Читать книгу Galopeurs et trotteurs : Hygiène. Elevage. Alimentation. Entraînement. Maladies - Edmond Curot - Страница 53
DU SEVRAGE
ОглавлениеHygiène. — Epoque. — Différents modes. Influence sur la croissance et la morbidité.
Sevrer est l’action de faire cesser l’allaitement et de donner à l’animal une nourriture plus substantielle que le lait, et se rapprochant peu à peu des qualités des aliments ordinaires.
Le sevrage constitue une phase remplie de dangers et aussi critique que l’allaitement; il met en cause l’appareil digestif, si l’alimentation n’est pas convenablement choisie dans sa nature et soigneusement réglée en quantité. La façon dont se fait fréquemment le sevrage est si irrationnelle, qu’on se demande comment autant de jeunes animaux franchissent cette période délicate et ne succombent pas aux troubles de l’appareil digestif.
La précocité est la cause du sevrage; le lait, cet aliment si complet et si bien approprié aux organes et aux fonctions digestives du jeune sujet, devient plus tard insuffisant pour son développement, l’organisme ayant besoin d’une suralimentation protéique et minérale. En dehors du rendement lacté déficitaire, de l’altération des qualités du lait, une autre cause d’origine maternelle, la gestation, impose souvent le sevrage; cet état, en modifiant profondément, comme nous l’avons vu antérieurement, la sécrétion lactée, tant sous le rapport quantitatif que qualitatif, en marque le terme, qui doit être devancé de quelques mois.
Le régime du sevrage exerce une influence considérable sur l’avenir du sujet; avec l’allaitement, il constitue la dominante pathologique des affections du jeune âge. Sa direction exige donc une attention particulière de l’éleveur, il faut épier, pour ainsi dire, les efforts digestifs du jeune sujet, lui donner la nourriture en petite quantité à la fois et plus ou moins selon ses besoins. L’examen des excreta et le graphique de son poids constituent — comme dans la période de l’allaitement — le meilleur critérium de l’alimentation à cette période.
Il ne faut pas oublier que l’appareil digestif, dont le fonctionnement est réduit chez le nouveau-né, subit des modifications anatomiques et physiologiques à mesure que le jeune sujet avance en âge; la fibre musculaire se développe pour être en rapport avec les fonctions que l’intestin et l’estomac ont à remplir à cette période. La structure des organes digestifs, leur volume, l’état des sécrétions, principalement celle gastrique, se modifient profondément encore; les organes digestifs habitués à une nourriture légère, de facile digestion et si bien appropriée à leurs fonctions, ne pourraient supporter, dans l’immense majorité des cas, tout à coup et sans transition une alimentation solide, de digestion difficile, à laquelle ils ne sont pas préparés. Aussi les troubles graves de l’appareil digestif; diarrhée, gastro-entérite, etc., sont-ils la conséquence fatale d’un sevrage irrationnel.
L’hygiène du sevrage comprend:
L’époque du sevrage;
Le mode de sevrage;
La diététique spéciale à cette période.
Physiologiquement, la durée de la période de l’allaitement est sous la dépendance de la dentition du jeune sujet, et, tant que son appareil dentaire ne lui permettra pas d’utiliser avec profit les aliments solides, le régime lacté devra constituer la nourriture exclusive.
Epoque du sevrage. — Chez les équidés, les premières molaires permanentes n’apparaissent jamais avant l’âge de six mois, et souvent elles ne sont sorties qu’à huit ou dix mois. Jusqu’à ce moment, le sevrage doit être considéré comme prématuré, car les organes de la mastication ne permettent pas d’utiliser avec avantage l’alimentation végétale fibreuse.
Souvent, les éleveurs n’attendent pas les indications de la nature pour sevrer les poulains, et cette façon irrationnelle de procéder joue un rôle important dans la pathogénie des maladies de l’appareil digestif; ces troubles de la nutrition amènent fatalement un retard marqué dans la croissance..
D’après une opinion empirique, basée exclusivement sur un fait d’observation, l’allaitement devrait durer un temps égal à la moitié de celui de la gestation.
Lorsqu’il s’agit de sujets sur lesquels on fonde des espérances il n’y a que des avantages à prolonger l’allaitement; de cette façon, on évite de soumettre brusquement les jeunes à un régime qui les fatigue et retarde leur développement.
Les poulains chétifs ou convalescents seront soumis avec avantage à l’allaitement prolongé, car l’alimentation prématurée avec des aliments condensés pourrait leur être préjudiciable.
Le sevrage peut s’opérer de trois manières différentes: naturellement, progressivement et brusquement.
Sevrage naturel. — Il s’effectue lorsque le sujet, atteignant l’âge de six à huit mois, continue d’aller au pacage avec la mère, celle-ci, surtout si elle est redevenue pleine, finit par lui refuser la mamelle qui, du reste, ne contient plus qu’un peu de lait de mauvaise qualité. D’un autre côté, le jeune préfère au régime lacté celui de l’herbe, et se soucie peu de téter.
Dans la pratique, il est exceptionnel, sauf pour les sujets d’élite, qu’on attende aussi tard pour procéder à l’opération.
Sevrage progressif. — Le sevrage doit être progressif. Cette règle est d’autant plus impérieuse qu’il faut que l’appareil digestif se modifie pour passer de la nourriture animale et liquide aux substances végétales et solides. Il faut donc au sujet une période d’adaptation. Tout écart à cet axiome physiologique entraînerait fatalement, dans un délai plus ou moins éloigné, des troubles de l’appareil digestif et consécutivement un retard dans la croissance.
D’après ce système, le plus répandu dans l’élevage, dans la semaine qui précède le sevrage, on commence à isoler le poulain de manière à ne le laisser téter que trois fois par jour, puis deux, puis une fois seulement, et enfin on arrive à la séparation définitive au bout de la troisième ou quatrième semaine.
Ce procédé a l’avantage, la lactation diminuant de jour en jour, d’éviter chez la mère les engorgements laiteux des mamelles.
Sevrage brusque. — Puisque l’organisation même des jeunes ne se modifie que peu à peu, il en résulte que le sevrage doit être graduel, pour que l’alimentation soit toujours adéquate à l’organisme, il est incontestable que le passage brusque d’un allaitement régulier et actif à une suppression totale peut, malgré le régime et les soins préventifs, provoquer chez la mère des accidents, œdèmes, congestion, inflammation des mamelles.
Du côté du produit, les dangers du sevrage brusque sont bien plus manifestes, ils se traduisent par des troubles de la nutrition, entraînant un retard dans la précocité. Avec cette méthode, il ne faut pas s’étonner si, dix à douze mois après, des poulains, ont moins de valeur qu’au moment où on les a sevrés, s’ils sont souffreteux, misérables, ensellés, ventrus. On a perdu une année d’accroissement, période énorme sur la durée totale de la vie; et souvent on a détérioré à tout jamais leur organisme.
Le sevrage prématuré n’a pas seulement l’inconvénient de ralentir le développement dans la première jeunesse, si importante pour l’avenir du sujet; il altère la conformation, l’harmonie générale des formes. Ainsi que l’ont démontré avec précision les résultats des expériences de WILKENS, l’ingestion prématurée des aliments solides a pour effet de provoquer une amplification excessive de certaines parties de l’appareil digestif, qui ne sont point celles qui prennent précisément la plus forte part au processus de la digestion.
Au point de vue statural, le développement de la musculature et de l’ossature est arrêté, les poulains sont malingres, chétifs, présentent un poil long et terne, indice d’une nutrition défectueuse. Même dans la suite, soumis à une alimentation intensive, ils n’arrivent jamais à acquérir la vigueur, l’énergie, la taille de ceux qui ont bénéficié d’un sevrage rationnel.
Les effets du sevrage brusque, combinés à ceux du sevrage prématuré, sont encore plus néfastes et se traduisent, outre des troubles de l’appareil digestif, par un arrêt marqué de la croissance.
Le sevrage constitue une phase critique à passer et, bien souvent, même pratiqué judicieusement, il entraîne temporairement un léger retard dans la croissance; l’examen des graphiques pondéraux ne laisse aucun doute à ce sujet.
Le sevrage prématuré et le sevrage brusque produisent, seuls ou associés, des troubles profonds de la nutrition qui se répercutent à longue échéance; il n’est pas rare de voir, un an après cette période, des poulains dont la conformation défectueuse (poitrine plate, gros ventre, dos ensellé, musculature et ossature grêles, etc.) porte l’empreinte indélébile d’un sevrage irrationnel.
L’éleveur doit donc se conformer aux principes hygiéniques exposés s’il veut éviter, en même temps que la morbidité, les retards de croissance qui entravent ou compromettent à tout jamais l’avenir des sujets.