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LES MÊMES, SOEUR ALOYSE.

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L’ABBESSE, continuant

Sœur Aloyse, voici la compagne, la sœur préférée que vous aimez avec tendresse et qui est notre fille chérie. Votre voix lui sera plus douce que la mienne et je compte sur vos bonnes paroles pour dissiper les tentations qui pourraient s’élever en son cœur à cette heure suprême, Un silence.

— Vous l’aimez beaucoup, n’est-ce pas?

SOEUR ALOYSE, grave

Oui, ma mère.

L’ABBESSE

Je la confie à votre dilection. Vous veillerez et prierez avec elle, dans l’oratoire, jusqu’à l’avant-quart de minuit.

L’Abbesse remonte vers le soubassement de la chaire où se tient l’Archidiacre. Le prêtre parcourt, maintenant, des parchemins et des papiers, auprès d’une lampe que vient de poser, sur l’un des bras d’une stalle, sœur Laudation.

SOEUR ALOYSE, à part, s’approchant de Sara

Mon Dieu! Joignant les mains sur l’épaule de Sara, et d’une voix très basse, presque indistincte: Sara, souviens-toi de nos roses, dans l’allée des sépultures! Tu m’es apparue comme une sœur inespérée. Après Dieu, c’est toi. Si tu veux que je meure, je mourrai. Rappelle-toi mon front appuyé sur tes mains pâles, le soir, au tomber du soleil. Je suis inconsolable de t’avoir vue. Hélas! tu es la bien-aimée!... J’ai la mélancolie de toi. Je n’ai de force que vers toi. Un silence. Cède; deviens comme nous, sous un voile! Partage l’épreuve d’un instant. Tu sais bien que nous ne pouvons pas vivre! — Si vite nous serions ensemble, au même Ciel, avec une seule âme!... Sara, vois le ciel étoilé au fond de mes yeux: — là, s’éloignent des cieux toujours étoilés! — Laisse-toi venir! Je veux te parer moi-même comme une fiancée divine, une épouse ineffable, un être céleste. La douleur m’a rendue charmante et tu ne me repousseras plus avec tristesse, si tu me regardes. Quelles paroles trouver pour te fléchir? Sara, Sara!

Taciturne, Sara décroise les bras: son front s’incline sur celui de la novice. Celle-ci lui prend la main. Toutes deux traversent le sanctuaire.

D’une voix oppressée, plus basse encore et soudaine: Oh! n’appuie pas ton front!... mes genoux chancellent!

Sara s’est redressée et, soutenant, d’une main, sœur Aloyse devenue blanche comme son voile, toutes deux sortent, lentement, par l’abside latérale.

L’ABBESSE, debout, adossée à un pilier, pensive et les suivant des yeux

C’en est fait! l’enfant éprouve déjà les ravissements et les enivrances de l’Enfer! Séduction des anges de ténèbres! L’excessive, la dangereuse beauté de Sara trouble et inquiète de son scandale ce cœur élu. Réfléchissant: Sœur Aloyse lui coupera les cheveux cette nuit; elle restera sans voile, et ainsi dénudée, jusqu’à l’Épiphanie.

L’ARCHIDIACRE, venant vers elle

Ma sœur, voici les titres patrimoniaux de Sara de Maupers et les actes qui la concernent; ils vont devenir la propriété du couvent; les richesses qu’ils représentent suppléeront à la modicité de notre mense; recevez-les; vous les enverrez demain à l’économat.

Axël

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