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VI
La Forge

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Table des matières

Tout le monde avait sauté avec empressement sur la grève. Les femmes se signaient et priaient à voix basse; les hommes bavardaient, très joyeux d’avoir échappé à une vilaine mort. Quant au passeur, à la suite d’une traversée si désastreuse, il ne songeait qu’à réclamer le prix du passage, et cela avec d’autant plus d’âpreté qu’il lui fallait remplacer par une corde neuve celle qui, en se rompant, avait causé la catastrophe.

Il ne restait plus dans le bac que le petit Léon avec son mentor, que les gens du pays appelaient M. Julien, et l’inconnu courageux. L’enfant avait entièrement repris ses sens, mais il tremblait de froid entre les bras de Julien. Quant à Barbe-Blonde, il était assis au fond de la barque, dans un état de prostration profonde.

Robillard, descendu du poney qu’il tenait encore par la bride, se rapprocha du bac.

–Brrrr! grommela-t-il, l’eau, comme dit Panurge, «est entrée dans mes souliers par le collet de mon habit». Maître, demanda-t-il tout haut, que faut-il faire? Il est fâcheux que vous ayez envoyé votre voiture à Saint-Siméon par le pont de pierre, tandis que nous venions à pied par la traverse. Notre partie de promenade a tourné en eau de boudin. je veux dire en eau de l’Ain.

Barbe-Blonde tenta de se soulever. Comme il semblait ne pouvoir y réussir sans aide, Robillard s’élança pour le soutenir et s’aperçut alors seulement que son maître était blessé.

–Bon Dieu! monsieur, s’écria-t-il d’un ton qui n’avait plus rien de plaisant, que vous est-il arrivé?

–Je crois que j’ai une épaule démise. ou tout au moins cruellement contusionnée. Je souffre le martyre.

–Sapristi! nous sommes frais! Si encore il se trouvait dans le voisinage quelque auberge, où vous pourriez vous reposer, j’irais à pied jusqu’à la ville et je vous ramènerais la calèche.

–Vous-même, mon ami, vous n’êtes guère en état d’agir. Vous voilà trempé jusqu’aux os!

–Ça n’est rien, s’écria Robillard en s’appliquant quelques claques à droite et à gauche; tenez, me voilà sec. Le temps de mettre ma jaquette et mon chapeau, j’aurai la tournure d’un ambassadeur; mais je me demande où je vous installerai en attendant.

–Messieurs, dit Julien, vous ne devez pas songer à vous rendre ce soir à Saint-Siméon. Vous, monsieur, vous paraissez assez gravement blessé, et ce courageux jeune homme, avec ses vêtements mouillés, ne saurait marcher pendant une grosse lieue. Veuillez donc m’accompagner à la Forge, tout près d’ici, où les parents de cet enfant que vous venez de sauver vous feront, j’ose le promettre, un excellent accueil. On vous donnera les soins convenables et demain matin, s’il y a lieu, une des voitures de la maison vous conduira à la ville.

Barbe-Blonde, malgré ses souffrances, hésitait à accepter. Le petit Léon, à qui Julien avait dit quelques mots tout bas, s’approcha à son tour.

–Venez, messieurs, dit-il en grelottant; papa et maman sont en voyage et n’arriveront à la Forge que demain… Mais tante Joséphine vous recevra bien, quand elle saura que vous avez été bons pour moi… et pour tout le monde. et aussi pour Moricot.

Puis, il alla caresser le poney, qui le regardait avec des yeux intelligents.

–Comment s’appellent les parents de cet enfant? demanda Barbe-Blonde à Julien.

–M. Deluzy, maître de forge, et madame Deluzy.

–Deluzy! répéta Barbe-Blonde qui sembla recevoir une secousse au cœur.

–Oui, le nom est bien connu dans tout le département où la famille possède des propriétés considérables… Venez donc… on me reprocherait de vous avoir laissé aller dans l’état où vous êtes.

–Et comment s’appelle la demoiselle… qui est la tante de cet enfant?

–Elle est la Providence de tout le pays, et se nomme mademoiselle Joséphine Jolivet.

–Joséphine! balbutia Barbe-Blonde; Joséphine!

Il voulut ajouter quelques paroles, mais la force lui manqua et il s’évanouit au fond du bateau.

–Il n’y a plus à lanterner, dit Robillard à Julien; mon maître a reçu un mauvais coup… Partons pour la Forge.

On convint rapidement des dispositions à prendre. Barbe-Blonde, qui revenait déjà de sa pâmoison, devait monter sur le poney, que Julien conduirait par la bride, en soutenant le blessé s’il en était besoin. Quant au petit Léon, encore trop faible pour marcher, Robillard proposa de le porter sur son dos.

–Nous nous tiendrons chaud et nous nous sécherons mutuellement, ajouta-t-il.

Comme l’habitation de la Forge n’était guère à plus de quatre à cinq cents pas, ces arrangements devenaient d’une exécution facile. On commença par installer Barbe-Blonde sur le cheval. Il fallut presque le porter, car son épaule lui causait d’affreuses douleurs et il ne pouvait s’aider lui-même. Il essaya encore de protester, on ne l’écouta pas. Robillard allait charger l’enfant sur son dos, quand le batelier qui, appuyé sur un tronçon de perche, se tenait à la sortie du bateau, lui réclama le prix du passage.

–Comment donc! répliqua Robillard; il importe, en effet, de te bien payer pour la superbe traversée que nous venons de faire!….. Tu as montré tant de prudence, de dévouement et de courage!… Tiens, voici pour le bateau (et il lui remit une pièce blanche qui équivalait dix fois au prix habituel). Maintenant, ajouta-t-il, voici pour toi.

Et il lui administra prestement un coup de pied dans le bas des reins; après quoi, il enleva le petit Léon, qui riait aux éclats, et il rejoignit son maitre.

Le passeur était demeuré à la même place, se demandant comment il devait prendre cet adieu par trop cavalier. La vue de la pièce d’argent, qu’il retournait avec complaisance dans sa main calleuse, apaisa toute velléité de ressentiment:

–Je disais bien! murmura-t-il, c’est quelque farceur!

Déjà la troupe s’était mise en marche et s’était enfoncée dans un chemin creux, qui longeait les rochers parallèlement à la rivière.

La crépuscule s’assombrissait; à peine voyait-on à se conduire sur cette route rocailleuse. Le blessé, secoué par les mouvements du cheval, poussait de faibles gémissements, et Julien était dans la nécessité de le soutenir. Derrière eux venait Robillard, portant Léon sur ses épaules; quoique très préoccupé de l’état de son maître, il lâchait de temps en temps quelque plaisanterie et divertissait beaucoup l’enfant auquel il servait de monture.

Bientôt on déboucha du chemin creux et on atteignit l’extrémité de l’immense rocher qui resserrait le cours de l’Ain. La rivière reparaissait blanche et brillante d’écume, car on se trouvait précisément en face de la cataracte. A la faible lueur tombant encore du ciel, on distinguait, auprès des chutes, de vastes bâtiments, des halles, des hangars, qui devaient constituer «la Forge» à laquelle ce lieu empruntait son nom. Mais on n’apercevait aucun de ces feux de fournaise, on n’entendait aucun de ces bruits de marteau ou de pilon qui annoncent de loin une grande usine en activité. Il n’y avait pas non plus d’ouvriers au travail, de chariots que l’on chargeait ou déchargeait. Tout était noir, silencieux, désert. Il semblait que la forge chômât depuis longtemps et fût abandonnée. On n’entendait que le bruit de la cascade, et ces bâtiments lugubres ajoutaient encore au caractère morose de la contrée.

Du reste, Julien, qui servait de guide, ne se dirigea pas vers l’usine. On la laissa de côté et on s’engagea dans une courte avenue de peupliers, à l’extrémité de laquelle se trouvait une grande maison blanche, d’apparence très confortable. Plusieurs fenêtres de cette maison étaient éclairées et elle paraissait contenir de nombreux habitants.

A peine eut-on franchi la grille et pénétré dans une espèce d’avant-cour, qu’une forme svelte et gracieuse de jeune fille apparut sur le perron, et une voix fraîche demanda:

–Est-ce toi enfin, Léon?... A quoi pensez-vous, Julien, de rentrer si tard?

Alors seulement la jeune fille remarqua la présence des étrangers. Julien lui dit avec empressement:

–Ah! mademoiselle, peu s’en est fallu que vous ne revoyiez jamais M. Léon et moi-même. Si nous sommes encore de ce monde, nous le devons. tenez, à ces deux excellents messieurs que voici.

–Qu’est-il donc arrivé?

–Tu ne sais pas, tante Joséphine! répliqua le petit bonhomme en sautant à bas de sa monture humaine; Moricot m’a jeté dans la rivière, et si ce bon garçon-là ne m’en avait tiré. Ensuite il est si drôle! Tu ne te fais pas d’idée comme il est drôle!

Joséphine prit l’enfant dans ses bras.

–Est-il possible? s’écria-t-elle, te voilà tout mouillé, en effet; rentre bien vite... Tu vas changer de vêtements... Entrez aussi, messieurs, ajouta-t-elle en se tournant vers les voyageurs; la maison est à vos ordres.

Comme Barbe-Blonde ne disait rien, Robillard répliqua avec un certain embarras:

–Merci, ma bonne demoiselle; pour moi, je n’ai pas besoin de grand’chose; mais mon maître a été blessé assez dangereusement, je le crains.

–Blessé! oh! descendez, monsieur. Nous allons vous panser. Il y a ici une pharmacie presque complète. Nous vous traiterons le mieux que nous pourrons.

A l’appel de Julien, des domestiques et des servantes étaient accourus. Barbe-Blonde, sur les épaules duquel on avait jeté son ample pelisse à brandebourgs, mit pied à terre, non sans que la souffrance lui arrachât encore quelques gémissements.

–Appuyez-vous sur moi, lui dit Joséphine avec bonté.

Le blessé la remercia par un sourire. Soutenu de Robillard seul, il monta lentement les marches du perron, et on entra dans un salon, richement meublé, qu’éclairait une lampe. Joséphine avança elle-même un de ces vastes fauteuils appelés «bergères.»

–Reposez-vous, reprit-elle, jusqu’à ce qu’on ait préparé une chambre pour vous et pour votre. ami. Ce sera fait tout à l’heure.

Elle sortit, et on l’entendit multiplier les ordres.

Barbe-Blonde resta quelques minutes immobile et les yeux fermés, dans son fauteuil. Enfin, il se ranima et, se voyant seul avec Robillard, il lui fit signe d’approcher.

–Gardez-vous, lui dit-il à voix basse, d’apprendre ce que nous sommes aux gens de cette maison Vous ne l’oublierez pas!

–Suffit, maître; à la vérité, ça manque un peu de... poésie, et cette charmante demoiselle.

En ce moment, une voix lamentable s’éleva dans une pièce voisine.

–J’ai faim, disait-on; des enfants peuvent-ils être assez vils pour laisser leur vieux père mourir de faim!... Je n’ai encore rien mangé d’aujourd’hui.

Ces paroles contrastaient singulièrement avec le bien-être et le confort de cette opulente maison. La voix était cassée, chevrotante et avait des intonations vraiment plaintives. Avant que Barbe-Blonde et Robillard eussent pu échanger la moindre observation, Joséphine rentra, suivie de Julien.

Mademoiselle Jolivet et le blessé s’examinèrent avec une curiosité réciproque. Joséphine, que nous avons vue presque enfant dans sa demeure du quai de la Loire à Orléans, avait alors vingt-deux ans environ, et rien en elle ne rappelait plus la pensionnaire maigre et déhanchée d’autrefois. C’était, à cette heure, une belle et grande personne, au teint rose, à l’œil d’un bleu si profond qu’il en paraissait noir. Quoique ses traits reflétassent parfois une sorte de mélancolie, ils avaient une expression de bienveillance et d’aménité. Sa mise était simple, mais élégante: et malgré la solitude où elle vivait dans ces montagnes, elle ne dédaignait pas une innocente coquetterie.

Une flamme passagère brilla dans les regards du blessé. Joséphine; de son côté, avait tressailli d’abord en observant la figure mobile de son hôte; mais sans doute elle comprit bientôt qu’elle était dupe de quelque illusion, car elle détourna la tête en rougissant et dit avec sa douceur accoutumée:

–Tout est prêt, messieurs; Julien va vous conduire dans une chambre à deux lits. Si un médecin est nécessaire, je l’enverrai chercher à la ville.

–Mon maître, répliqua Robillard, est très capable lui-même.

Mais, craignant d’en trop dire, il reprit:

–Je possède quelques connaissances en médecine et en chirurgie. J’espère pouvoir réussir un premier pansement.

Barbe-Blonde fit un signe approbatif et se leva péniblement pour accompagner Julien.

–Et. l’enfant! demanda-t-il.

–On vient de le coucher, répliqua Joséphine, et peut-être cet accident n’aura-t-il pour lui aucune suite fâcheuse. Ah! combien je regrette de lui avoir permis aujourd’hui d’aller voir son petit ami, au château des Bordes, de l’autre côté de l’Ain! Mais il m’a tant priée. Je frémis de penser à ce qui serait advenu, si son père et sa mère qui reviennent demain. Sa mère l’aime tant!

Au premier étage de la maison, les deux étrangers furent installés dans une grande chambre, où avait été transporté à la hâte ce qui pouvait être utile dans la circonstance présente. On congédia Julien, après lui avoir demandé quelques médicaments fort simples que l’approvisionnement de la maison pouvait fournir; le maître et Robillard demeurèrent seuls.

Il y eut des allées et venues dans la chambre; puis, on entendit un cri aigu, arraché évidemment par une vive souffrance. Julien s’empressa d’accourir de nouveau; dans le corridor, il rencontra Robillard, qui lui demanda un objet dont il avait besoin. Robillard paraissait radieux:

Finis coronat opus, dit-il; mon maître s’était réellement luxé l’épaule, en arrêtant ce bac maudit, et j’ai remis son humérus en place… Le cri que vous avez entendu a marqué la fin de l’opération... Maintenant il en sera quitte pour un accès de fièvre, et demain nous pourrons repartir.

–Ah! çà, vous êtes donc chirurgien?

–Un peu rebouteur tout au plus. Il faut vous dire, mon brave, qu’après avoir obtenu un prix d’honneur au concours général, j’ai fait beaucoup de métiers… dont le détail serait trop long; et parmi ces métiers, j’ai été un moment étudiant en médecine ou en pharmacie, je ne sais plus lequel.

Julien s’empressa d’aller chercher ce qu’on lui demandait. Il revint quelques instants plus tard et, à la lumière des bougies qui éclairaient la chambre, il vit Barbe-Blonde couché dans un des lits; quoique les pommettes de ses joues fussent rouges de fièvre, le blessé paraissait être infiniment mieux.

–Décidément, reprit Robillard, ça va marcher… Avec quelques compresses d’eau-de-vie camphrée pour combattre le déchirement des tissus, il n’y paraîtra plus demain.

Et il se mit en devoir d’appliquer les compresses.

Julien l’aida complaisamment à celle besogne, et reprit:

–Ce digne monsieur, en effet, n’a plus besoin que de repos. Mais, mon garçon, n’allez-vous pas aussi songer à vous-même? Vous avez pris dans la rivière un bain désagréable.

–Bah! Mes habits se sont séchés tout seuls. Cependant, s’il y avait moyen de «casser une croûte» là, en veillant auprès de mon maitre.

–Comment, s’il y a moyen! Vous allez voir.

Et Julien s’empressa de sortir de nouveau. Pendant son absence, des gémissements étouffés, mais distincts, partirent de l’autre extrémité de la maison.

–Qu’est ceci? demanda Robillard à son maître; entendez-vous, monsieur?

–Parfaitement; c’est peut-être encore la personne qui tout à l’heure se plaignait de mourir de faim.

–Hum! dans ce cas, nous devons craindre que la chère ici ne soit maigre. male suada fames!

Julien, qui paraissait jouir d’une certaine supériorité sur les autres domestiques, rentra suivi de deux servantes. Elles portaient sur des plateaux tout ce qui pouvait constituer un souper aussi abondant que délicat. Julien lui-même était chargé de deux ou trois bouteilles d’aspect vénérable, et, pendant que les servantes disposaient les provisions sur la table, il reprit:

–J’ai pensé que «monsieur le blessé» voudrait aussi se réconforter un peu. et voici une bouteille de vin d’Espagne avec quelques biscuits.

–Merci. Mais, dites-moi, monsieur Julien, n’avez-vous pas un autre malade dans la maison?

–Non, excepté M. Léon, qui dort bien tranquillement sous la garde de sa tante. Pourquoi me demandez-vous cela?

–C’est que tout à l’heure nous avons entendu des choses baroques. et puis des plaintes, des gémissements.

La figure de Julien se rembrunit.

–Ne faites pas attention, répliqua-t-il un peu sèchement: il s’agit d’une personne qui a souvent des idées. drôles. et qui s’imagine. Mais ne vous occupez pas d’elle; bonsoir.

Et il sortit précipitamment avec les servantes, comme s’il craignait de nouvelles questions.

Robillard décida son maitre à prendre un verre de vin et un biscuit, car le blessé, à la suite de ses fatigues et de ses souffrances, était d’une faiblesse extrême; puis il se mit à table, et une justice à lui rendre, c’est que ni la lassitude, ni le malaise, ni la bizarrerie de la situation ne fit tort à son appétit.

Barbe-Blonde n’attendit pas qu’il eût fini de souper; après lui avoir encore recommandé la discrétion et la prudence, il s’endormit d’un sommeil agité.

Bientôt Robillard jugea, de son côté, qu’il n’avait rien de mieux à faire que d’imiter son maître. Un silence complet régnait maintenant dans la maison; on pouvait croire que tous ses habitants reposaient déjà. Il éteignit les bougies et n’en conserva qu’une qui devait brûler toute la nuit. Du reste, il n’avait pas l’intention de se coucher dans le lit vacant, et il comptait occuper un fauteuil au chevet du malade, afin d’être sur pied à la moindre alerte.

Ces dispositions prises, il ouvrit la fenêtre pour respirer un peu d’air frais. L’obscurité était profonde; à peine les montagnes voisines dessinaient-elles leur silhouette anguleuse sur le ciel étoilé. Robillard ne pouvait voir s’il y avait dans la maison d’autres fenêtres éclairées que la sienne; mais il distingua, à travers le feuillage, à quelque distance, une lumière vive et blanche, semblable à celle que donne une lampe carcel, munie de son abat-jour. Il ignorait à quelle habitation, au milieu d’une campagne solitaire, appartenait cette lumière aristocratique, mais il lui sembla voir une personne travaillant à sa clarté. Il ne donna pas grande attention à ces détails; après avoir examiné un moment avec distraction cette personne penchée au-dessous de la lampe, il referma la fenêtre, s’enveloppa d’une couverture et s’installa dans le fauteuil. Quelques minutes plus tard, il ronflait avec entrain.

Il ne tarda pas à être éveillé par un bruit singulier; On eût dit de ces plaintes et de ces gémissements qu’il avait entendus déjà; cette fois, ils s’élevaient tout près de lui et se produisaient à la porte même de la chambre.

Robillard crut que son maître appelait et, se dégageant de sa couverture, se leva précipitamment; il reconnut aussitôt son erreur. Barbe-Blonde, dont le sommeil semblait être devenu assez paisible, s’éveillait de son côté, et ne se montrait pas moins étonné que lui.

Les gémissements se renouvelèrent; puis, on tracassa extérieurement la porte, qui n’était fermée qu’au pêne et qui finit par s’ouvrir. Une espèce de fantôme parut sur le seuil. Il hésita quelques secondes, entra et referma la porte derrière lui. Alors il s’avança, d’un pas lourd et comme chancelant.

Le charlatan

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