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III

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En quittant Rosalie, Élise voulut emporter la cage et Pierrot. Mais, plus de Pierrot! Évidemment, troublée par l’état où elle avait trouvé leur vieille voisine, Élise avait oublié de fermer la porte de la cage. Celle de la chambre était restée entr’ouverte, et l’oiseau avait profité de toutes ces bonnes chances pour reprendre sa liberté. Il avait bien déjeuné, et il était l’imprévoyance même, le pauvre petit!

Sous les meubles, partout, Élise chercha, fureta. Puis, dans les longs couloirs qui se croisaient devant toutes ces chambres de domestiques ou de locataires pauvres. Elle descendit ensuite six étages, alla voir jusque dans la rue, où picoraient les gros moineaux.

Elle remonta haletante, sans Pierrot. Sa mère se disposait à retourner chez Rosalie et paraissait mécontente.

— Ma fille, dit-elle avec quelque fermeté, songe qu’il est neuf heures, et que notre journée de travail n’est pas commencée. Tu sais que c’est le mois du terme, et que nous gagnons si juste que je n’aurai pas les moyens de t’envoyer un peu à la campagne, ce qui me crève le cœur. Quand il s’agit de secourir une pauvre voisine, c’est bon, mais gâcher son temps pour un oiseau!...

Élise était bien rarement reprise par cette mère si bonne, qui se fatiguait sans trêve et ne la laissait jamais travailler trop longtemps de suite. Restée seule, elle bouda quelque peu.

L’amour des mères, des meilleures, n’est pas toujours sans danger pour leurs enfants. Il fait prospérer en eux l’égoïsme comme une plante touffue, aux racines profondes.

Élise ne savait guère voir les traces du chagrin et des veilles sur le visage de sa mère, qui était restée veuve dans une grande gêne. Elle s’apitoyait plutôt sur elle-même et trouvait dure la destinée de la jeune fille pauvre, privée de ce qui fait épanouir la jeunesse.

Elle aurait voulu avoir les ailes que donnent l’argent, le loisir, pour suivre l’oiseau dans son vol vers la liberté. Elle regardait par la fenêtre ouverte les toits d’ardoise scintillants au soleil; les fumées bleues qui montaient si légères, et, dans un grand éloignement, une ligne de collines pâles, vaporeuses. Le vent chargé de senteurs printanières, qui entrait pour lui caresser le visage, semblait lui dire: — «Viens donc!»

La fillette poussa tout à coup un cri de surprise. Deux petits yeux noirs et vifs la regardaient du dehors. Pierrot, son Pierrot, se tenait perché sur l’extrême bord de la gouttière, dans une position fort dangereuse, et la dévisageait avec une grande hardiesse.

Comment travailler? Elle courut lui faire une petite pâtée. Elle essaya de l’attirer près d’elle par de gentils signes d’amitié, bien doucement, lui présentant à manger

Le moineau avait faim, sans aucun doute. Dans un but tout intéressé, il s’approcha à petits sauts. Il allait venir becqueter le pain trempé, dans la soutasse que lui tendait son amie...

Mais las! un grand tapage se fait entendre du côté de la porte. Élise laisse échapper la soutasse, et Pierrot recule avec prudence. Il se ménage une porte de sortie et attend les événements.

C’est François, le frère d’Élise, d’un an plus jeune qu’elle. Son caractère est mauvais, brutal. Il est apprenti menuisier, mais il a toujours perdu sa place, et toujours pour de tristes raisons, qu’on apprend quand on va aux renseignements. La mère n’a plus le courage d’y aller pour qu’on lui fasse honte de son enfant. Elle voit déjà engagé dans la plus mauvaise voie ce fils unique, qui ne fait qu’ajouter à ses peines la pire de toutes.

Quand il arrive, c’est pour se faire nourrir, comme le moineau. Il débite toujours une histoire pour expliquer qu’il est de nouveau à ne rien faire.

Élise a presque peur de lui. Elle lui répond à peine. Son frère s’assied près d’elle et touche à tout sur la table. Il a commencé par se chercher dans l’armoire un morceau de pain, du fromage. Sa sœur, penchée sur son travail, prend un air extraordinairement appliqué. Le dos tourné contre la fenêtre, elle espère lui cacher le moineau.

— Où est Tigré ? demande François, qui n’aime rien tant que de taquiner chien ou chat.

Mais il a regardé par-dessus les épaules d’Élise, par un pur hasard.

— Tiens! un moinillon de l’année, s’écrie-t-il. Pousse-toi donc, que je l’attrape.

Élise se lève, ferme brusquement la fenêtre. Pierrot a compris le signal.

Il regarde sa grande amie comme pour lui dire adieu. Il se risque et se laisse tomber du toit.

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