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EXPLICATIONS

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Il est inutile de chercher les origines de l’argot, car tous les auteurs qui ont essayé de les découvrir sont en parfait désaccord.

D’ailleurs, où commence l’argot, où finit-il?

Chaque jour ce langage se forme, se déforme et se transforme.

Ce qu’il faut reconnaître et simplement constater, c’est qu’il est des plus anciens. Il existe depuis la création des associations de filous, de voleurs et de mendiants; ils avaient en effet besoin d’un langage conventionnel pour se comprendre entre eux, sans que le vulgaire non initié pût saisir le véritable sens de leurs conversations.

Le mot Argot dérive-t-il du grec Argos, d’Argus emblème de la vigilance; de la vieille expression Narquot (mendiant), de Ragot, truand du XVIe siècle, du mot Argu, finesse, etc., etc?

Cela importe peu. Ce qu’il faut considérer c’est que l’usage de l’argot est passé dans nos mœurs, dans toutes les classes de la société; on en retrouve des expressions dans la langue courante.

Nous avons l’argot des voleurs, des souteneurs, des filles de la rue et du demi-monde, des ateliers, des bouchers, des coulisses, du peuple, des troupiers, des bohêmes, des gens de lettres, des saltimbanques, des joueurs, des boursiers, des typographes, des bourgeois, des musiciens, des mendiants, etc., etc.

Si les expressions employées dans ces divers milieux diffèrent sensiblement comme étymologie et comme sens, tout en signifiant la même chose, c’est que cette langue est très riche; elle est si riche que pour exprimer le mot tête, par exemple, il existe plus de vingt vocables: Trogne, caboche, bobine, fiole, caillou, bouillotte, cafetière, couache, poire, hure, sorbonne, olive, nord, baptême, trompette, globe, binette, cabéche, etc., etc.

L’étude de l’argot a tenté de grands écrivains, mais ils n’ont pu réussir à pénétrer dans les profondeurs de ce mystérieux langage.

Vidocq, le célèbre voleur, fut, dans notre siècle, le premier initiateur populaire de l’argot; il était placé pour cela, il avait vécu dans le monde des prisons, au bagne, à la Force, et pendant qu’il fut chef de la sûreté, il vit défiler devant lui tous les chefs de bandes célèbres.

Après lui sont venus MM. Alfred Delvau, Jean Rigaud et Loredan Larchey.

Je ne parle pas des auteurs qui n’ont fait qu’emprunter les expressions de nos devanciers, en commettant de grossières erreurs sur le sens et la valeur des mots, erreurs qui prouvent qu’ils n’ont rien pris sur le vif, et qu’ils se sont contentés d’employer les mots tels qu’ils les avaient entendus.

Ainsi, l’un d’eux dit cadelle pour cadenne (chaîne); brouter (manger), pour prouter (colère). C’est à l’infini.

Au XVIe siècle, l’argot avait pris une telle extension que l’on songea à modifier ce langage et à l’unifier. Ce travail fut confié aux archi-suppôts, titre que prenaient les cagoux, principaux officiers du roi des Truands.

Voici ce que dit à ce sujet Ollivier Chereau:

«... En un mot, ce sont les plus scavants, les plus habiles marpauts de toutime l’argot, qui sont des escoliers desbauchez et quelques ratichons de ces coureurs qui enseignent le jargon à rouscailler bigorne qui ostent, retranchent, réforment l’argot, ainsi qu’ils veulent, et ont ainsi une puissance de trucher sur le toutime sans ficher floutière

La méthode suivie par mes devanciers a ceci de particulier: c’est qu’ils se sont évertués à attribuer à telles ou telles personnalités la paternité des expressions nouvelles. Cela n’est pas juste, car l’argot ne s’étudie pas dans les livres, il s’étudie dans les rues, dans les ateliers, dans les bouges, en un mot dans tous les mondes où il est la langue usuelle.

C’est le peuple qui est le véritable créateur de la langue verte, c’est lui qui trouve chaque jour des mots nouveaux pour exprimer sa pensée; ce qu’il recherche avant tout, c’est la figure qui frappe, l’image qui détermine l’objet ou la chose qu’il veut désigner, voilà la raison pour laquelle l’argot est si pittoresque, ne repose sur aucune règle fixe et n’appartient à personne parce qu’il appartient à tous, à la masse.

Dans un atelier, deux ouvriers causent, l’un dit à l’autre:

—Tu ne finiras pas ton travail?

L’autre lui répond:

—Non, c’est que je tousse.

L’apprenti qui a entendu dans les faubourgs dire d’un homme qui pète: «Il est enrhumé» transforme l’expression; au lieu de dire: c’est que je tousse, il dit: c’est que je pète.

Les deux expressions restent, la dernière complète la première, et toutes deux sont dans la circulation pour exprimer la même pensée.

À qui appartiennent-elles? à tout le monde.

Qu’importe au peuple que les étymologistes se torturent la cervelle pour prouver que gogo vient de gaudium et baragouiner du Bas-Breton?

Pour lui gogo est un imbécile, voilà tout.

Dans ce Dictionnaire d’Argot j’ai procédé d’une toute autre manière que mes prédécesseurs; je ne cite personne, parce que, je le répète, c’est le peuple qui est l’auteur de tous les mots d’argot en usage.

Depuis dix ans que je travaille à ce Dictionnaire, j’en ai étudié les expressions sur le vif, dans les prisons, dans les ateliers, dans les bas-fonds, dans le monde des filles de la rue et des filles de la haute, et ailleurs; j’ai acquis la certitude qu’attribuer à quelqu’un telles ou telles expressions c’est contraire à la vérité. Je me contente d’indiquer à la suite de chaque mot à quel argot il est emprunté et dans quel milieu il est en usage.

Certainement, j’ai employé des expressions brutales, grossières, mais je n’en suis pas cause; pour être un photographe fidèle; je ne devais pas tourner autour du pot, je ne devais pas hésiter à soulever le couvercle.

C’est ce que j’ai fait.

Le parfum du fricot ne sera peut-être pas du goût de tout le monde, je le regrette; il y en a qui aiment l’odeur de la peau d’Espagne et d’autres qui lui préfèrent celle du vidangeur.

Toutes deux sont aussi bonnes l’une que l’autre, la peau d’Espagne a fait la fortune du parfumeur, et la merde celle du vidangeur.

D’ailleurs, une expression n’est grossière que lorsqu’elle est voulue; quand elle employée pour déterminer un objet, un fait, un individu elle perd sa grossièreté pour passer à l’état d’image, et dans cinquante ans ce qui paraît brutal aujourd’hui paraîtra sûrement anodin.

Si, à l’époque où l’on poursuivait Madame Bovary on nous avait dit qu’en 1894, l’Académie française accorderait quatorze voix à l’auteur de Germinal, de Nana et de l’Assommoir, on aurait conspué l’audacieux prophète.

A tout il faut s’attendre pour ne s’étonner de rien.

Je remercie mes collaborateurs du concours qu’ils ont bien voulu me prêter pour accomplir ce travail; pour être conséquent avec mon système, je n’en nomme aucun, car il en est qui ne voudraient pas voir figurer leurs noms à côté de ceux de Gamahut, d’Abadie et d’autres célèbres voleurs et assassins qui ont été pour moi des lexicographes.

Ch. Virmaitre.

NOUVEAU

Dictionnaire d’Argot

SIGNES ABRÉVIATIFS

Les noms suivis des initiales L L donnent les explications de M. Lorédan Larchey; A D celles de M. Alfred Delvau.

Les erreurs des autres auteurs cités par ces messieurs ne valant pas la peine d’être relevées, je les passe sous silence.

Toutes les expressions nouvelles, ou celles à qui j’ai restitué leur véritable sens sont suivies de la lettre N.

Dictionnaire d'argot fin-de-siècle

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