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L'EMPLOYÉ, PERRICHON, MADAME PERRICHON, HENRIETTE

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Ils entrent de la droite

PERRICHON.—Par ici!… ne nous quittons pas! nous ne pourrions plus nous retrouver… Où sont nos bagages?… (Regardant à droite; à la cantonade.) Ah! très bien! Qui est-ce qui a les parapluies?

HENRIETTE.—Moi, papa.

PERRICHON.—Et le sac de nuit?… les manteaux?

MADAME PERRICHON.—Les voici!

PERRICHON.—Et mon panama?… Il est resté dans le fiacre! (Faisant un mouvement pour sortir et s'arrêtant.) Ah! non! je l'ai à la main!… Dieu, que j'ai chaud[1]!

MADAME PERRICHON.—C'est ta faute!… tu nous presses, tu nous bouscules!… je n'aime pas à voyager comme ça!

PERRICHON.—C'est le départ qui est laborieux: une fois que nous serons casés!… Restez là, je vais prendre les billets… (Donnant son chapeau à Henriette.) Tiens[2], garde-moi mon panama… (Au guichet.) Trois premières[3] pour Lyon?

L'EMPLOYÉ, brusquement.—Ce n'est pas ouvert! Dans un quart d'heure!

PERRICHON, à l'employé.—Ah! pardon! c'est la première fois que je voyage… (Revenant à sa femme.) Nous sommes en avance.

MADAME PERRICHON.—Là! quand je te disais que nous avions le temps…

Tu ne nous as pas laissé déjeuner!

PERRICHON.—Il vaut mieux être en avance!… on examine la gare! (A Henriette.) Eh bien! petite fille, es-tu contente?… Nous voilà partis!… encore quelques minutes, et, rapides comme la flèche de Guillaume Tell, nous nous élancerons vers les Alpes[4]! (A sa femme.) Tu as pris la lorgnette?

MADAME PERRICHON.—Mais oui!

HENRIETTE, à son père.—Sans reproches, voilà au moins deux ans que tu nous promets ce voyage.

PERRICHON.—Ma fille, il fallait que j'eusse vendu mon fonds… Un commerçant ne se retire pas aussi facilement des affaires qu'une petite fille de son pensionnat… D'ailleurs, j'attendais que ton éducation fût terminée pour la compléter en faisant rayonner devant toi le grand spectacle de la nature!

MADAME PERRICHON.—Ah ça! est-ce que vous allez continuer comme ça?

PERRICHON.—Quoi?

MADAME PERRICHON.—Vous faites des phrases dans une gare!

PERRICHON.—Je ne fais pas de phrases… j'élève les idées de l'enfant. (Tirant de sa poche un petit carnet.) Tiens, ma fille, voici un carnet que j'ai acheté pour toi.

HENRIETTE.—Pour quoi faire?

PERRICHON.—Pour écrire d'un côté la dépense et de l'autre les impressions.

HENRIETTE.—Quelles impressions?

PERRICHON.—Nos impressions de voyage! Tu écriras, et moi je dicterai.

MADAME PERRICHON.—Comment! vous allez vous faire auteur à présent?

PERRICHON.—Il ne s'agit pas de me faire auteur… mais il me semble qu'un homme du monde peut avoir des pensées et les recueillir sur un carnet!

MADAME PERRICHON.—Ce sera bien joli!

PERRICHON, à part.—Elle est comme ça chaque fois qu'elle n'a pas pris son café[5]!

UN FACTEUR, poussant un petit chariot chargé de bagages.—Monsieur, voici vos bagages. Voulez-vous les faire enregistrer?

PERRICHON.—Certainement! Mais avant, je vais les compter… parce que, quand on sait son compte[6]… Un, deux, trois, quatre, cinq, six, ma femme, sept, ma fille, huit, et moi, neuf. Nous sommes neuf[7].

LE FACTEUR.—Enlevez!

PERRICHON, courant vers le fond.—Dépêchons-nous!

LE FACTEUR.—Pas par là, c'est par ici! (Il indique la gauche.)

PERRICHON.—Ah! très bien! (Aux femmes.) Attendez-moi là!… ne nous perdons pas! (Il sort en courant, suivant le facteur.)

Le Voyage de Monsieur Perrichon: Comédie en quatre actes

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