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PRÉFACE A Monsieur Dumont, directeur de la Revue de France

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Il est une époque, dans la vie de l’humanité, qui, ainsi que l’indique son nom, ne saurait avoir d’histoire; c’est cette longue période de siècles qui s’est écoulée entre le moment où l’homme apparut sur la terre pour la première fois, et le moment où la tradition orale, puis l’écriture, commencèrent à fixer les actes de son existence.

Cette époque inconnue semblait donc être uniquement du domaine de la poésie et du roman; mais, si la poésie vit de fictions brillantes, le roman qui, comme on l’a dit des chefs-d’œuvre de Walter Scott, est souvent «plus vrai que l’histoire», a besoin pour intéresser de s’appuyer sur les données de la réalité. Or, le roman des âges qui ont précédé les temps historiques a été longtemps impossible. Tous les éléments manquaient à la fois. L’immortel Cuvier, l’inventeur de la paléontologie, ne voulait même pas admettre que l’homme eût existé à cette antiquité prodigieuse. Les savants de l’Europe refusaient de croire que les silex, trouvés dans les terrains quaternaires par l’illustre Boucher de Perthes, fussent des produits de l’industrie humaine. C’est seulement depuis quelques années que des découvertes nouvelles, incontestables, éclatantes, ont dégagé cette période des nuages mystérieux qui la voilaient.

Aujourd’hui la science a obtenu les résultats les plus précis, les plus certains. Elle sait que non-seulement l’homme existait des myriades d’années avant les temps historiques, mais encore elle détermine à quelle race il appartenait, dans quel milieu il vivait, et elle en déduit son caractère, ses mœurs et ses habitudes. Elle a retrouvé ses armes, ses ornements barbares, les ustensiles de sa rustique demeure et jusqu’aux débris de sa grossière nourriture. De jour en jour, les découvertes se multiplient sur tous les points du globe, et dès à présent on peut, par l’analogie, se faire une idée parfaitement exacte de «l’homme préhistorique».

Aussi le roman de ces époques reculées est-il devenu possible, et nous avons osé l’entreprendre, en suivant scrupuleusement et pas à pas les indications de la science.

Nous nous sommes efforcé de résumer dans trois nouvelles les découvertes des savants de tous pays, parmi lesquels Cuvier, Boucher de Perthes, Le Hon, Lartet, Lyell et G. de Mortillet, sont les plus éminents. La première de ces nouvelles: LES PARISIENS A L’AGE DE LA PIERRE, est une étude sur les habitants du sol parisien, contemporains du Mammouth et du Grand-Ours. Ces habitants, qui semblent avoir appartenu à la race mongoloïde, sont considérés comme ayant vécu par familles et dans des cavernes, livrés aux passions les plus féroces, aux instincts les plus brutaux. Dans la CITÉ LACUSTRE, dont l’action se déroule quelques milliers d’années plus tard, l’homme, qui appartient à cette race appelée peuple à dolmens, vit par tribus dans des agglomérations d’habitations terrestres ou lacustres; c’est l’âge intermédiaire de la pierre polie et le commencement de l’âge du bronze. Enfin, dans la troisième nouvelle: la FONDATION DE PARIS, nous avons étudié l’âge des métaux et la manière d’être des nations gauloises, plusieurs siècles avant l’arrivée de César dans les Gaules. Là, quoique nous touchions aux traditions historiques les plus anciennes, nous nous sommes appuyé particulièrement sur les monuments que l’archéologie a mis en lumière depuis peu.

On comprend combien ce travail, d’un genre absolument neuf, présentait de difficultés. Il nous a fallu encadrer dans une fable, que nous avons tâché de rendre intéressante, des détails nombreux dont tout l’intérêt consiste dans l’exactitude. Nous avons cherché à reconstituer, à faire revivre ce monde inconnu, et, si nous n’avions craint de fatiguer le lecteur, nous aurions pu à chaque phrase, presque à chaque ligne, citer un savant comme autorité. Mais, dans une œuvre de vulgarisation, nous avons cru devoir nous borner aux citations les plus indispensables.

Le lecteur décidera si nous avons atteint notre but. Demain, peut-être, d’autres découvertes viendront modifier les connaissances acquises, ouvrir un champ plus vaste à l’imagination; mais, quel que soit le sort de cet ouvrage, nous serons heureux d’avoir été le pionnier littéraire qui pénètre le premier dans ces régions si longtemps ignorées, et nous applaudirons à quiconque voudra tenter l’œuvre de nouveau.

ELIE BERTHET.

Le monde inconnu

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