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MÉMOIRES DE NAPOLÉON
§ II

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Les fatigues de la traversée et les effets de la transition d'un climat sec à une température humide, décidérent Napoléon à s'arrêter six heures à Aix. Tous les habitants de la ville et des villages voisins accouraient en foule et témoignaient le bonheur qu'ils éprouvaient de le revoir. Partout la joie était extrême: ceux qui des campagnes n'avaient pas le temps d'arriver sur la route sonnaient les cloches, et plaçaient des drapeaux sur les clochers. La nuit, ils les couvraient de feux. Ce n'était pas un citoyen qui rentrait dans sa patrie, ce n'était pas un général qui revenait d'une armée victorieuse; c'était déja un souverain qui retournait dans ses états. L'enthousiasme d'Avignon, Montélimar, Valence, Vienne, ne fut surpassé que par les élans de Lyon.

Cette ville, où Napoléon séjourna douze heures, fut dans un délire universel. De tout temps les Lyonnais ont montré une grande affection à Napoléon, soit que cela tienne à cette générosité de caractère, qui est propre aux Lyonnais; soit que Lyon se considérant comme la métropole du Midi, tout ce qui était relatif à la sûreté des frontières du côté de l'Italie, touchât vivement ses habitants; soit enfin que cette ville, composée en grande partie de Bourguignons et de Dauphinois, partageât les sentiments plus fortement existants dans ces deux provinces. Toutes les imaginations étaient encore exaltées par la nouvelle qui circulait depuis huit jours de la bataille d'Aboukir et des brillants succès des Français en Égypte, qui contrastaient tant avec les défaites de nos armées d'Allemagne et d'Italie. De toute part le peuple semblait dire: «Nous sommes nombreux, nous sommes braves, et cependant nous sommes vaincus: il nous manque un chef pour nous diriger; il arrive, nos jours de gloire vont revenir»!

Cependant la nouvelle du retour de Napoléon était parvenue à Paris: on l'annonça sur tous les théâtres; elle produisit une sensation extrême, une ivresse générale. Les membres du directoire la durent partager. Quelques membres de la société du manège en pâlirent; mais, ainsi que les partisans de l'étranger, ils dissimulèrent et se livrèrent au torrent de la joie générale. Baudin, député des Ardennes, homme de bien, vivement tourmenté de la fâcheuse direction qu'avaient prise les affaires de la république, mourut de joie en apprenant le retour de Napoléon.

Napoléon avait déja passé Lyon, lorsque son débarquement fut annoncé à Paris. Par une précaution bien convenable à sa situation, il avait indiqué à ses courriers une route différente de celle qu'il prit; de sorte que sa femme, sa famille, ses amis, se trompèrent en voulant aller à sa rencontre: ce qui retarda de plusieurs jours le moment où il put les revoir. Arrivé ainsi à Paris, tout-à-fait inattendu, il était dans sa maison, rue Chantereine, qu'on ignorait encore son arrivée dans la capitale. Deux heures après il se présenta au directoire: reconnu par des soldats de garde, des cris d'allégresse l'annoncèrent. Chacun des membres du directoire semblait partager la joie publique; il n'eut qu'à se louer de l'accueil qu'il reçut.

La nature des évènements passés l'instruisait de la situation de la France, et les renseignements qu'il s'était procurés sur la route, l'avaient mis au fait de tout. Sa résolution était prise. Ce qu'il n'avait pas voulu tenter à son retour d'Italie, il était déterminé à le faire aujourd'hui. Son mépris pour le gouvernement du directoire et pour les meneurs des conseils était extrême.

Résolu de s'emparer de l'autorité, de rendre à la France ses jours de gloire, en donnant une direction forte aux affaires publiques: c'était pour l'exécution de ce projet qu'il était parti d'Égypte; et tout ce qu'il venait de voir dans l'intérieur de la France avait accru ce sentiment et fortifié sa résolution.

Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 1

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