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V
Le Bac du Saut

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Table des matières

Dix ans se sont écoulés, et nous allons transporter le lecteur dans les montagnes du Jura, vers la fin d’une chaude journée de juillet.

Il devait y avoir, deux jours plus tard, dans la petite ville de Saint-Siméon, une foire célèbre, une vogue, comme on dit dans le pays, et, dès l’avant-veille, toutes les voies aboutissant à Saint-Siméon étaient couvertes de piétons, de cavaliers, de voitures et de bestiaux. Voyageurs et caravanes y arrivaient surtout par une route large et bien tenue, qui traversait l’Ain sur un pont de pierre; mais cette route, à raison de ses nombreux détours, allongeant d’une grosse lieue, beaucoup d’étrangers à pied préféraient aller passer la rivière dans un bac, installé en aval et qu’on appelait le bac du Saut.

On sait combien l’Ain est impétueux et, en cet endroit, il se trouve resserré entre deux énormes rochers qui augmentent encore sa rapidité. Pour résister à la force du courant, le bac glisse le long d’un câble, qui est amarré à de solides poteaux sur l’une et l’autre rive.

Le soir dont nous parlons, la rivière, démesurément accrue par des orages récents, paraissait plus furieuse que jamais. Elle mugissait en s’engouffrant dans celte espèce de gorge, et les rochers, qui parsemaient son lit, la faisaient rebondir çà et là en flocons d’écume blanche comme la neige. On savait, du reste, qu’au delà du défilé elle formait une chute et, au grondement sourd causé par son resserrement, se mêlait le fracas lointain de la cataracte.

Beaucoup de pèrsonnes se pressaient devant la loge du passeur, afin de trouver place dans la lourde embarcation; c’étaient de petits marchands, des colporteurs avec leurs balles, et surtout des paysans qui, un bissac sur le dos, étaient attirés à la vogue de Saint-Siméon par leurs affaires ou par la curiosité.

On pouvait craindre pourtant que le passage ne s’opérât pas sans péril. Le soleil, enveloppé de nuages grisâtres, venait de se coucher; une obscurité brumeuse se répandait déjà dans le vaste bassin de montagnes arides que traversait la rivière. Le paysage environnant était âpre et sauvage; sauf la chaumière où logeait le passeur, on n’apercevait aucune habitation humaine aussi loin que la vue pouvait s’étendre. L’ombre des pics, l’impétuosité des eaux et leur mugissement répété par mille échos, formaient un ensemble poétique sans doute, mais très-capable d’inspirer certaines appréhensions.

Un seul animal avait été admis par le batelier au milieu des hommes et des femmes déjà installés dans le bac; c’était un poney noir, pas plus grand qu’un âne et encore un âne de petite taille.

Il appartenait à un jeune garçon de sept ou huit ans, qui devait être le fils de quelque riche propriétaire du voisinage et qui, vêtu de velours, coiffé d’une toque à plume noire, semblait revenir d’une courte promenade aux environs. Cet enfant était accompagné d’un domestique de confiance, convenablement vêtu, qui veillait sur lui avec sollicitude.

Le bac paraissait aussi plein de passagers qu’il en pouvait contenir; comme il n’y avait pas assez de place pour s’asseoir, tous demeuraient debout. Le batelier démarrait déjà, quand un cri d’appel se fit entendre sur la rive que l’on allait quitter, et à la vague clarté du crépuscule, on vit accourir deux voyageurs, ayant l’apparence de bourgeois.

Le passeur, à qui la mine des survenants imposait certains égards, annonça que le bateau étant au complet, il prendrait «les braves messieurs» à son prochain voyage.

–Bah! reprit l’un d’eux avec un ton moqueur, quand il y a de la place pour dix il y en a pour douze. Les gros se feront minces et les minces se mettront en botte. Mon maître paye triple. Entrez, monsieur.

Il retint le bateau d’une main, tandis qu’il présentait l’autre à «son maître». Celui-ci, profitant de cet appui, se glissa entre les rangs serrés des passagers. Néanmoins, il ne semblait pas humainement possible d’admettre dans l’embarcation une personne de plus.

–Alors, monsieur, dit le batelier au voyageur effronté, ce sera vous qui attendrez.

–Ouiche! mon maître et moi, ça ne se dédouble pas. Il ne me faut que demi-place. Tu vas voir!

Il fit un saut d’acrobate et marcha sur le rebord étroit du bateau avec une aisance parfaite. Ayant atteint un endroit où se trouvait un léger espace vide, il y posa un pied, tandis que l’autre restait sur le rebord du bac, et il s’écria gaiement:

–Voilà!… Maintenant, pousse!… et si nous prenons un bain, ce sera une bonne fortune pour certains membres de l’honorable société.

Le passeur était ahuri par ces allures bouffonnes mais, comme en définitive tout le monde était casé, il ne résista pas davantage et mit sa barque à flot en murmurant:

–Ce doit être quelque farceur de la ville.

Le bac s’éloigna lentement du rivage et l’attention des passagers se concentra sur les derniers venus.

Celui qui appelait l’autre «son maître» était un jeune homme mince, chétif en apparence, mais il venait de prouver qu’il avait une souplesse et une vigueur extraordinaires. Ses cheveux, d’un blond fade, s’échappaient de dessous un chapeau mou, de forme bizarre, et encadraient une petite figure osseuse, blême, aux lèvres et aux narines mobiles. Ses yeux, gris et perçants, avaient une expression de malice joyeuse. Il portait une jaquette de drap démesurément courte, un gilet de couleur éclatante, un pantalon à larges carreaux, et avait pour chaussure de légers escarpins. Ilétait vif, remuant comme un singe, et sa langue semblait jouir de la même agilité que ses mains et que ses pieds,

Le «maître», au contraire, était un bel homme d’une quarantaine d’années, dont la personne et le costume ne manquaient pas non plus d’une certaine excentricité. Il tenait son panama sur ses genoux, est laissait voir une figure aux traits réguliers et nobles, aux yeux bleus, habituellement mélancoliques. Il avait le crâne entièrement chauve; à peine une couronne de cheveux ceignait-elle encore sa tête. En revanche, une barbe blonde, très longue et très soyeuse, dont il semblait prendre un soin particulier, descendait sur sa poitrine et ajoutait à la gravité de ses manières. Il était vêtu d’une redingote noire et d’un gilet noir, traversé par une chaîne d’or; de plus il avait sur le bras un pardessus élégant, muni de brandebourgs de soie, qui devait lui donner, quand il l’endossait, l’air d’un boyard russe ou d’un magnat de Hongrie.

Ces deux voyageurs étaient complètement inconnus dans le pays et on les regardait avec stupéfaction. Ce silence ne fut pas du goût de l’original que nous avons présenté, au lecteur.

–Le français ne paraît guère en usage ici, reprit-il gaillardement; allons! qui veut parler grec ou latin avec moi? J’ai remporté jadis un prix d’honneur au concours général de Paris. Latiniam grœcamque linguam loquor. à qui le tour de répondre?

On pense bien que personne, parmi les bouviers, les maquignons, et les colporteurs qui formaient la majorité l’assistance, ne jugea à propos d’accepter cette espèce de défi. On continua de se taire et de dévisager le drôle de corps Celui-ci, après avoir feint d’attendre une réponse, qu’il savait bien ne pas devoir venir, reprit avec gaieté:

Il est clair qu’on ne connaît pas sur ce bateau les langues savantes; mais je vais en parler une autre que tout le monde comprendra.

En même temps, il imita le braiement de l’âne avec une vigueur et une perfection désespérantes. C’étaient des hi-han si bien modulés, de si gracieuses reprises, des intonations si naturelles, que l’assemblée entière ne put s’empêcher de rire.

–Je disais bien! reprit froidement le railleur; tout le monde comprend.

Peut-être Barbe-Blonde (nous appellerons ainsi le maître jusqu’à nouvel ordre), craignait-il que quelqu’un de ces rustres ne finit par trouver la plaisanterie un peu forte.

–Paix! Robillard, dit-il; réservez vos facéties pour un moment où elles seront plus opportunes.

–Suffit, maître, répliqua Robillard dont les traits mobiles prirent aussitôt une expression de respect.

Il ne souffla plus mot, ayant toujours un seul pied dans le bateau et l’autre sur le rebord, dans une position qui eût semblé impossible pour un autre.

On était arrivé au milieu de la rivière, à l’endroit où le courant avait le plus de puissance. Le bac tendait d’une manière inquiétante le câble posé en travers de l’eau, et on n’avançait qu’à grand’peine. Un obligeant passager était venu en aide au passeur qui tirait péniblement sur la corde et, malgré la réunion de leurs efforts, on faisait peu de progrès. A présent, le mugissement de la cataracte voisine devenait formidable; des flots écumeux montaient parfois jusqu’à fleur du bac, comme s’ils voulaient l’envahir.

On réussit néanmoins à traverser le plus fort du courant, et on approchait avec lenteur de la rive gauche, quand se révéla un nouveau danger.

Le poney noir, effrayé par l’agitation et le bruit de la rivière, donnait de fréquents signes d’inquiétude. Il regardait autour de lui, ouvrant les naseaux, dressant les oreilles, et frappant du pied par intervalles. Le domestique, qui le tenait par la bride, le flattait de la main pour le calmer, tandis que l’enfant, dont ce petit cheval paraissait être le favori, disait d’un ton caressant:–

–Allons! Moricot, sois sage. De quoi as-tu peur, nigaud??

¡ Que Moricot comprit ou non, un moment vint où ces exhortations et ces caresses n’eurent plus aucun effet Quelque chose ayant réveillé sesterreurs, le poney se mit à renacler, à piétiner. Or, si exiguë que fût sa taille, ces mouvements désordonnés présentaient de graves inconvénients sur le bateau plein de monde.

Aussi, quand il se mit en révolte, protesta-t-on de toutes parts. Les passagers bousculés se soutenaient les uns les autres, afin de ne pas être poussés dans l’eau. Un maquignon, qui se trouvait là, asséna des coups de houssine sur la tête de l’endiablé poney, malgré les protestations du domestique et de l’enfant. Moricot, affolé, se dressa sur ses pieds de derrière et fit un saut prodigieux. Le bac reçut une si violente secousse que l’amarre, vieille et usée, qui l’attachait au câble se rompit, et le bateau, devenu libre, se mit à tourner sur lui-même, emporté par le courant.

Cette fois, de toutes les poitrines s’éleva un cri de désespoir; mais la catastrophe n’était pas complète encore. Le poney, exaspéré par la brutalité du maquignon, continuait ses bonds furieux; d’un coup de croupe, il lança dans la rivière son jeune maître, qui se tenait près de lui pour le protéger.

Ce nouveau malheur ne fut pas remarqué de quelques-uns des passagers, uniquement occupés d’eux-mêmes, car aussi bien tous allaient périr peu d’instants plus tard, lorsque le bac atteindrait la cataracte située à cent pas plus loin. Mais comment l’arrêter? On n’avait ni avirons, ni gouvernail.

L’épouvante était donc à son comble sur la massive embarcation. Les femmes pleuraient, les hommes se démenaient sans savoir que faire; le passeur, désorienté, perdait la tête, tandis que le domestique, qui ne savait pas nager, s’arrachait les cheveux en criant:

–Au secours!… sauvez le petit Léon!

Barbe-Blonde, si taciturne et si indolent jusque-là, se redressa brusquement:

–Robillard, cria-t-il avec énergie, je vais m’occuper de la barque. Vous, sauvez l’enfant.

–On y va, maître, répondit Robillard qui venait d’arracher sa jaquette et ses chaussures afin de pouvoir nager plus librement; mais d’abord, il faut vous faire de la place.

Il se glissa sous le ventre du poney et sans qu’on sût comment il s’y était pris, Moricot fut aussi lancé dans la rivière. Alors Robillard y sauta à son tour et se mit à nager avec autant de vigueur que d’adresse.

Il était douteux cependant qu’il pût atteindre le petit Léon qui avait disparu; le cheval lui-même, tout en reniflant et en se débattant, ne fut. plus bientôt qu’un point noir à la surface des eaux bouillonnantes.

Les gens restés dans le bac ne songeaient qu’à leur propre péril. Comme nous l’avons dit, il n’y avait pas de rames à bord; Barbe-Blonde s’empara d’un croc qui se trouvait sous ses pieds, et, l’enfonçant dans l’eau, essaya de piquer le fond pour empêcher la barque d’être emportée; mais les efforts d’un seul homme devaient exercer une action insuffisante sur une pareille masse. Aussi le bac continua-t-il de tournoyer, en suivant irrésistiblement le fil de l’eau.

Barbe-Blonde promena des regards anxieux autour de lui. En avant de l’énorme rocher qui, de ce côté, resserrait le cours de l’Ain, se trouvait une anse écartée où l’eau, formant un remous, semblait relativement calme. Si l’on pouvait atteindre cette espèce de port, il devait être facile, en manœuvrant avec précaution, de gagner la rive. Mais comment approcher de la rive, puisque le courant emportait l’embarcation à plus de vingt pas d’elle?

Tout à coup, Barbe-Blonde distingua une pierre à demi submergée, qui obstruait le lit de la rivière et devant laquelle on allait passer. Il se tint prêt à se servir de cette pierre comme d’un point d’appui, pour donner au bac une impulsion oblique et le pousser vers l’anse protectrice.

Les dispositions étaient si bien prises que la pointe du croc rencontra la pierre avec précision. Le choc, dont la force était accrue par la vitesse acquise, fut si violent que la perche se brisa et que Barbe-Blonde, atteint à l’épaule, fut renversé au fond du bateau; mais le résultat désiré était obtenu; et le bac, au lieu de suivre le fil de l’eau, prenait la direction de l’anse.

Quoique souffrant une atroce douleur, Barbe-Blonde fut aussitôt sur pied; il conserva une moitié de la perche brisée, pendant que le batelier s’emparait de l’autre et que le domestique se servait, comme de rame, d’une planche qu’on lui avait donnée pour siège. Grâce à leurs efforts combinés, ils réussirent à faire entrer le bac dans l’échancrure.

Il était temps pour Barbe-Blonde; le coup qu’il avait reçu paraissait grave et son front se crispait de souffrance. Cependant, à peine fut-on au repos, qu’il se redressa et promena encore son regard à la surface de la rivière. Rien n’apparaissait dans la brume qui commençait à tomber.

–Où est l’enfant? dit-il avec inquiétude; et Robillard. mon pauvre Robillard!

Il appela de toute sa force et un cri rauque, d’un caractère étrange, parut sortir des eaux à quelque distance. Il répéta son appel et on lui répondit encore. Toutefois, il avait beau, comme les autres passagers, s’écarquiller les yeux, aucun être humain ne se montrait.

Enfin une sorte de clapotement se fit entendre, non pas devant, mais derrière le bateau maintenant presque immobile. De ce côté, se trouvait un étroit et tortueux canal, formé de roches tombées des hauteurs, et par lequel l’anse avait une seconde communication avec le lit principal de l’Ain. C’était de ce canal, dont les parois étaient abruptes, que partait la voix, et bientôt on entrevit une forme confuse qui se dirigeait péniblement vers le bac.

–Sainte Vierge! s’écria le batelier, en voilà un qui a du bonheur! Il a réussi à trouver la Passe-de-la-Couleuvre. Mais on dirait qu’il n’est pas seul.

–Aurait-il sauvé M. Léon? s’écria le domestique.

–Je n’en sais rien, répliqua Barbe-Blonde: seulement tout ce que peut faire un homme adroit, robuste et qui ne tient guère à la vie, Robillard sûrement l’a fait.

Il appela derechef, et, cette fois, ce fut en chantant qu’on lui répondit, sur l’air du Nouveau seigneur de village:

Ainsi qu’Alexandre le Grand

A son entrée à Babylone…

En même temps, Robillard apparut nettement dans l’ombre du défilé.

Mais, comme l’avait dit le batelier, Robillard n’était pas seul. A côté de lui marchait, retenu solidement par la bride, le poney Moricot; sur le dos de Moricot, on distinguait un enfant, qui semblait évanoui et que le sauveteur soutenait en selle. Tout ce monde, il est vrai, n’avait pas l’air bien triomphant; gens et bête ruisselaient d’eau; Robillard, les cheveux collés aux tempes, marchait dans le courant qui, sans égaler le courant principal, conservait une certaine force. Cependant tous, si épuisés qu’ils fussent, étaient encore vivants et c’était un véritable miracle, eu égard à la grandeur du péril auquel ils venaient d’échapper.

Le domestique, en voyant Léon immobile sur le dos du poney, demanda avec inquiétude:

–Eh! mon brave garçon, n’auriez-vous repêché, qu’un cadavre? Cet enfant appartient à une famille riche et si vraiment il avait péri.

–Rassurez-vous, répliqua Robillard en secouant la tête à la manière des caniches qui sortent de l’eau; le petit a naturellement bu un coup de trop et il fait un peu la carpe, mais ce ne sera rien. Ma foi! ce méchant avorton de cheval nous a été bien utile. Quand nous barbottions tous ensemble dans cette rivière enragée, c’est lui qui a découvert ce passage à travers les roches, et il a prêté son dos pour transporter le pauvre gamin. Au fait, il était cause du mal et devait le réparer: miseris succurrere... Mais je ne parle pas davantage latin, car, sauf mon maître, on est ici trop ignare pour me comprendre.

En bavardant avec sa gaieté ordinaire, Robillard s’était approché du bac, ce qu’il pouvait faire aisément, car l’eau n’avait que très-peu de profondeur en cet endroit. Le domestique enleva de dessus le cheval le petit Léon qui, en effet, conservait sa connaissance et qui passa les bras autour du cou de son gardien, en balbutiant des mots inintelligibles.

–Vous agissez mieux que vous ne parlez, Robillard, dit Barbe-Blonde, et quoique vous soyez un garçon dévoué... Eh bien! puisque vous voilà dans l’eau, donnez-nous un coup de main pour nous faire arriver à une place où nous puissions débarquer.

Dixit magister Rien de plus facile.... Houp!

Le bac ayant reçu une vigoureuse impulsion, glissa sur ces eaux tranquilles, longea le rocher et se dirigea vers le point où il s’arrêtait d’habitude, en face du grand chemin. Du reste, on le maintenait avec la planche et le tronçon du croc, de peur qu’il ne fût repris par le courant furieux.

Robillard, redevenu maître de ses mouvements, monta sur le dos du poney. Tout ruisselant, les habits adhérant au corps, et non sans grelotter un peu, car l’eau de l’Ain est glaciale en toutes saisons, il conduisit sa monture vers le rivage, sans cesser de chanter:

Ainsi qu’Alexandre le Grand

A son entrée à Babylone…

Il atteignit terre en même temps que le bac.

Le charlatan

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