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L’art de la guerre et l’art de la cavalerie se doivent réciproquement de grands avantages. Le premier a fait connaître de quelle nécessité il est de savoir manier sûrement un cheval, et cette connaissance a engagé à établir des principes pour y parvenir; de là est venu l’établissement des académies, que les grands princes se sont fait un honneur de protéger. Ces principes, mis en pratique, ont contribué à la justesse de certains mouvemens qui se font dans les armées: il ne sera pas difficile de se l’imaginer, en considérant que chaque air de manége conduit à une évolution de cavalerie.

Le passage, par exemple, rend noble et relevée l’action d’un cheval qui est à la tête d’une troupe. En dressant un cheval à aller de côté, on lui apprend à se ranger sur l’un ou sur l’autre talon, soit à la tête ou dans le milieu de l’escadron, quand il en faut serrer les rangs, et dans quelque occasion que ce soit.

Par le moyen des voltes, on gagne la croupe de son ennemi, et on l’entoure diligemment. Les passades servent à aller à sa rencontre et à revenir promptement sur lui.

Les pirouettes et les demi-pirouettes donnent la facilité de se retourner avec plus de vitesse dans un combat; et si les airs relevés n’ont pas un avantage de cette nature, ils ont du moins celui de donner à un cheval la légèreté dont il a besoin pour franchir les haies et les fossés; ce qui contribue à la sûreté et à la conservation de celui qui le monte. Enfin, il est constant que le succès de la plupart des actions militaires est dû à l’uniformité des mouvemens d’une troupe, laquelle uniformité ne vient que d’une bonne instruction; et qu’au contraire le désordre qui se met souvent dans un escadron, est causé ordinairement par des chevaux mal dressés et mal conduits.

De pareilles réflexions ne suffisent-elles pas pour détruire quelques critiques mal fondées de ce que l’on enseigne dans nos écoles?

Le rapport qui se trouve entre ces deux arts a donc fait naître l’émulation parmi la noblesse, pour acquérir de la capacité dans l’art de monter à cheval, afin de servir son prince et sa patrie avec plus de fruit. C’est par un motif si glorieux que les anciens écuyers se sont efforcés de donner au public le moyen de dresser des chevaux propres pour la guerre, et c’est en marchant sur leurs traces que nous allons tâcher de faire connaître ce qu’il est nécessaire de savoir sur ce sujet.

Il y a deux choses à observer dans un cheval de guerre: ses propres qualités, et les règles que l’on doit mettre en usage pour le dresser.

Un cheval destiné pour la guerre doit être de médiocre stature, c’est-à-dire de quatre pieds neuf à dix pouces de hauteur, qui est celle qu’on demande en France dans presque tous les corps de cavalerie. Il faut qu’il ait la bouche bonne, la tête assurée, et qu’il soit léger à la main. Ceux qui cherchent dans un cheval de guerre un appui à pleine main se trompent, parce que la lassitude le fait peser et appuyer sur son mors. Il doit être de bonne nature, sage, fidèle, hardi, nerveux, d’une force pourtant qui ne soit pas incommode au cavalier, mais liante et souple; il faut qu’il ait l’éperon fin et les hanches bonnes, pour pouvoir partir et repartir vivement, et être ferme et aisé à l’arrêt; il ne doit être aucunement vicieux ni ombrageux; car quand même il aurait d’ailleurs assez de force et qu’on l’aurait rendu obéissant, il arrive souvent qu’après quelques jours de repos, ou par la faute de quelque mauvaise main, il retombe dans son vice. Comme il faut toujours être en garde envers ces sortes de chevaux, ils ne sont bons qu’à être confinés dans un manége; car ce serait trop que d’avoir son ennemi à combattre et son cheval à corriger. Le vice le plus dangereux que puisse avoir un cheval de guerre, est celui de mordre, et de se jeter sur les autres chevaux, parce que, dans un combat où il est animé, on ne peut lui ôter ce défaut.

Lorsque l’on trouvera dans un cheval toutes les bonnes qualités que nous venons de décrire, il sera aisé à un cavalier de le dresser au manége de guerre, en suivant les règles que nous avons données, lorsqu’elles regardent la souplesse et l’obéissance, afin de le rendre prompt à obéir à la main et aux jambes; ce qu’il fera facilement, si, après avoir été assoupli au trot, on l’a confirmé ensuite dans la leçon de l’épaule en dedans et celle de la croupe au mur; si on lui a appris à tourner diligemment sur les voltes de combat, c’est-à-dire sur un cercle, la demi-épaule en dedans; si on l’a rendu obéissant au partir de la ligne droite, à celui des passades, et facile et aisé à se rassembler aux deux extrémités de la même ligne, pour former la demi-volte à chaque main; si on l’a rendu prompt et agile à bien exécuter une pirouette et une demi-pirouette. Voilà essentiellement ce qu’un cheval de guerre doit savoir pour ce qui regarde la souplesse et l’obéissance; mais une autre chose absolument nécessaire, c’est de l’aguerrir au bruit des armes, en l’accoutumant au feu, à la fumée et à l’odeur de la poudre, au bruit des tambours et des trompettes, et aux mouvemens des armes blanches. Il y a de très-braves chevaux qui tremblent de frayeur à la vue d’un ou de plusieurs de ces objets, et quoiqu’ils aient les barres sensibles et la bouche bonne, ils perdent tout sentiment de la bride, des éperons, et de toute autre aide, aussi bien que des châtimens; ils s’abandonnent à d’étranges caprices pour fuir l’objet de leur appréhension; il faut même tenir toujours ces chevaux en exercice, lorsqu’ils sont dressés, car le repos leur fait prendre de nouvelles alarmes; ce qui prouve que l’art le plus subtil ne peut tout-à-fait effacer ni vaincre les vices naturels.

M. de la Broue dit que le remède le plus prompt et le plus sur pour accoutumer en peu de temps un cheval au bruit des armes à feu, et des autres rumeurs guerrières, c’est de tirer un coup de pistolet dans l’écurie, et de faire battre la caisse une fois le jour, positivement dans le temps qu’on va leur donner l’avoine, et que peu de temps après, ils se réjouiront à ce bruit, comme ils faisaient auparavant au son du crible.

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