Читать книгу Poésies de Daniel Lesueur - Daniel Lesueur - Страница 4

FANTÔMES DIVINS

Оглавление

Table des matières

A l'heure où votre ciel croule,

O dieux des siècles passés!

Quand le monde rit et foule

Tous vos trônes renversés,

Je m'attendris et je songe

Que votre subtil mensonge

De l'Idéal qui nous ronge

Est le radieux flambeau.

Tous nos rêves dans votre ombre

Ont flotté, formes sans nombre,

Et votre gloire qui sombre

Met notre espoir au tombeau.

Heureux ceux que notre sphère,

En ses horizons étroits,

Peut désormais satisfaire,

Sous les cieux vides et froids!

Heureux ceux dont la pensée,

Parfois déçue et lassée,

Vers la chimère effacée

Ne se retourne jamais,

Et dont le rêve impassible,

Restreint au monde sensible,

Ne poursuit pas l'impossible

Jusqu'aux plus lointains sommets!

Pour moi, dans la vieille Égypte,

Je m'égare sans remords

Au sein de la sombre crypte

Où vivent toujours ses morts.

J'aime à croire qu'endormie

Dans l'étroite tombe amie,

La somptueuse momie

Songe encore aux jours anciens,

Et qu'en sa fixe prunelle,

Durant la vie éternelle,

Luit la vision charnelle

Des bonheurs qui furent siens.

Ou bien, sur les bords du Gange,

Dans un lumineux décor,

Je contemple un monde étrange

Et j'ai des ailes encor.

Parmi les temps insondables,

Mes destins inévitables

Par des nombres formidables

Comptent les ans révolus,

Car les siècles par centaines

Font les âmes incertaines

Dignes de boire aux fontaines

Où s'enivrent les élus.

Sous l'arbre au feuillage antique,

Je m'assieds avec Bouddha,

Épris du songe mystique

Dont la beauté l'obséda.

Là, sa douce âme pensive

Vit s'approcher, agressive,

La tentation lascive

Des corps éclatants et nus;

Ferme, il poursuivit sa voie,

Car l'éclair de notre joie

Est dérisoire et se noie

En des gouffres inconnus.

Parfois, dans la steppe aride

De l'Iran sec et poudreux,

Sur le désert, qui se ride

Vers l'horizon vaporeux,

Je distingue dans la brume,

Parmi l'air qui se parfume,

Une simple pierre où fume

Et flambe quelque tison:

De l'Arya des vieux âges,

Suivant ses pieux usages,

C'est là l'autel où ses sages

Murmurent leur oraison.

Des hauts remparts de Carthage,

Où la terre aux flots s'unit,

J'adore, un soir, sans partage,

Le front si pur de Tanit.

Dominant la mer tranquille,

Elle sourit, immobile,

Et sa puissance subtile

Enchante et dissout le cœur;

Ou bien son fin croissant grêle,

Effleurant quelque tourelle,

Semble, fantastique et frêle,

Un hiéroglyphe moqueur.

Et devant quelque humble toile

D'un vieux maître florentin,

Où les mages voient l'étoile

Qui blanchit dans le matin,

Je nais aux siècles gothiques,

Pour chanter de doux cantiques,

Sous les merveilleux portiques

Tout embrumés par l'encens,

Et pour baiser avec joie,

Sous le vitrail qui flamboie,

De Jésus, dont le front ploie,

Les membres éblouissants.

Non, je ne puis vous maudire,

Vous, nos charmeurs, vous, les dieux!

En vain le jour se retire

De votre ciel radieux,

De vous en vain mon cœur doute...

Pour éclairer notre route

Ce Demain, que je redoute,

Qu'a-t-il de meilleur que vous?

Dans notre existence brève,

Vaut-il mieux marcher sans trêve,

Ou s'enchanter d'un grand rêve,

Les mains jointes, à genoux?

Poésies de Daniel Lesueur

Подняться наверх