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XI.

Table des matières

L’INDUSTRIE PATERNELLE.

Ai-je dit quelle était la profession de mon père? Je ne le crois pas; il est utile pourtant que vous le sachiez.

Fils d’un serrurier de campagne et. serrurier lui-même, il était venu s’établir dans la ville où nous habitions; c’est là , d’ailleurs, qu’il avait terminé son apprentissage; car, s’il s’en fût tenu à son bonhomme de père, jamais il n’eût su le métier, parce que le grand-père lui-même, assez entendu aux serrures, n’eût pas été capable de construire un tourne-broche. Ce vieux grand-père ignorant était celui dont j’ai parlé , avec lequel, paraît-il, j’ai tant de ressemblance.

Mon père devint, au contraire, fort habile et succéda plus tard à son patron, dont il épousa la fille unique.

C’était le temps où commencèrent à paraître les mécaniques à filer. Mon père, appelé à réparer quelques-unes de ces machines, ne tarda pas d’en saisir la construction; il y apporta même quelques perfectionnements, se mit à en fabriquer lui-même et peu à peu se vit à la tête d’un and atelier.

Du reste, le travail était pour lui un bonheur; il y retrouvait la serénité, l’enjouement. C’était plaisir de le voir à ses machines, qu’il travaillait à monter pièce à pièce de ses propres mains.

Et puis il aimait le fer. Le bruit du fer, l’odeur du fer le charmaient. Il nous avait construit en fer tout un mobilier de sa façon. Il sut, à toutes choses, appliquer la serrurerie et la quincaillerie. Et, dans tout cela, que d’objets ingénieux! que de recherches! que d’invention! et quelle joie à chaque difficulté vaincue! Ai-je besoin de dire qu’il adorait sa profession? Travailler le fer était, à ses yeux, le premier des arts, le fer étant, disait-il, la base de tout, puisque l’agriculture même, sans lui, ne serait pas possible.

Eh bien! comment cela s’est-il fait? Je ne le saurais dire; mais pas un de ses fils ne continua cette profession, pas un même ne parut y songer. Mes frères avaient tous la cervelle à Paris, et moi je l’avais aux champs. Je dois ajouter encore ce détail: mon père, en sa qualité de mécanicien, aimait à s’occuper même de la mécanique céleste, et nous reçûmes tous de lui nos premières leçons d’astronomie. Il nous avait construit une fort jolie machine, à l’aide de laquelle il nous expliquait le système planétaire. J’avais quelque aptitude, je l’ai dit, pour les mathématiques et la géométrie. Ces notions d’astronomie furent donc pour moi un très bon complément et comme une suite naturelle à la seule étude qui, jusque-là, m’eût été possible.

Mémoires d'un imbécile: écrits par lui-même

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