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I

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Il vit d’abord un gros chat, qui le saisit dans sa gueule, et dès sa première heure de vie libre, hors du nid, il se crut perdu sans rémission.

Mais, qui le croirait? Minet n’avait que de bonnes intentions à l’égard de Pierrot! Il ne le croqua point, ne serra point ses dents aiguës plus qu’il ne le fallait pour transporter délicatement l’oisillon aux pieds d’Élise, sa jeune maîtresse, qui s’écria, stupéfaite:

— Que m’apportes-tu là, Tigré ? un oiseau vivant!

Disons que Tigré ne connaissait pas cette fringale qui fait dévorer force souris et guetter traîtreusement les oiseaux aux chats qui n’appartiennent à personne ou à ceux que l’on affame pour en faire de bons chasseurs de la gent trotte-menu. Un moineau eût été un fin morceau pour un chat de cette espèce. Tigré était très bien élevé et très bien nourri. Il ne faisait dans les greniers et sur les toits que des promenades de pur agrément.

Le jour où notre Pierrot se crut la proie du gros chat à la pelisse jaune, rayée de noir, était celui où ses père et mère l’avaient jugé suffisamment élevé pour se tirer d’affaire tout seul. En donnant la volée à la première nichée du printemps, les époux-moineaux étaient allés vaquer à d’autres soins. Il est même probable qu’ils s’accordaient entre temps un petit voyage de plaisir.

Pierrot fut bien étonné de se trouver tout à coup sur les genoux, puis dans la douce main d’une jeune fille qu’il n’osa pas regarder tout d’abord. Quand le courage lui vint de fixer sur elle ses petits yeux brillants, il la trouva très jolie, mais trop pâle. Elle disait mère à une femme vêtue de noir, qui, debout derrière sa chaise, démêlait sa longue chevelure brune, à reflets d’or.

— Il n’y a donc que les oiseaux, pensa Pierrot, pour abandonner leurs enfants.

Pas plus tard que la veille, sa petite sœur, apprenant à voler, — c’était leur dernière leçon, — était tombée de l’arbre sur le pavé de la grande cour. Les parents ne s’en étaient point occupés. Son petit corps palpitant était resté là...

— Que va-t-on faire de moi? se demandait notre moineau.

La présence du gros chat le gênait beaucoup. Élise, ainsi se nommait la fillette, le sentait trembler dans sa main. Lui faudrait-il essayer de s’accoutumer à cette compagnie, faite pour effrayer l’oiseau le plus brave?

Tigré s’était mis en pelote devant le grand lit. Il filait le plus beau rouet qu’on eût jamais entendu. Il était chez lui.

— Pauvre mignon! comme son cœur bat! dit la jeune fille en passant doucement son doigt sur les plumes ébouriffées qu’elle ne parvenait pas à lisser.

— Ce n’est tout de même pas bien prudent de garder un oiseau près d’un chat, dit la mère. Le jour où le goût en viendrait à Tigré...

— Quelle horreur! s’écria sa fille. Mais vois pourtant comme il me l’a gentiment apporté, sans lui faire le moindre mal.

— C’est vrai. Et puis ce serait une agréable compagnie pour toi. Tu n’es pas trop bien portante en ce moment, et tu te trouves souvent seule quand je dois te quitter pour rapporter l’ouvrage.

— Je ne sais que décider, dit Élise, caressant toujours le petit oiseau. C’est vrai que Tigré ne reste guère chez nous. C’est peut-être pour me remplacer sa société qu’il m’a apporté ce moineau, ajouta la jeune fille en riant.

— Gardons-le jusqu’à ce qu’il sache voler et manger tout seul, dit Mme Marcelin. C’était le nom de la mère d’Élise.

Puis elle se mit à s’occuper de son ménage.

D’un air languissant, Élise se leva et rejeta en arrière sur ses épaules la belle tresse que sa mère venait de terminer par un nœud de ruban de satin noir. Debout, elle ne paraissait âgée que d’une quinzaine d’années, mais sa figure allongée et plutôt sérieuse lui en donnait davantage.

Lorsque Mme Marcelin vint poser devant elle, sur la table chargée d’ouvrage de lingerie, un bol de lait fumant et un petit pain, sa fille était encore indécise. Elle regardait du côté de la fenêtre, qui ouvrait sur le toit d’une maison très élevée.

— Il ne sait pas encore assez voler pour descendre d’une pareille hauteur, pensait-elle. Il arriverait en bas tout brisé.

Si Élise avait connu l’histoire de la petite sœur moineau, abandonnée mourante sur le pavé, elle aurait encore plus tremblé pour Pierrot.

— Mais, se dit-elle encore, au bout d’un seul jour, je m’y serai déjà trop attachée pour m’en séparer. C’est encore François qui me fait le plus peur pour lui, bien plus peur que Tigré. Je n’ose pas dire cela à mère. Elle pleure déjà bien assez à cause de ce méchant garçon.

Tout en déjeunant pour son propre compte, la jeune ouvrière partageait son pain et son lait avec Pierrot. Celui-ci avait encore le bec mou et jaune. Il l’ouvrait si grand que c’était très drôle à voir. Un rire joyeux, jeune et frais, éclata dans la chambre.

— A-t-il faim! Est-il gourmand! Il va tout dévorer!

On était à la première heure d’une belle journée de la fin d’avril. Le soleil n’éclairait pas encore les rues, en bas, dans les profondeurs. Mais il dorait le haut de la tour Eiffel. Il envoya ses premiers rayons si doux, qui voudraient n’éclairer que nos joies, dans la chambre du sixième, où se passait cette petite scène.

— Tiens! on dirait que le soleil lui fait plaisir, reprit Élise. Il a peut-être passé la nuit dehors, bien loin de son nid; c’est de froid qu’il tremble! — Il se secoue, — il essaie de se lisser les plumes. — Oh! tu es trop gentil, vois-tu!

Élise reprit Pierrot dans sa main et lui donna une série de petits baisers. Oubliant le chagrin qui est le dénouement presqu’inévitable de toutes ces histoires d’oiseaux, elle était maintenant tout à fait décidée à ne pas se séparer du moineau, et à s’en faire le plus de plaisir possible.

— Mère, crois-tu que la vieille Rosalie voudrait bien me prêter sa cage, puisque son canari vient de mourir?

— Peut-être, pour quelques jours, du moins, répondit Mme Marcelin.

— Elle ne veut plus garder d’oiseau; elle dit qu’elle n’en aimera jamais un autre. Et puis elle est si vieille!

— Tu penses qu’elle pourrait bien te laisser sa cage par son testament, dit en souriant la mère. — Si tu vas chez elle, demande-lui quelles commissions je puis faire pour elle aujourd’hui. Elle a tant de peine à remonter nos six étages, qu’un jour elle se laissera mourir de faim.

— Viens donc, Pierrot, dit Élise.

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