Читать книгу Du consentement des époux au mariage : d'après le droit romain, le droit canonique, l'ancien droit français - Ernest Désiré Glasson - Страница 6

NOTIONS GÉNÉRALES.

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1. Conditions nécessaires pour la validité du mariage. — 2. Consentement aux fiançailles. — 3. Le consentement de la filiafamilias était-il exigé ? — 4. De la crainte révérentielle. — 5. Du cas spécial où le patron pouvait contraindre son affranchie à l’épouser.

1. — Les conditions nécessaires en droit romain pour la validité des justes noces sont au nombre de quatre: 1° la puberté chez l’homme et la nubilité chez la femme; 2° le consentement des futurs époux; 3° celui du paterfamilias sous la puissance duquel chacun des futurs époux se trouve et même celui des ascendants intermédiaires sous la puissance desquels pourront tomber, avec leur propre père, les enfants à naître du mariage; 4° le connubium, c’est-à-dire la faculté existant entre deux personnes de contracter mariage.

De ces quatre conditions, une seule doit nous occuper: c’est le consentement des futurs époux.

2. — Les justes noces étaient souvent précédées des fiançailles. On exigeait aussi pour cette convention préliminaire le consentement des futurs époux, et même celui des personnes qui exerçaient sur eux la puissance paternelle. Toutefois, s’il est vrai de dire que le fils ne pouvait pas être contraint à se fiancer, il semble qu’il résulte, au contraire, de certains textes que la fille ne pouvait pas se refuser aux fiançailles lorsqu’on lui présentait une personne de sa condition (par ex., L. 12, § 1. De sponsalibus. D. 23, 1.). Il ne faudrait pourtant pas attacher une trop grande importance à cette décision, et en conclure que le consentement de la filiafamilias n’était pas exigé pour les fiançailles, car le contraire résulte nettement de la Loi 11. De sponsalibus, 23. 1:

Sponsalia sicut nuptiæ, consensu contrahentium fiunt, et ideo sicut nuptiis, ita sponsalibus filiamfamilias consentire oportet.

Mais c’est une question de fait que celle de savoir dans quels cas la filiafamilias, consent, et sous ce rapport on ne se montre pas fort rigoureux; on présume qu’elle accepte, par cela seul qu’on lui présente un fiancé de son rang.

3. — On a cependant soutenu que le consentement de la filiafamilias n’était pas nécessaire, non-seulement pour les fiançailles, mais même pour le mariage. On a dit que si la loi romaine exige le consentement du filiusfamilias, elle ne parle pas de la fille alieni juris; le père pourrait dès lors la contraindre à se marier, et certains auteurs ont même affirmé que cette règle était vraie, non-seulement dans le droit primitif, mais aussi à l’époque des jurisconsultes classiques et jusque sous Justinien (cpr: Namur. Cours d’Institutes. I, p. 83).

A l’appui de cette opinion, on invoque surtout les textes où il est dit que le filiusfamilias ne peut pas être contraint à se marier.

— Non cogitur filiusfamilias uxorem ducere. L. 21. De ritu nuptiarum. D. 23. 2.

— Nec filiumfamilias quidem invitum ad uxorem ducendam cogi, legum disciplina permittit, L. 12. De nuptiis. C. 5. 4.

On conclut de ces textes qu’il en est autrement de la filiafamilias. Enfin, on cite encore la Loi 20. C. Denuptiis, où il est dit:

In conjunctione filiarum in sacris positaum, patris expectectur arbitrium. Sed si sui juris puella sit, quintum et vicesimum annum constituta ipsius quoque adsensus exploretur.

Les arguments tirés de ces textes nous paraissent insuffisants, surtout en présence de la règle générale de la Loi 2. De ritu nuptiarum. D. 23. 2, qui, sans distinguer selon qu’il s’agit de personnes sui juris ou de personnes alieni juris, d’un filiusfamilias ou d’une filiafamilias déclare d’une manière absolue: Nuptiæ consistere non possunt, nisi consentiant qui..... coeunt.

Que d’après les principes rigoureux du droit primitif, le paterfamilias ait eu le pouvoir de marier ses enfants, surtout ses filles, sans les consulter, c’est, en effet, ce qui nous semble résulter des anciennes rigueurs de la puissance paternelle (cpr: Marezoll. Droit privé des Romains, § 163.). Cet ascendant n’avait-il pas le droit de donner ses enfants in mancipio? Ce droit n’implique-t-il pas celui de donner sa fille en mariage?

Mais ce droit disparut de bonheur, à une époque qu’il paraît difficile de déterminer(). La règle si précise de la Loi 2, reproduite d’une manière non moins formelle dans un grand nombre de textes (cpr: L. 30. De regulis juris. D. 50. 16. — L. 6. De nuptiis. C. 5. 4.) ne saurait être écartée sous prétexte que d’autres textes parlent seulement du filiusfamilias. L’argument a contrario ne saurait avoir aucune valeur lorsqu’il ne ramène pas à la règle générale. Au lieu de restreindre ces textes aux fils alieni juris, il vaut beaucoup mieux les étendre aux filles; la preuve en résulte bien nettement de la Loi 11. De sponsalibus. 23. 1, qui porte:

Sponsalia, sicut nuptiæ, consensu contrahentium fiunt, et ideo, sicut nuptiis, ita sponsalibus filiamfamilias consentire oportet.

Il nous semble que l’on donne à la Const. 20. De nuptiis, un sens tout à fait inexact. On a voulu établir dans cette constitution qu’à l’égard des filles in sacris positæ c’est-à-dire en puissance paternelle() le consentement du père est toujours nécessaire; mais il n’en résulte nullement qu’on n’exige pas en même temps celui de la fille alieni juris.

Enfin, comment prétendre que sous Justinien les filiæfamilias peuvent être forcées de se marier, alors que cet empereur, dans la Novelle 115, chap. 3, § 11, range parmi les justes causes d’exhérédation le cas suivant: Si alicui ex prædictis parentibus volenti suce filiæ vel nepti maritum dare, et dotem secundum vires substantiæ suæ pro eo præstare, illa non consenserit, sed luxuriosam degere vitam eligerit.

4. — S’il est vrai de dire que, non-seulement sous Justinien, mais déjà longtemps auparavant, le consentement du paterfamilias ne suffit pas et qu’on exige aussi celui du fils ou de la fille alieni juris, il faut toutefois reconnaître que la volonté du père pouvait être d’une grande influence. Celui-ci pouvait désigner à son fils ou à sa fille la personne qu’il entendait lui donner pour épouse ou pour époux, et par cela seul que le fils ou la fille ne résistait pas, il était censé consentir: autrement dit, la simple crainte révérentielle n’empêchait pas le mariage d’être valable.

Si, patre cogente, ducit uxorem, quam non duceret, si sui arbitrii esset, contraxit tamen matrimonium, quod inter invitos non contrahitur; maluisse hoc videtur. L. 22. De ritu nuptiarum. D. 23,2.

5. — La liberté du consentement comportait une restriction bien plus importante à l’égard des femmes affranchies(). Tant que les affranchies furent soumises à la tutelle légitime du patron, il leur fallut le consentement de ce patron pour contracter mariage() (Ulp. Reg. tit. 11. § 22); c’était, du reste, une obligation commune à toutes les femmes; il fallait aussi aux ingénues en tutelle le consentement de leurs tuteurs (Cicéron. Pro Flacco, c. 34): Mais il est un cas où le consentement au mariage n’était pas exigé de la femme affranchie: c’est ce qui avait lieu quand le patron lui avait donné la liberté précisément dans le but de l’épouser().

Invitam libertam uxorem ducere patronus non potest, quod et Ateius Capito consulatu suo fertur dicrevisse; hoc tamen ita observandum est, nisi patronus ideo eam manumisit, ut uxorem eam ducat (L. 28 et 29. D. De ritu nuptiarum, 23. 2.).

Il importe de bien préciser le sens de cette règle rigoureuse. Il est bien certain qu’elle s’applique seulement au cas tout spécial d’un affranchissement matrimonii causa; dans tous les autres cas, le patron ne peut jamais contraindre son affranchie à l’épouser, et celle-ci a même le droit de rompre les fiançailles qu’elle a contractées avec lui (L. 28. L. 45, § 4. D. De ritu nuptiarum. 23. 2.). D’un autre côté, même dans l’hyphothèse de la loi 29, il nous semble d’autant plus difficile de prendre à la lettre la décision d’Ulpien, que l’atfranchie, contrainte à s’unir à son patron, aurait toujours le moyen de briser les liens qui l’enchaîneraient malgré elle au moyen du divorce. L’affranchie avait, en effet, le droit de divorcer, même contre le gré de son patron qu’elle avait épousé ; seulement dans ce cas, d’après la Loi Julia, cette femme ne pouvait devenir l’épouse ou la concubine d’un autre, tant que le patron n’avait pas consenti au divorce (L. 11. pr. De Divort. D. 24. 2 L. un. § 1. Unde vir et uxor. 38. 11.). Il est probable qu’Ulpien dans la Loi 29 n’a pas non plus voulu dire autre chose: quand un patron a affranchi une esclave dans le but de l’épouser, celle-ci ne peut pas se refuser au mariage, en ce sens que dans le cas où elle ne consentirait pas, elle serait incapable d’épouser un autre que son patron; mais on ne saurait aller plus loin et décider qu’elle peut être contrainte par la violence à épouser son manumissor; une semblable règle serait d’autant plus injuste que la femme pourrait s’y soustraire immédiatement par le divorce. Ainsi entendue, la Loi 29 n’en contient pas moins une restriction fort remarquable au principe de la liberté du consentement; car si l’on ne peut pas forcer directement l’affranchie à épouser son patron, elle y est cependant contrainte indirectement dans la plupart des cas par la menace d’un célibat perpétuel ou au moins fort long.

Cette interprétation n’est pas une pure conjecture; elle nous paraît confirmée par la Loi 51. De ritu nuptiarum où le jurisconsulte Licinius Rufinus nous dit:

Matrimionii causa ancilla manumissa, a nullo alio uxor duel potest, quam a quo manumissa est, nisi patronus matrimonio ejus renuntiaverit. Telle a aussi été, selon nous, la pensée d’Ulpien dans la Loi 29.

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