Читать книгу Du consentement des époux au mariage : d'après le droit romain, le droit canonique, l'ancien droit français - Ernest Désiré Glasson - Страница 8
DES FORMES DU MARIAGE ET, EN PARTICULIER, DU CONSENTEMENT.
Оглавление6. Mariage par confarreatio. — 7. Mariage par coemplio. — 8. Mariage purement consensuel. — 9. Du consentement dans les fiançailles.
6. — Les formes du consentement varient suivant qu’il s’agit d’un mariage avec manus ou d’un mariage sans manus.
Le mariage avec manus exige certaines formalités qui consistent dans la confarreatio ou la coemptio().
La confarreatio est certainement le mode le plus ancien de contracter mariage; elle se rattache aux croyances religieuses primitives de l’antiquité, au culte du foyer; aussi la rencontre-t-on, sauf quelques différences dans les détails, non pas seulement à Rome(), mais chez tous les peuples anciens, de la race indo-européenne, chez les Etrusques par exemple (Varron. De re rustica. II. 4.), chez les anciens Hindous dans les lois de Manou (cpr: Fustel de Coulanges. La cité antique, p. 49).
A Rome, la confarreatio produisait comme la coemptio, manus au profit du mari; aussi cet effet n’était-il pas son caractère particulier. Cette solennité était, avant tout, une cérémonie religieuse, et elle produisait un résultat remarquable, à l’exclusion du mariage par coemptio: les enfants issus d’une union par confarreatio étaient seuls capables de remplir certaines fonctions sacerdotales, celles de flamines majores, c’est-à-dire de flamines de Jupiter, de Mars et de Quirinus. Cela nous explique comment il se faisait que cette cérémonie religieuse était encore pratiquée par les patriciens à une époque où on ne l’employait plus comme moyen ordinaire de produire la manus (Demangeat, 1, p. 322).
La confarreatio consistait dans certaines cérémonies religieuses et dans la prononciation de paroles sacramentelles, en présence de dix témoins; la solennité était présidée par le grand Pontife et le flamine de Jupiter. Nous ignorons quels étaient ces témoins, quelles étaient ces paroles sacramentelles; mais à l’aide de renseignements puisés dans les anciens auteurs, on est parvenu à reconstituer, d’une manière plus ou moins exacte, l’ensemble de cette cérémonie religieuse. Hase, de manu juris Romani antiquioris nous en donne la description suivante: «Solemnitas maxime in eo posita fuit, ut fruges et mola salsa adhiberentur, quæ nomine farris sive farrei sc. panis vero in omnibus fere solemnibus veterum sacrificiis obvenit. Præfuerunt cæremoniis Pontifex Maximus et Flamen Dialis qui more solemni conjuges conjungebant: sponsus ipse cum sponsa in sellis superinjecta ovis pelle, quæ hostia fuerat, et velatis capitibus resedebat. Adhibebantur et aqua et ignis tanquam duo elementa quibus natura conjuncta habeatur, subsequebatur dextrarum conjunctio, totamque solemnitatem nullis infaustis ominibus ad finem perduci necesse erat, unde intercedens tonitru confarreationes dirimebat.» Le sens de ces rites religieux nous échappe complétement; on en est réduit à des conjectures plus ou moins vagues; ainsi rien ne nous dit que le feu et l’eau figuraient dans cette cérémonie comme pour prendre la nature entière à témoin par la représentation de ses principaux éléments; ne s’agissait-il pas plutôt de l’eau lustrale et le feu n’était-il pas l’emblème de la divinité la plus ancienne, source des religions païennes?
Toutes ces formes compliquées de mariage par confarreatio étaient exigées à peine de nullité ; cette rigueur n’était pas sans présenter de graves inconvénients. D’un autre côté, le paterfamilias finit par renoncer difficilement à la puissance sur sa fille, et les femmes sui juris voulurent conserver cette qualité. Aussi le mariage par confarreatio, vers la fin de la république et surtout au commencement de l’empire, tomba-t-il peu à peu en désuétude; le recrutement des citoyens chargés des fonctions sacerdotales de flamines majores devint même si difficile, qu’on fut obligé de faire une loi sous le règne de Tibère; il fut établi par cette loi que la confarreatio n’attribuait plus la manus au mari et produirait seulement ses anciens effets religieux() (Tacite. Annales IV. 16. Gaius I, 136.). Ainsi réduite, la confarreatio existait encore au temps de Gaius et elle subsista probablement tant que le paganisme fut religion de l’Etat.
7. — La seconde forme de mariage avec manus, d’une époque plus récente, est la coemptio; ce n’est plus le caractère religieux, mais le caractère civil qui domine dans cette seconde espèce de mariage; il s’agit avant tout d’une opération civile, d’une sorte d’aliénation. La coemptio n’en produit pas moins de grands effets au point de vue religieux; par celà même que la femme entre dans la famille de son mari, il n’y a pas seulement communauté d’existence, mais aussi de culte domestique. Toutefois ce dernier effet est considéré comme accessoire, preuve évidente que la coemptio date d’une époque plus récente que la confarreatio et à laquelle les croyances religieuses commencent à s’affaiblir sensiblement.
La coemptio avait lieu au moyen d’une mancipatio c’est-à-dire d’un mode fictif de translation de propriété en présence d’un libripens et de cinq témoins pubères et citoyens romains (Gaius. I., § 113.). Gaius nous dit que la vente se faisait entre les deux futurs époux et ne nous parle pas de la présence d’autres personnes; mais il est évident que, sur ce point, il est incomplet et suppose une coemptio entre deux personnes sui juris. Quand la femme était filiafamilias, celui sous la puissance duquel elle se trouvait jouait le rôle de vendeur; elle ne se vendait elle-même qu’autant qu’elle était sui juris, et même il fallait dans ce cas, à l’époque de la tutelle perpétuelle des femmes, l’auctoritas de ses tuteurs, car par cette mancipatio la tutelle allait finir et la femme changer de famille civile. De même, il n’est pas douteux que si le futur mari était alieni juris() son paterfamilias intervenait aussi dans la coemptio puisqu’il allait par l’intermédiaire de son fils acquérir des droits de famille sur cette femme().
La formule de la mancipatio subissait une légère modification dans le cas de la coemptio d’une femme. Lorsqu’il s’agissait d’acquérir le dominium sur un esclave ou le mancipium sur un homme libre, les paroles employées étaient les mêmes dans les deux cas: «Hunc ego hominem ex jure Quiritium meum esse aio isque mihi emptus est hoc œre æneaque libra (Gaius, I. 119 et 123); mais si l’on avait prononcé les même paroles dans le cas de mariage, en réalité la femme aurait été quasi serva et non pas quasi filia. Aussi Gaius nous apprend qu’on avait imaginé une formule particulière, mais son manuscrit est illisible à l’endroit où il la rapporte (Gaius. I, § 123). Les paroles prononcées par le mari étaient probablement les suivantes: Hanc ego ex jure Quiritium matremfamiliam meam esse aio eaque mihi empta est hoc ære æneaque libra. La femme ou son paterfamilias recevait alors du mari une pièce d’airain à titre de prix.
On a soutenu, en s’aidant d’un texte de Boëce, que cette formule était elle-même précédée de certaines interrogations et réponses de la part du mari et de la femme. Le mari aurait dit: Visne tu mihi ex jure Quiritium materfamilias esse, et ubi ego Gaius, tu Gaia sies? et la femme aurait répondu: Volo; puis, prenant à son tour la parole, elle aurait fait au mari la même question et reçu la même réponse (Boëce, Com. des Topiques de Cicéron). Nous pensons que ces paroles étaient complétement étrangères à la mancipatio; elles étaient probablement employées dans les cérémonies qui accompagnaient le mariage et provenaient des anciens rites religieux.
De même, on a pensé que la coemptio ne consistait pas seulement dans la vente de la femme au mari, mais aussi dans une vente réciproque que le mari faisait de sa personne à sa femme. On invoque toujours le même texte de Boëce qui porte: «Coemptio certis solennitatibus peragebatur, et sese in coemendo invicem, interrogabant vir ita: an sibi millier materfamilias esse vellet: ille respondebat velle. Item mulier interrogabat an vir sibi paterfamilias esse vellet: ille respondebat velle. ltaque mulier in viri conveniebat manum et vocabantur hæ nuptiæ per coemptionem et erat mulier materfamilias viro loco filiæ.» On rapproche de ce passage un texte de Plutarque extrait de ses Questions romaines et qui renferme la formule: ubi tu Gaius, ego Gaia; et enfin on cite un passage de Nonius où il est dit que la femme donnait un as à son mari emendi causa, c’est-à-dire comme prix d’achat de son mari: «Veteri lege Romana, asses très ad maritum veniens solebat afferre (mulier); atque unum quem in manu tenebat tanquam emendi causa marito dare; alterum, quem in pede habebat, in foco larium familiarium ponere; tertium in sacciperio quem condiderat, compito vicinali solere resonare (De propr. serm. XII. 50.).
Mais il résulte de ces textes eux-mêmes que ces cérémonies étaient purement coutumières et n’avaient aucun caractère légal; d’ailleurs le silence de Gaius sur ces points en est la meilleure preuve; il faut ajouter foi plutôt à ce jurisconsulte qu’à des auteurs qui connaissaient bien imparfaitement les anciennes institutions juridiques de Rome. Or Gaius nous représente la coemptio sous la forme d’une mancipatio ordinaire, avec une modification légère dans la formule (Gaius I. 123).
8. — Après avoir définitivement consacré le mariage civil par coemptio à côté du mariage religieux par confarreatio, on alla encore plus loin: pour adoucir les effets de ces deux formes de mariage, les seules que reconnût la loi, on décida que la manus pourrait s’acquérir aussi par une véritable usucapion d’une année (usus); le pouvoir du mari ne naissait plus immédiatement; mais seulement après une cohabitation continuée pendant un certain temps sans interruption; on poussa l’assimilation entre l’acquisition d’une chose et celle de la manus par l’usucapio au point de reconnaître que la femme aurait le droit de l’empêcher de se réaliser au moyen d’une véritable interruption de possession (trinoctium); le législateur prêta ainsi la main à l’affaiblissement des anciens droits rigoureux du mari; et l’on arriva naturellement à l’idée d’un mariage purement consensuel sans manus. conservant à la femme sa liberté, lorsqu’elle était sui juris, au paterfamilias la puissance paternelle sur sa fille si elle était alieni juris().
Dans le cas d’un mariage libre, il n’existait pas comme pour la coemptio et la confarreatio de formules sacramentelles; en cas de doute sur l’intention des parties, c’était au magistrat à examiner en fait si les paroles des parties, jointes aux circonstances qui les avaient accompagnées, indiquaient l’intention de contracter mariage ou seulement de se fiancer ou même n’impliquaient aucun engagement. Ainsi, les expressions: es mihi — es maritus — capio te in maritum — capio te in uxorem, prouvaient qu’on voulait se marier; au contraire, lorsqu’on disait: volo tecum contrahere matrimonium, on laissait supposer qu’il s’agissait plutôt et seulement des fiançailles, enfin, la formule «non habebo aliam uxorem nisi te,» n’établissait ni l’intention de se marier, ni celle de contracter des fiançailles, car elle était faite sous la condition: si duxero uxorem.
Il n’était même pas nécessaire que le consentement fût exprès; il pouvait n’être que tacite; ainsi la cohabitation faisait présumer le consentement au mariage (L. 24. De ritu nuptiarum. D. 23. 2.).
Mais il fallait que le consentement fût sérieux: simulatæ nupticæ nullius momenti sunt. L. 30. De ritu nuptiarum. D. 23. 2.
9. — Nous ne terminerons pas ce chapitre sans dire deux mots de la forme du consentement dans les fiançailles.
Dans l’ancien droit, on employait pour former les fiançailles la formule essentiellement romaine de la stipulation: Spondesne mihi aut illi uxorem futuram? Spondeo. (L. 2. De sponsalibus. D. 23.1 — Gellius. Lib. 4 Noct. attic. cap. 4. — Plautus in Curcul, act. V, scen. 2.) Tant que l’on n’avait pas prononcé ces paroles, il n’y avait pas fiançailles, mais simples promesses ne produisant aucun effet civil. «Primum, dit Gronovius sur Aulu-Gelle, virgo sperata dicebatur; quum conventa erat conditio, pacta; ubi interpositæ stipulationes, sponsa().»
Vers le septième siècle de Rome on n’exigea plus l’emploi de ces formules et l’on put manifester son consentement d’une manière quelconque, expressément ou tacitement, par paroles ou par écrit, en personne ou per nuntium (L. 4. pr. § 1. L. 7. pr. et § 1. L. 18. De sponsalibus 23. 1.). Nous avons même vu que l’absence d’opposition implique consentement (L. 12. h. t.)().