait voulu pouvoir se persuader qu’elle n’avait fait qu’un rêve, douter de l’affreuse, de la terrible réalité. Elle avait retiré en rentrant le masque et le domino et rejeté cette défroque de l’intrigue dans le carton de la couturière.

S’étant endormie vers le matin dans un fauteuil, l’arrivée de la lettre du comte de Roncelay la tira d’un sommeil pénible, pour la replonger dans une nouvelle terreur.

En voyant la signature du comte, elle crut d’abord avoir été suivie par lui, malgré sa promesse.

Enfin elle se décida à lire la lettre qui la rassura. Un torrent de larmes s’échappa alors de ses yeux.

«Jamais je n’oserai paraître devant Clotilde, se dit-elle; –je mourrais de honte.»

Mais à onze heures, Héloïse vint, de la part de la comtesse, demander si Mme de Vertval n’était pas malade, et la supplier de nouveau de venir auprès de sa maîtresse.

Mme de Vertval s’habilla donc, aidée de Mlle Figaro et alla chez son infortunée amie. Elles pleurèrent ensemble, mais pour des raisons différentes.

Après cette première effusion de larmes, tu comprends, dit Mme de Roncelay, pourquoi je n’ai pu aller au bal cette nuit. Mon pauvre petit ange a été repris de la nouvelle attaque de croup, qui me l’a enlevé, au moment même où je me disposais à aller te rejoindre. Tu me pardonneras, j’espère, d’avoir tout oublié dans ce cruel moment,–de n’avoir pas envoyé te faire prévenir du malheur qui m’arrivait et me retenait chez moi. Es-tu allée seule à ce bal, et mon mari y est-il venu?

–Oui, répondit Pauline. Il y est venu. Je lui ai fait croire que c’était l’amie vainement attendue qui lui avait donné ce rendez-vous dans ma loge. C’est donc dans l’espoir de te voir arriver que le comte a patienté. Le temps s’est écoulé facilement. Je ne pense pas que ton mari tînt beaucoup à son rendez-vous.

Maintenant, adieu, ma chérie. Je n’ose pas affronter sa présence. Il pourrait me reconnaître. Puisque tu n’es pas venue à l’Opéra, il est inutile de lui faire supposer que j’étais instruite de ses écarts de fidélité, ce qu’il croirait infailliblement s’il me reconnaissait.

Je partirai tantôt pour rejoindre mon beau-père à Vertval, où je compte passer la journée de demain, et de là retourner directement à Rouen.

Je te dis donc un adieu définitif, ma bonne chérie.

Mme de Vertval s’approcha de Clotilde pour l’embrasser, mais recula tout à coup et se couvrit le visage de ses deux mains. Une agitation étrange s’était emparée d’elle. Des sanglots convulsifs secouaient ses épaules, un torrent de larmes s’échappait de ses yeux. Elle tomba anéantie sur son siège.–

Clotilde, surprise de cette explosion extraordinaire des pleurs de son amie, allait l’embrasser, lorsque celle-ci s’écria:

–Ne me touche pas, ne m’embrasse pas, je ne suis plus digne de ton affection.

Clotilde étonnée d’abord, puis indignée:

–Malheureuse, s’écria-t-elle soudain, que veux-tu dire? es-tu folle? que s’est-il passé? Parle! parle! au nom du ciel! mais parle donc!

Clotilde avait saisi les mains de son amie et la regardait d’un œil hagard. Tout à coup, elle se radoucit. Ses larmes recommencèrent à couler.

–Va, reprit-elle, va; je comprends ta douleur, je te plains et te pardonne.

Pauline se leva, essuya ses yeux et baissa son voile.

–Adieu, Clotilde murmura-t-elle, en s’éloignant; adieu pour toujours.

Puis, d’un pas rapide, elle quitta la chambre et l’hôtel de Roncelay pour ne jamais y revenir.

Mademoiselle Figaro : indiscrétions d'une Parisienne

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