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DEUXIÈME PARTIE.

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Table des matières

LES CURÉS QUI ONT ADMINISTRÉ LA PAROISSE DEPUIS LE. SEIZIÈME SIÈCLE JUSQU’A NOUS INCLUSIVEMENT.

Il nous a semblé qu’il ne nous suffisait pas de porter des regards curieux dans l’intérieur de nos temples, d’en décrire la merveilleuse architecture, d’en faire admirer les tableaux qui les décorent, les statues dont elles sont embellies: qu’importent tous ces monuments, s’ils ne sont que des hommages stériles pour la religion, si leur aspect ne rappelle pas quelque souvenir plus religieux encore! La plus douce pensée pour le catholique témoin des richesses de nos églises, des splendeurs du culte, c’est de savoir que ces magnificences sont le fruit de la piété des fidèles; que ces pompes de la religion, et les soins qu’entraînent ces cérémonies imposantes, ne détournent point un pasteur vigilant et actif de sa sublime mais si impérieuse mission de bien gouverner les âmes qui lui sont confiées. Nous tâcherons donc de décrire le caractère religieux de la paroisse, après que nous aurons, dans un tableau rapide, reproduit les principaux traits des prêtres si éminents en piété et en vertus qui l’ont successivement administrée.

Dans cette longue série des vénérables curés qui, depuis l’origine, ont desservi Saint-Sulpice, tous ne peuvent pas revendiquer la même place dans l’histoire; il en est plusieurs dont le nom seul nous est parvenu; le temps, qui détruit tout, a enseveli dans l’ombre le souvenir de leurs actions; prêtres simples et modestes, zélés pour le salut de leurs paroissiens, ils ont sans doute passé sur cette terre en répandant les bienfaits et les miséricordes; ainsi leur mémoire, conservée dans le cœur des malheureux, sera descendue avec ceux-ci dans la tombe, et leur vie n’est connue que du ciel.

Les premiers curés de Saint - Sulpice étaient des prêtres envoyés par l’abbaye de Saint-Germain, qui avait, comme nous l’avons dit plus haut, le patronage de cette église; ils reçurent et conservèrent le nom de curés primitifs; mais leur histoire est restée dans l’oubli, et nous sommes obligés de redescendre jusqu’au dix-septième siècle où nous trouvons un nom mieux connu et très-vénéré : nous voulons parler ici de l’illustre fondateur de l’apostolique et vénérable compagnie de Saint-Sulpice, M. Jean-Jacques Olier.

Olier (Jean-Jacques) naquit à Paris le 20 septembre 1608. Après avoir suivi les cours de la Sorbonne, et pris le grade de bachelier en théologie, il s’associa aux jeunes ecclésiastiques que saint Vincent de Paul dirigeait. Ordonné prêtre en 1633, il porta toute sa sollicitude sur l’abbaye de Bebrac, et le canonicat de Brioude, dont on l’avait pourvu de bonne heure. On le vit établir des missions dans l’étendue de son abbaye, parcourir lui-même en missionnaire l’Auvergne et le Velay, et refuser la coadjutorerie de l’évêché de Châlons-sur-Marne, pour continuer ses travaux apostoliques. Sans doute M. Olier avait déjà ses vues, ses plans étaient arrêtés, et l’éclat de la mitre ne pouvait séduire celui que la Providence destinait, sous le titre plus modeste de curé, à réaliser des projets dignes d’un évêque. En effet, il fut appelé à la cure de Saint-Sulpice: c’était en 1641. Cinq ans après, grâce au zèle et à l’activité de M. Olier, Anne d’Autriche posa la. première pierre du magnifique monument que nous admirons aujourd’hui. Saint-Sulpice s’élevait, et pendant ce temps l’infatigable prêtre obtenait des patentes pour autoriser l’établissement de son séminaire, et il en faisait jeter les fondements.

La vie de M. Olier fut courte, mais bien remplie, et c’est tout un magnifique éloge que de dire qu’il fut l’ami de saint Vincent de Paul, qui. l’assista dans ses derniers moments, et le conseil du grand Bossuet, qui, dans un de ses ouvrages, l’appelle Virum prœstantissimum, ac sanctitatis odore florentem. Plus tard, en 1730, l’assemblée du clergé de France, dans une lettre adressée au pape Clément XII, le qualifia de Eximium sacerdotem, insigne cleri nostri decus . Trois ans avant sa mort, c’est-à-dire, en 1652, M. Olier s’était démis de sa cure en faveur de M. Le Ragois de Bretonvilliers, fils d’un président au parlement de Paris. Ce nouveau. curé avait eu le bonheur de se. former à sa sublime mission sous les yeux de son vénérable prédécesseur, qui l’associait à toutes ses grandes œuvres. M. Le Ragois de Bretonvilliers fut le second et dernier curé qui réunit la direction du séminaire et celle de la paroisse de Saint-Sulpice. Après lui, deux associations se formèrent: l’une, toujours célèbre, sous le nom de Congrégation de Saint-Sulpice, fut chargée du séminaire; l’autre, appelée la Communauté des prêtres de la paroisse, eut le gouvernement de l’église.

Ce fut vers l’an 1667 que fut établie cette nouvelle organisation. M. Roguier de Poussé avait alors succédé à M. Le Ragois de Bretonvilliers. Nous connaissons peu son histoire; tout ce que nous en savons, c’est que le parlement intervint pendant son administration pour apaiser quelques difficultés qui s’étaient élevées au sujet de la reddition du pain bénit et de la quête alternative pour les pauvres; sur le refus fait dans quelques maisons, il fut ordonné, par arrêt du parlement du 12-avril 1753, que chaque maison rendrait le pain bénit à son tour, lorsqu’on en serait averti par la présentation du chanteau, sous peine d’y être contraint; et de même sous l’autre chef.

M. Roguier de Poussé avait administré la paroisse de Saint-Sulpice pendant huit années, lorsque la mort vint le surprendre ; il laissa la cure aux soins de M. de la Barmondière, l’un des prêtres chargés de desservir la paroisse. Ses grandes vertus, un profond savoir, une haute piété, le désignaient depuis longtemps pour cette importante place. La paroisse de Saint-Sulpice lui doit le premier établissement des frères de la doctrine chrétienne, de l’institut du bienheureux de la Salle. Mais son grand âge, ses infirmités, la faiblesse de sa constitution, trahissaient son zèle; il choisit, en 1690, pour le remplacer, le collaborateur si actif et si pieux qui jusque-là l’avait si puissamment aidé à supporter le pesant fardeau de son impérieuse mission. M. Baudran continua donc, sous les yeux même de M. de la Barmondière, les œuvres admirables que ce dernier avait fondées dans sa paroisse pour l’instruction des enfants pauvres et le soulagement des malheureux: des notes que nous avons sous les yeux nous donnent une idée à la fois de la fermeté de caractère de M. Baudran, et du sage tempérament, des douces mesures qui l’accompagnaient dans l’exécution de ses projets; il favorisa de toute son énergie M. de la Salle dans l’établissement d’un noviciat de son institut à Vaugirard. Une disette affreuse régnait dans Paris pendant le temps qu’il administrait la paroisse de Saint-Sulpice. Ce curé ,. animé «d’une activité et d’une charité sans bornes, eut soin que les pauvres ne manquassent pas de pain.

M. Baudran eut pour successeur M. de la Chetardie (Joachim-Brotti), savant bachelier, qui, avant d’arriver à la cure de Saint-Sulpice, en 1696, avait été supérieur des séminaires sulpiciens du Puy-en-Velay et de Bourges, et prieur de Saint-Cosme-les-Tours. Ce fut ce prieuré que M. de la Chetardie permuta pour la cure de Saint-Sulpice . Il fut nommé, en 1702, à l’évêché de Poitiers ; mais son humilité s’effraya du fardeau sacré de l’épiscopat: il refusa, et mourut à Paris en odeur de vertu, le 1er juillet 1714. Quoique ce remarquable curé se soit appliqué constamment avec zèle aux soins du gouvernement spirituel d’une des plus fortes paroisses de la France (Saint-Sulpice), il trouva le temps de composer plusieurs ouvrages utiles. Écrivain distingué, orateur éloquent, on admirait toujours la méthode et l’érudition, l’onction et la solidité qui brillaient dans tous ses discours. Son successeur est célèbre: c’était le pieux et zélé Languet de Gergy (Jean-Baptiste-Joseph). Celui-ci naquit en 1675, à Dijon, où son père était procureur général au parlement. De bonne heure il prit le bonnet de docteur en Sorbonne; et, lorsque la mort de M. de la Chetardie vint le mettre à la tète de la cure de Saint-Sulpice, il faisait déjà partie de la communauté des prêtres de cette paroisse; le bien qu’il y fit est incalculable. Doué d’une activité rare, il l’employa tout entière au salut des âmes qui lui étaient confiées, à l’achèvement et à l’embellissement de son église. Des embarras de finance, causés par l’incurie ou la maladresse de la précédente administration, en avaient déjà depuis longtemps arrêté les travaux; cependant, quatre ans après son arrivée, il forma le projet de mener à fin cette grande entreprise. Il ne possédait que 300 fr., qui lui avaient été laissés par une personne pieuse. Cet habile curé employa cet argent à acheter quelques pierres de taille, qu’il fit étaler dans les rues, et qu’il annonça publiquement être destinées à la construction de son église. Cet appareil produisit son effet; la piété des fidèles fut émue; les prières et les exhortations du zélé pasteur firent le reste: toutes les bourses furent ouvertes, et les ressources pour l’achèvement de son église ne manquèrent plus. Si M. Languet de Gergy n’eût bâti que son église, le monde l’aurait peut-être accusé de n’avoir travaillé que pour lui; mais le zèle et l’activité qu’il déploya en faveur des. malheureux ne furent pas moins admirables. On prétend qu’il distribuait tous les ans un million aux pauvres, dont il était le père. Ce digne curé refusa plusieurs évêchés qui lui furent successivement offerts par Louis XV. En 1748, il résigna sa cure à M. Dulau-Dallemane, sans discontinuer cependant de faire le prône à Saint-Sulpice tous les dimanches, selon sa coutume, et de prendre soin de l’établissement de l’Enfant-Jésus , établissement qu’il avait fondé en 1732. Il mourut en 1750, le 11 octobre, âgé de soixante et quinze ans.

M. Dulau-Dallemane, à qui M. Languet de-Gergy résigna sa cure en 1748, et M. de Tersac (Jean-Joseph Say) , qui prit l’administration de la paroisse de Saint-Sulpice après lui, ne signalèrent ni l’un ni l’autre leur passage par de grandes entreprises; mais leur charité ardente, leur zèle éclairé, leur acquirent l’estime et l’amour de leurs nombreux paroissiens; des notes que nous avons sous les yeux ne nous permettent pas d’avoir le moindre doute sur ce point. M. de Tersac se démit de sa charge en faveur de M. de Paucemont.

M. Antoine-Xavier Meynaud de Paucemont devint donc curé de Saint - Sulpice après M. de Tersac: c’était au commencement de ce rigoureux hiver de 1788 à 1789, qui augmenta si considérablement le nombre des pauvres et leurs besoins. Le nouveau curé se livra alors tout entier au soin de les soulager. La révolution ne tarda pas à venir donner à M. de Paucemont de nouveaux sujets de chagrin et d’inquiétude: il fut d’abord dénoncé à l’assemblée nationale pour avoir refusé la bénédiction nuptiale à Talma . Il avait fait éprouver le même refus à Camille Desmoulins, qui, par suite, lui promit de rétracter ses impiétés dans un des numéros de son journal; alors le curé le maria en présence de Robespierre, de Péthion et du général Montesquiou. On voulut, un jour, le forcer à regagner la chaire, d’où il descendait, pour qu’il prononçât, du haut de la tribune sacrée, le serment de la constitution civile du clergé ; il s’y refusa, malgré les factieux attroupés qui cherchaient à l’intimider par ces cris: Le serment! à la lanterne! Forcé de quitter sa paroisse, on désigna pour le remplacer le P. Poiré de l’Oratoire, qui fut installé, mais qui ne fut pas reconnu par l’universalité des paroissiens. Aussi ne ferons-nous point figurer dans la liste des curés de Saint-Sulpice ce prêtre intrus, qui, un an après son installation, mourut d’un remords rentré. Un nommé Mahieu , son digne vicaire, fut élu à sa place, et administra frauduleusement la paroisse, avec des prêtres à peu près comme lui, pendant près de quatre ans; car ce ne fut qu’en 1803 que le véritable successeur de M. de Paucemont, M. de Pierre, fut installé dans le gouvernement de la paroisse de Saint-Sulpice.

Nous aurons occasion de dire plus bas le bien que M. de Pierre opéra dans la paroisse Saint-Sulpice, lorsque, après la révolution et la démission de l’intrus Mahieu, il fut appelé à la présider. M. Colin, six mois après la mort de M. de Pierre, fut appelé à lui succéder.

CARACTÈRE DE LA PIÉTÉ DE LA PAROISSE.

Une chose frappe l’homme attentif qui observe Saint-Sulpice: c’est l’uniformité de vues qui parait en diriger l’administration; c’est la facilité qu’y présente le maniement des affaires; le gouvernement de cette grande paroisse marche sans entraves, sans secousses, sans tiraillements: vous diriez un vaisseau qui vogue à pleines voiles, poussé par des vents favorables. Sans prétendre indiquer très-exactement les causes de cette heureuse situation, nous croyons qu’elle est surtout la conséquence de deux faits principaux: nous trouvons le premier dans cette longue série de pasteurs qui se sont succédé depuis M. Olier jusqu’à nos jours; le vénérable fondateur de la compagnie de Saint-Sulpice avait posé les règles d’une prudente et sage administration; il avait organisé une direction toute paternelle de sa paroisse; ses successeurs ont marché sur ses pas. Or, l’on sent combien il importe au bien-être d’une administration de n’avoir jamais que des chefs qui travaillent dans une même pensée et d’après le même plan. Aussi Saint-Sulpice n’a-t-il jamais ressenti ces secousses qu’entraînent nécessairement à leur passage les hommes avides de nouveautés, et qui, délaissant les sentiers battus, quoique souvent les meilleurs, veulent à tout prix se signaler par des innovations; esprits songe-creux, hommes très-souvent au cerveau brûlé. Un seul instant cette paroisse a vu sa prospérité compromise: ça été à l’époque de la révolution de 93, alors que Dieu était chassé de ses temples, que sur l’autel du Saint des Saints s’élevait la statue de la déesse de la Raison, ou bien qu’un misérable, endimanché, un bouquet à la main, proclamait devant un peuple en délire l’existence d’un Être suprême, et faisait ainsi comme une grâce à Dieu de le reconnaître créateur, auteur et consommateur de toute chose. Mais la barque, battue quelque temps par l’orage, est bientôt rentrée au port sous les auspices de M. de Pierre, disciple et successeur de M. Olier. Dès lors donc l’administration de Saint-Sulpice continua à marcher comme auparavant, sous les pasteurs ses prédécesseurs, qu’on avait vus toujours tous animés du même zèle et d’une louable conformité de vues.

Le second fait est, selon nous, la piété des fidèles: et cette piété elle-même se trouve en partie l’ouvrage des curés de la paroisse; jamais elle ne s’est démentie; elle a été comme un héritage que transmettaient les pères à leurs enfants. On a vu combien les premiers fidèles de cette église eurent à cœur d’élever leur église; quelle sorte d’amour-propre, disons mieux de gloire, ils mirent à construire un monument digne de la grandeur de Dieu, et à bâtir des clochers qui dominassent tous ceux des autres paroisses, afin que les sons religieux de leurs cloches frappassent, pour ainsi dire, plus vite le ciel, et le rendit plus attentif à leurs prières. On a vu, dans des temps moins reculés, avec quel empressement ils répondirent aux invitations de M. Languet de Gergy, comme ils approuvaient ses pieuses inventions. Enfin, après la révolution, on a vu le même esprit de piété et de dévouement se rencontrer, et se soutenir dans les nombreux fidèles qui ont aidé le zèle de M. de Pierre pour la restauration de l’église. C’est ainsi qua toujours une harmonie parfaite de sentiment contribua, dans tous les temps, à entretenir l’esprit de ferveur et de religion dans cette paroisse. Le quartier Saint-Germain, dont Saint-Sulpice était la seule église paroissiale avant la révolution, se composait presque entièrement de cette ancienne noblesse qui avait eu le bonheur d’hériter de cet amour pour l’Évangile que possédaient nos pères. La plupart des familles qui en sont issues comptent dans leur sein quelques-uns de ces preux chevaliers qui répandaient leur sang pour la foi; et, dans des temps plus rapprochés de nous, elles ont vu leurs chefs abandonner le sol de la patrie, leur fortune, les honneurs, pour l’exil, l’obscurité sur la terre étrangère, alors que Dieu n’avait plus d’autels parmi nous, et que nos rois ne savaient où reposer leur tête. Aujourd’hui encore, les tribulations pèsent sur un grand nombre d’entre eux, et c’est au pied de la croix qu’ils vont chercher un asile, demander des espérances et des consolations.

En outre, on ne peut douter que la présence du séminaire n’ait une puissante influence sur la piété de la paroisse. Si la parole sacrée nous émeut, nous touche, son impression toutefois a toujours quelque chose de fugitif; tandis que la vertu mise en pratique, c’est un tableau qui ne s’efface jamais. Ces bons exemples valent les meilleurs sermons, et nulle part les fidiles ne trouvent d’aussi nombreux sujets d’édification que dans le séminaire de Saint-Sulpice. Ce n’est pas encore assez pour les séminaristes d’offrir des modèles de piété, plusieurs d’entre eux se mettent à l’œuvre, et apprennent, sous des maîtres habiles et expérimentés, l’art difficile de manier les âmes et de jeter parmi le peuple la semence divine. Ainsi ils instruisent les enfants sur la première science de l’homme, celle de connaître Dieu et de le servir; les catéchismes de Saint-Sulpice sont célèbres: on a vu des hommes d’un nom illustre y porter la parole. Nous ne citerons que M. de Frayssinous, dont les conférences attirèrent plus tard à Notre-Dame les jeunes gens de nos écoles et les coryphées de la littérature et de la philosophie modernes, et M. de Quélen, que la Providence destinait à gouverner l’Église de Paris, et à montrer à notre siècle d’admirables exemples de vertu, de fermeté, de dévouement .

Physionomie des paroisses de Paris : Saint Sulpice et Saint Roch

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