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Deuxième épisode
LES ENFANTS DU SOLEIL I
L’effroyable aveu

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Après les quelques secondes de stupeur et d’épouvante que lui avait causées l’apparition inattendue de Vidocq, Manon la Blonde s’était efforcée de se ressaisir.

Elle avait compris en effet qu’elle était en présence d’un homme décidé à tout.

— François, reprit-elle, j’ai eu de grands torts envers toi.

— De grands torts !… Tu appelles cela de grands torts, s’écriait Vidocq, quand tu m’as indignement trahi, quand tu m’as précipité dans un abîme effroyable… quand tu as fait de moi ce que je suis : un forçat en rupture de ban… Misérable ! quand tu m’as volé mes enfants !

— J’aimais ! lançait Annette, avec l’impétuosité de la coupable qui n’a pas d’autre argument pour sa défense.

— Et c’est l’unique excuse que tu trouves à ton crime ! grinçait Vidocq, qui, se débarrassant de sa perruque et de sa fausse barbe, laissa apercevoir un visage ravagé par la douleur et tout frémissant de colère.

Puis il scanda âprement :

— Et tu oses me crier cela en face, me souffleter de cet aveu cynique qui ne fait qu’exaspérer ma fureur et qui me donne le droit d’en finir avec toi, de te tuer oui, de te tuer !

— À moi ! râlait Manon, blême, épouvantée.

Mais, redevenant d’un calme encore plus inquiétant que sa colère, Vidocq reprenait :

— Rassure-toi ; ce n’est pas pour me venger que j’ai par trois fois réussi à briser mes chaînes… et que je suis ici devant toi.

« Non, j’ai un autre but… but vers lequel n’ont jamais cessé de tendre tous mes efforts… et que j’ai si longtemps cru ne jamais atteindre : retrouver mes enfants !

En proie à un émoi qu’elle ne parvenait pas à dissimuler,

Manon, toute troublée, balbutiait :

— Ils sont en sécurité !

— En sécurité !…

— C’est tout ce que je puis vous dire !

— Vraiment !

— Je suppose que vous n’avez pas la prétention de me les reprendre ?

— Ils sont à moi autant qu’à toi.

— Qu’en feriez-vous ?

— Et toi, qu’en as-tu fait ?

Ces répliques se croisaient comme deux lames d’épées maniées par deux adversaires qui ont engagé un duel sans trêve, sans merci.

Et Vidocq, accentuant son ardente offensive, s’écria avec force :

— Je veux les voir !…

Manon ripostait, avec énergie cette fois :

— Et moi, je m’y refuse.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne veux pas être obligée de leur avouer un jour que leur père a été un forçat.

— Misérable ! frémit Vidocq.

Et, terrible, il martela d’une voix grondante et le geste menaçant :

— C’est toi qui oses me parler ainsi, toi qui m’as si lâchement abandonné, toi qui m’as ravi ce que j’avais de plus cher : mes petits ; toi, enfin, que je retrouve vendue à un amant, courtisane cynique, éhontée, à jamais déchue de tes droits maternels !

— François !

— Ah ! tu ne veux pas raconter à nos enfants que leur père a été au bagne !…

« Avoue donc plutôt que tu as peur que je leur apprenne plus tard l’indignité de ta conduite… que j’étale à nu devant eux mon âme ulcérée…

« Et tu trembles à la pensée de les voir se retourner contre toi… en te criant : « Qu’avez-vous fait de notre père ? »

« Eh bien ! détrompe-toi, gueuse !

Et, adoucissant malgré lui les éclats terribles de son verbe, il poursuivit :

— Si tu me laisses les voir, ne fût-ce qu’une heure, ne fût-ce qu’un instant, pour eux, rien que pour eux, non pour toi, non seulement je consens à t’épargner, mais je m’engage encore à leur laisser ignorer le drame affreux de notre vie.

« Tu vois si je suis généreux, Annette.

« Et cela doit te prouver que le forçat qui est là a gardé une âme assez haute pour respecter ce que tu as déjà sali peut-être : le cœur de mes fils !

Alors, penché vers sa femme, qui, terrorisée, n’osait plus affronter son regard, haletant de la plus terrible des angoisses, les veines du cou tendues à se rompre, Vidocq scanda âprement : — Allons, parle, réponds-moi : qu’as-tu fait de mes enfants ?

Un profond soupir gonfla la poitrine de la déserteuse… Ses paupières s’abaissèrent comme si elle ne pouvait soutenir plus longtemps la vision vengeresse qui s’était soudain dressée devant elle…

Mais pas un mot ne s’échappa de ses lèvres tremblantes… et sa tête s’inclina dans le plus terrifiant des silences.

Vidocq s’écriait, avec la force indomptable qui émanait de lui :

— Une dernière fois, je t’ordonne de parler, ou alors je ne réponds plus de moi !

« Prends garde, Annette, prends garde !

— Jean… Robert… murmura la coupable en éclatant en sanglots.

Et elle ajouta, toute pantelante de douleur :

— Les pauvres petits !

— Ils sont morts ! râla Vidocq.

— Oui, oui… ils sont morts…, répéta la mère d’une voix molle, indécise, et qui sonnait faux.

— Ce n’est pas vrai… rugit le forçat… ils sont vivants ! « Seulement, ou tu ne veux pas me les rendre, ou tu n’oses pas me dire ce que tu en as fait.

« Tu les as abandonnés, n’est-ce pas ?

« Tes enfants… nos enfants… Tu es donc encore plus criminelle que je ne le pensais !

« Ah ! tiens, je vais te tuer !…

— Vidocq, je t’en supplie… écoute-moi. Tu vas tout savoir…, lança Manon en s’écroulant aux genoux du justicier.

— Enfin ! s’écria Vidocq.

Et debout, les bras croisés, il attendit la confession de la coupable.

Tout bas, comme si elle avait peur des paroles qu’elle allait prononcer, accablée sous le poids d’une responsabilité effroyable, Manon la Blonde, ou plutôt Annette, commença : — François, quand nous nous sommes connus, je n’étais pas une mauvaise fille, et je croyais t’aimer.

— Tu croyais ! ricana Vidocq.

— Oui, je te le jure…

« Oh ! je ne cherche pas à m’excuser…

« Je sais bien que je n’ai droit à aucun pardon, à aucune pitié.

« Mais laisse-moi te dire… j’étais coquette… j’aimais la toilette… les bijoux… et le plaisir… toutes choses dont j’avais toujours été privée.

— Et que moi, pauvre petit officier sans fortune, je ne pouvais pas te procurer.

— Un jour, je rencontrai un jeune homme qui sut me griser et me fit les plus brillantes promesses.

« Il me dit qu’il s’appelait Jacques Thionville et qu’il était le fils d’un gros fournisseur aux armées.

« Il m’affirmait que je lui avais inspiré une passion telle qu’il voulait me rendre l’existence plus brillante, plus heureuse que celle d’une reine ; et je ne tardai pas, en face de lui, à demeurer sans défense et sans volonté.

« Je lui résistai cependant, bien que chaque jour je sentisse grandir son emprise.

« Hélas ! bientôt je compris que, moi aussi, j’aimais cet homme… au point d’en perdre la raison.

« Pourtant une lueur d’honnêteté persistait en moi et me donnait la force de résister à la tentation dévorante de quitter ma maison, de m’enfuir avec celui qui m’avait conquise toute.

« La pensée de mon Robert et de mon Jacques… car je les aimais tendrement, moi aussi… oh ! oui, je les aimais !… me retenait à mon foyer.

« Je le dis à celui qui était déjà mon amant.

« Il me répondit… oh ! je l’entendrai toujours :

« — Emporte-les avec toi… j’assurerai leur avenir, leur fortune… J’en ferai mes fils puisqu’ils sont les tiens !

« Il m’affirmait tout cela sur un ton si plein de sincérité, si vibrant d’un ardent amour, que je sentis toutes mes dernières hésitations disparaître… et c’est horrible à dire… mais j’ai résolu de ne rien te cacher. Oui, c’est affreux… Je sentis mes suprêmes hésitations, mes derniers scrupules s’envoler… et… je partis avec lui… avec eux… sans remords.

« Il m’emmena aux environs de Cambrai, dans une très jolie propriété, où je vécus deux années, souvent seule… Car, sous des prétextes de famille, Jacques ne venait me voir qu’à de rares intervalles, restant parfois des semaines entières sans reparaître.

« Mais, dans les courts instants qu’il passait près de moi, il me témoignait tant d’amour, il semblait s’attacher si réellement aux enfants, que je n’éprouvais aucune inquiétude… et je vivais presque heureuse.

« Lorsqu’un soir je le vis arriver pâle, la figure bouleversée. Je viens de tuer en duel un de mes amis, m’annonça-t-il… je suis obligé de quitter momentanément la France… Je pars… Veux-tu me suivre dans mon exil, qui peut être d’une certaine durée ? »

Manon la Blonde poursuivit :

— Spontanément, sans réfléchir, sans envisager un seul instant les conséquences de ma décision, je lui répondis : « Je t’accompagne. »

« Je ne lui adressai aucune question… Je l’eusse suivi jusqu’au bout du monde !…

« Une chaise de poste nous attendait devant la maison. Nous y montâmes avec Robert et Jacques.

« Francine, la femme de chambre, nous accompagnait.

« J’avais pleine confiance en cette fille, car elle m’avait, jusqu’alors, témoigné beaucoup de dévouement.

« Les quatre chevaux partirent à fond de train.

« Ce fut dans la nuit une galopade effrénée…

« Francine avait pris Jacques sur ses genoux… Je tenais Robert dans mes bras.

« Au bout de deux heures, j’allais m’endormir brisée de fatigue… lorsque tout à coup des coups de feu éclatent dans la nuit…

« Brusquement, la chaise de poste s’arrête… Jacques se penche à la portière et pousse un cri de rage… Des gendarmes à cheval entourent la voiture.

« Alors, Jacques saisit ses pistolets, fait feu… Les gendarmes ripostent… Les balles crépitent autour de moi… Folle de terreur, je me jette sur les enfants pour les protéger…

« Mais, atteinte à la tête, je m’évanouis… et quand je reprends connaissance, je me trouve dans un lit d’hôpital où l’on m’a transportée ! Une religieuse est à mon chevet… Elle semble douce et compatissante.

« Ma première parole est pour réclamer mes petits. « On refuse de me répondre…

« Je perds de nouveau connaissance et je reste pendant plusieurs semaines, mourante d’abord, puis prostrée, anéantie, incapable de proférer un mot, de lier deux idées.

« Enfin, quand je reviens à moi, j’apprends… oh ! c’est effroyable… François, tu vas encore m’exécrer… me maudire davantage… oui, j’apprends que ce Jacques Thionville à qui j’avais tout donné, tout sacrifié, mon honneur, mon âme, mes deux fils, était… était…

— Mais, parle donc !

— Le chef de ces bandits qui, sous le nom de Chauffeurs du Nord, terrorisaient notre pays.

— Sallembier, dit l’Intrépide !

— Lui !

— Quelle infamie !

Tandis qu’en un geste d’horreur Vidocq portait les mains à son visage, Annette, toujours effondrée à ses genoux, haletait : — Alors commença pour moi le plus horrible des calvaires…

« D’abord, on me prit pour sa complice… on m’emprisonna.

« J’étais tellement triste, brisée, désemparée, que je n’eus point la force de me défendre.

« J’opposais aux questions que l’on me posait le mutisme le plus absolu… et nul n’a jamais su, je te le jure, que la maîtresse de l’Intrépide était ta femme !

« Quelques semaines plus tard, Sallembier était exécuté sur la place de ville avec plusieurs de ses complices. « Quant aux enfants, on refusa de me dire ce qu’ils étaient devenus… et ce ne fut que longtemps après, lorsque je sortis de prison, que j’appris l’effroyable vérité.

Les mains jointes, en un geste de supplication à la miséricorde, Annette murmura d’une voix faible comme celle d’une mourante : — Francine Boron, la femme de chambre, en réalité complice de Sallembier et placée par lui près de moi pour me surveiller, avait réussi, à la faveur du tumulte et de la nuit, à s’enfuir avec Jacques et Robert.

« Mais, redoutant d’être arrêtée et craignant que les deux petits n’attirassent sur elle l’attention des policiers et des gendarmes qui battaient la contrée, elle les avait abandonnés tous deux.

— Et toi !… et toi ! s’écria Vidocq avec un sanglot déchirant… qu’as-tu fait pour les retrouver ?

— Ce que j’ai fait ?

« Je me suis rendue à l’endroit où cette misérable prétendait les avoir déposés.

« C’était un carrefour isolé sur la grande route de Valenciennes à Bruxelles, loin de toute habitation et de tout village…

« Un calvaire s’y dressait… Je l’implorai de ne pas faire retomber sur deux innocents la faute de leur mère… De toutes les forces de mon âme, je l’adjurai de m’inspirer, de me guider, de me rendre ceux que j’avais perdus…

« Mais il resta inexorablement sourd à ma voix… De mon cerveau enfiévré… il ne jaillit aucune lueur, si ce n’est celle du désespoir !

« Pourtant je partis en aveugle, au hasard… comme une bête qui cherche ses petits.

« Partout où je m’adressai on me renvoya avec mépris.

« N’étais-je pas clouée au pilori d’une tare ineffaçable ? « Je ne me rebutai pas et je continuai mon affreux pèlerinage… mais toujours en vain…

« J’eus bientôt la conviction déchirante que j’avais entrepris une tâche au-dessus de mes forces et que je ne reverrais plus jamais mes enfants.

« J’essayai de travailler.

« Dans mon métier d’expiation, j’eusse accepté les plus lourdes, les plus répugnantes besognes.

« Elles me furent même refusées.

« Je n’avais même pas la ressource suprême d’aller vers toi, d’implorer ton pardon.

« Tu avais disparu… et j’appris bientôt ta condamnation aux travaux forcés, puis ton départ au bagne.

« Ce fut pour moi un coup effroyable…

« En effet, je ne doutais pas un seul instant que, si tu étais devenu un criminel, c’était par suite du désespoir que je t’avais causé.

« Alors je songeai à mourir… je n’en eus pas le courage.

« Je tombai tout à fait — et c’est horrible à penser, c’est atroce à dire —, je serais peut-être tombée encore plus bas, si, un jour, par un de ces caprices du hasard, ces revirements du sort qui ne s’expliquent pas, je n’avais vu tout à coup la fortune me sourire.

« Alors… Oui, François, je t’en supplie, je t’en conjure, car, là encore, je te crie la vérité… je n’eus plus qu’un but : me servir de l’or dont cet homme me couvrirait pour retrouver mes fils.

« Je remuai ciel et terre, tu m’entends ; je dépensai des fortunes à la recherche de ces pauvres petits dont mon impardonnable crime avait fait pire que des orphelins, deux parias, à jamais exilés de toute joie et privés de toute tendresse !

— Malheureuse !

— J’envoyai à droite, à gauche, dans toute la France et même à l’étranger des émissaires auxquels j’avais promis tout ce que je possédais s’ils découvraient la trace de mes fils.

« J’explorai les hôpitaux, les asiles où l’on recueille les enfants abandonnés.

« Mais il était trop tard… Je ne découvris rien… rien !… « Malgré tout, je ne me lasse pas… Je veux, malgré tout, espérer encore, et je me refuse à penser que je ne reverrai jamais mes enfants !

« Et puisque tu as été assez grand, assez généreux pour ne pas m’écraser tout de suite, puisque tu as bien voulu m’écouter jusqu’au bout, Vidocq, oh ! ce que je te refusais tout à l’heure, parce que la peur me forçait à te mentir, ah ! comme de grand cœur je te l’accorderais tout de suite, et comme avec joie, si jamais je retrouve mes deux fils, je les jetterai dans tes bras en te criant : « Prends-les, maintenant, ils sont à toi ! »

Tandis que, figé dans un terrible silence, Vidocq demeurait impassible, Annette, le visage baigné de larmes, acheva, à bout de souffle et d’énergie : — François, je t’ai dit… toute la vérité !

Et la malheureuse, toujours à genoux, s’effondra sur le banc de marbre, les bras en avant, la tête inclinée, comme si elle s’offrait elle-même au bourreau.

Vidocq, ulcéré, Vidocq, déchiré plus qu’il ne l’avait été au cours de son atroce calvaire, se sentait envahi par l’horrible tentation de faire payer d’un seul coup à celle qui l’avait précipité si cruellement, si lâchement dans l’abîme, le mal qu’elle lui avait causé.

Mais, insensiblement, il se laissait gagner par un sentiment d’involontaire pitié envers cette dévoyée qui avait expié si cher son crime ou plutôt sa démence.

Bouleversé par la plus tragique incertitude, lui qui, un instant auparavant, eût été implacable… se sentait troublé, déconcerté, non pas seulement parce que le courage lui manquait pour immoler froidement celle dont la confession tragique la rendait à ses yeux égale dans le remords et dans la honte, mais parce qu’il lui semblait entendre ses deux enfants l’implorer et lui crier : « Épargne-la, puisqu’elle est notre mère ! »

Au bout de quelques instants, Vidocq reprit d’une voix dans laquelle frémissait le tremblement d’un sanglot : — Annette, relève-toi.

Un cri d’espoir jaillit des lèvres de la jeune femme.

« Relève-toi ! » Ces deux mots venaient de tinter à ses oreilles comme une chance inespérée de salut.

« Relève-toi ! » Il l’épargnait donc. Il l’avait donc comprise… Il comptait donc s’associer à elle dans l’œuvre qui, désormais, était l’unique but de son existence, sa seule raison de vivre !

Et, redressant la tête, tendant les bras vers celui qui se montrait si grand et si fort… elle bégaya… transfigurée de repentir et de reconnaissance : — Pardonne-moi, François… pardonne-moi ! Mais des rumeurs s’élevaient dans le parc.

Au lointain, au détour d’une allée, des serviteurs apparaissaient, guidant des hommes vêtus de noir et armés de solides gourdins.

— Soudain, Annette se dressa, blême de frayeur et clamant, éperdue :

— La police !

Vidocq eut un hurlement de rage :

— Ils ne me tiennent pas encore ! s’écria-t-il.

Tandis que la jeune femme s’écroulait évanouie sur les dalles, le forçat évadé, empoignant son bissac, enjambait la balustrade, se laissait glisser sur la route et se précipitait vers un lavoir installé de l’autre côté du chemin, au bord d’un petit cours d’eau ombragé de saules.

Il y pénétra en coup de vent.

Le lavoir était vide !

Alors, en un tour de main, arrachant sa perruque et sa fausse barbe, il se débarrassa de sa casaque de matelot… et, l’oreille aux aguets, l’œil en éveil, s’emparant de quelques hardes qui séchaient le long d’une corde, il substitua avec une rapidité prodigieuse cette défroque à celle qu’il venait de quitter, se transformant en une vieille bonne femme courbée, cassée, à la démarche trébuchante…

Puis, se faufilant hors de la masure, il se dirigea à travers champs vers le village d’Épinay, dont on apercevait le clocher à travers les arbres.

Et, tout en pressant le pas, il murmura, le regard voilé et la poitrine haletante :

— Jacques… Robert… mes enfants, mes pauvres petits enfants !

Vidocq

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