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CHAPITRE PREMIER.

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Table des matières

Le Palais et la Cité. — Aspect du Palais. — Son origine. — Souvenirs historiques. — Paris sous la domination romaine. — Du Palais municipe. — Ravages des Normands. — Défense de Paris par le comte Eudes. — Assemblée générale des Francs. — Eudes élu roi. — Château fort bâti dans la Cité.

Le Palais de justice de Paris est situé dans la Cité, cet espace étroit, tout environné de quais, qui a servi de berceau à la plus magnifique et la plus importante capitale d’Europe.

Le Palais et la Cité sont étroitement liés l’un à l’autre, et logiquement, on ne peut pas faire l’histoire du Palais sans entrer d’abord dans quelques détails sur la Cité. Le vieux chroniqueur Duchêne disait, en en parlant: «Elle se peut nommer la vieille ville, non comblée toutefois de ruines et destituée d’habitants, comme est la vieille Rome à présent, mais féconde en citoyens, superbe en édifices, excellente en temples, en nobles églises, non moins industrieusement bâties que celles de Rome, mais plus religieusement et sainctement honorées que les temples des anciens Romains.» Puis il ajoute: «Cette Cité dont est la vieille ville et le premier Paris, c’est la vieille Lutèce, laquelle est environnée des deux bras de la Seine.» Chap. IV, p. 47.

Au temps où écrivait Duchêne (1629), le vieux Paris avait un éclat qu’on ne soupçonnerait pas aujourd’hui en parcourant les rues qui le composent: l’aspect des maisons des rues de la Cité n’a rien que de triste et d’affligeant; il semble que là où s’étalaient jadis fastueusement les plus magnifiques étoffes, les plus brillantes parures, il n’y a place que pour la misère et ses douloureuses plaies, et qu’elle veut à tout prix faire élection de domicile dans la vieille Lutèce.

Ceux qui voudront s’en convaincre n’ont qu’à parcourir la tortueuse rue Saint-Eloi, la rue de la Calandre, et autres attenantes, et presque soudées au Palais de justice.

On a énormément écrit sur les origines de la Cité, et comme cela arrive toujours en pareille matière, historiens et chroniqueurs ne sont pas d’accord. — Quant à nous, nous laisserons de côté toute vaine dispute, nous contentant de constater que César, dans ses Commentaires, nous apprend que Lutèce était, au temps de l’invasion des Gaules par les Romains, une forteresse appartenant aux Parisiens, qui se trouvait renfermée dans une île de la Seine.

Le territoire des Parisiens n’avait pas grande étendue, et c’est à peine s’ils pouvaient, dans les guerres soutenues contre César, mettre plus de deux mille hommes sous les armes.

Les habitants de Lutèce étaient peu nombreux, et ne possédaient que des chaumières construites en bois et couvertes en chaume.

Les Romains, une fois maîtres des Gaules, firent de Paris un point fortifié capable d’une bonne défense.

Paris, sous leur domination, devint ville municipe: c’est-à-dire que ses habitants jouissaient en partie des priviléges des citoyens romains; mais ces privilèges étaient, en réalité, plus honorifiques que réels.

Voilà encore un point historique qui a donné lieu à bien des conjectures, — à bien des controverses. — Paris a été ville municipe, a-t-on dit; dès lors il a dû y avoir dans son enceinte un palais municipe; — partant de là, on en a conclu que le Palais de justice actuel n’est autre que le palais municipe des Gallo-Romains, reconstruit et modifié selon les temps.

Mais c’est là une version hasardée, et Paris avait trop peu d’importance et trop peu d’habitants pour avoir besoin d’un palais pour les réunir. Enfin, on a beau fouiller nos annales en tous sens, on ne rencontre rien de précis, rien de sérieux touchant le Palais, avant la fin du neuvième siècle.

On ne sait pas au juste à quelle époque la ville de Lutèce changea son nom en celui de Paris, mais on sait que les empereurs Valentinien et Valens, qui y résidaient, y publièrent trois lois rapportées au Code théodosien, et que dans chacune d’elles ils nommèrent le chef-lieu des Parisiens Parisii.

Depuis, le nom de Paris a été conservé dans les histoires et dans les actes publics.

Cependant on retrouve encore dans quelques actes l’emploi du mot Lutèce.

Grégoire de Tours s’en est servi dans ses Annales, et il est fort remarquable qu’il ait été encore mis en usage sous François Ier, après l’ordonnance par laquelle il avait enjoint qu’à l’avenir tous les actes judiciaires seraient écrits en français.

Enfin en l’année 1599, la date de la sentence touchant la dissolution du mariage du roi Henri IV avec la reine Marguerite de France commençait ainsi: «Datum Lutetiæ Parisiorum, in dicto Palatio, die veneris.» (Marcel, Hist. de la monarchie française, tome III, page 415.)

Paris, sous la domination romaine, fut créée ville municipe, ainsi que nous l’avons dit plus haut, et elle fut régie par la loi romaine.

Chaque ville municipe était administrée par un sénat composé de membres des principales familles, et les différentes villes ou bourgs compris dans le territoire de chaque cité avaient un conseil municipal formé d’hommes libres propriétaires, issus des familles qu’on appelait curiales. Les ducs, les comtes et les délégués du préteur ou du vicaire commandaient et rendaient la justice dans chaque cité, comme le faisait le préteur lui-même, c’est-à-dire avec le concours et l’assistance d’un certain nombre de notables, depuis assesseurs, scabins et jurés.

Des questeurs étaient chargés du recouvrement des impôts. Ainsi, les agents du prince administraient tout ce qui concernait l’intérêt général de l’empire, tandis que les intérêts locaux restaient confiés à la libre administration des sénateurs gaulois. Les villes colonies avaient aussi leurs lois municipales, leurs magistratures particulières, leur sénat et leur curie.

Il faut donc tenir pour certain que Lutèce, sous la domination romaine, en sa qualité de ville municipe, eut un corps de ville, un préteur pour rendre la justice, ou un délégué du préteur, que ses habitants élisaient leurs magistrats, soit civils, soit judiciaires, mais relevant de l’autorité romaine; mais où siégeait le corps de ville, on ne le sait.

Le comte, délégué du préteur ou du vicaire, présidait toutes les assemblées de justice dans les cités gauloises: on ne pouvait pas se soustraire à la juridiction générale du préteur; c’était lui qui recevait les appels des jugements civils rendus par les duumvirs, comme le vicaire jugeait les appels des sentences criminelles, dont la révision appartenait toujours au préfet du prétoire ou au lieutenant de l’empereur.

Toutes les petites causes et les délits de peu d’importance étaient jugés souverainement par les défenseurs des cités, espèce de tribuns qui étaient chargés de protéger le peuple contre les abus de l’administration locale et contre les actes arbitraires des agents impériaux. Ce fut dans les premières années du cinquième siècle que la domination romaine disparut dans les Gaules, sous le règne du faible Honorius. Ce méprisable empereur, en l’année 418, au moment où tout croulait autour de lui, rendit un édit, pour la convocation des états dans la ville d’Arles, qu’il adressa au sénateur Agricola, dernier préfet du prétoire des Gaules; ces états généraux, où se rendaient les députés de toutes les cités pour faire connaître leurs besoins et faire entendre leurs plaintes contre les magistrats romains, se tenaient jusque-là dans la ville de Trèves; mais les Bourguignons et les Francs étaient alors maîtres de ce pays et des deux provinces septentrionales: aussi l’empereur ne convoqua-t-il à Arles que les magistrats et les députés de chacune des sept provinces qui restaient encore à l’Empire. Cet édit de l’an 418 prouve que, suivant l’ancienne coutume des Gaulois, ces assemblées générales étaient convoquées annuellement sous la direction du préteur, et plus tard du préfet du prétoire, pour délibérer sur toutes les affaires publiques et sur les intérêts particuliers de chaque cité.

Les Romains avaient conquis les Gaules, ils en furent chassés par les barbares venus des forêts de la Germanie: leurs palais somptueux ne les sauvèrent pas d’une ruine complète; et ils succombèrent sous les coups redoublés des Visigoths, des Bourguignons et des Francs.

Les Gaulois, qu’ils avaient asservis, ne se levèrent pas pour les défendre, et les barbares, quand ils furent installés dans les Gaules, se trouvèrent entraînés à imiter les usages qu’ils y trouvèrent établis.

Les pays soumis à cette puissance nouvelle conservèrent leurs lois et leurs tribunaux.

Les coutumes locales furent généralement conservées, et la preuve que la loi romaine ne cessa pas alors de gouverner les pays de l’ancienne domination gothe et bourguignonne se trouve dans toutes les pages de l’histoire de cette province.

Les Bourguignons et les Francs, vainqueurs de la Gaule septentrionale, conservèrent aussi les usages existants.

Clovis envoya dans toutes les cités gauloises et romaines des officiers qui, sous le titre de graffions ou de juges, convoquaient et présidaient les assemblées des Francs, où se rendait la justice, et conserva les prétoires ou tribunaux romains pour juger les causes romaines selon la loi romaine; mais ces officiers ne s’occupaient pas de l’administration municipale, qui continua d’exister dans toutes les cités qui conservèrent leurs curies, leurs magistrats et leurs coutumes, ainsi que l’atteste Marculphe, livre II, form. 37. Ce prince corrigea et publia la loi des Francs Saliens, qui gouvernait depuis longtemps cette nation, soit au-delà du Rhin, soit depuis ses premiers établissements sur le territoire des Gaules.

Paris, sous Clovis, qui y séjourna à diverses fois, et qui y mourut (511), conserva donc ses institutions, nous ne dirons pas romaines, mais gallo romaines.

Après sa mort, ses quatre fils se partagent le territoire franc; leurs résidences ordinaires sont: Metz, Soissons, Paris, Orléans; Paris reste indivis entre les quatre frères, ils ont chacun une portion de l’Aquitaine à peine conquise.

Paris fut dès ce moment regardé comme la capitale de la France; c’est dans cette ville que se tenaient les assemblées générales, où se réglaient les affaires de la monarchie divisée. Sous la seconde race des rois de France, Paris cessa d’être la ville capitale.

Laon fut la résidence des rois, descendants de Charlemagne, qui portaient encore ce nom; mais les comtes de Paris devinrent bientôt les rois de France, tandis que les rois de Laon ne turent plus que les ducs de Lorraine.

En l’année 885, le comte Eudes défend Paris contre les Normands; il donne à l’enceinte de la Cité un accroissement considérable en fortifications.

La Cité était alors partagée en deux parties par un chemin qui, partant du Petit-Pont, s’étendait en tournant par la rue de la Calande jusqu’au Grand-Pont, aujourd’hui Pont-au-Change. Dans la partie occidentale résidait le comte Eudes, dans un château fortifié qui aida puissamment à défendre Paris contre les Normands; et c’est ce château qui a servi de berceau au palais actuel.

Les Normands, ces hardis écumeurs de mer, assiégèrent Paris en 885, avec des forces considérables. On les vit remonter la Seine avec sept cents barques ou vaisseaux, tels que ce fleuve les pouvait porter. Leur armée était composée de trente à quarante mille hommes, qui se présentèrent devant Paris après avoir brûlé Pontoise. Sigefroy, leur chef, vint trouver Gossan, alors évêque de Paris, pour lui demander passage, en lui promettant de ne commettre aucun désordre dans la ville; mais un lui répondit que la capitale d’un royaume devait défendre les autres cités et non servir à leur ruine, et qu’il pouvait s’en retourner d’où il était venu, ou combattre.

Cette fière réponse irrita grandement les Normands, et dès le lendemain, ils vinrent attaquer Paris, qui fit une résistance héroïque. — Eudes, comte de Paris, y commandait, assisté par son frère Robert: tous deux se montrèrent vaillants et résolus; aussi les voyons-nous plus tard changer tous deux leur couronne de comte contre la couronne royale.

Le siège de Paris dura deux années: il fut levé en 887. Nous n’avons pas à raconter toutes les prouesses ni tous les beaux faits d’armes qui s’y passèrent; mais ce que nous constatons, c’est la présence du comte Eudes à Paris pendant deux années, c’est l’existence d’un château fortifié servant à défendre Paris. En 887, le comte Eudes est élu roi de France. C’était la première fois que la couronne sortait de la famille carlovingienne. Eudes, devenu roi, continua à résider dans son château fort, crénelé de toutes parts, ceint de bonnes murailles et flanqué de grosses tours. — Certains chroniqueurs ont même voulu soutenir que les tours qui flanquent encore aujourd’hui le Palais ent été construites par les ordres de Eudes, mais c’est là une erreur: ces tours sont du douzième ou du treizième siècle; on doit plutôt croire qu’elles sont du treizième, et qu’elles ont été construites par saint Louis, quand il fit au Palais de grandes constructions; car elles furent telles que le Palais se trouva complètement changé.

M. Jaillot, dans ses Recherches sur Paris, au quartier de la Cité, prétend qu’il y avait un palais de nos rois dans l’intérieur de la Cité , que les ducs de France et comtes de Paris, qui s’emparèrent de l’autorité royale, avaient dû nécessairement habiter ce palais; qu’un fragment de l’histoire de France, depuis Louis le Débonnaire jusqu’au règne du roi Robert, écrite par un auteur contemporain dont le nom n’est pas venu jusqu’à nous, rapporte que Hugues, duc de France, habita le Palais; M. Jaillot ajoute que les premiers comtes de Paris, bien antérieurs à Eudes, occupaient ce palais, où les incursions des Normands les avaient obligés de se retirer, afin de veiller à la défense et à la conservation de la Cité.

Un capitulaire de Charlemagne nous donne une idée de l’organisation civile de Paris au moment où Eudes fut proclamé roi; car rien, depuis Charlemagne jusqu’à son avènement, n’en avait modifié les dispositions.

On voit que les lois se publiaient alors dans une assemblée publique composée des comtes, évêques et abbés, et des échevins ou assesseurs du comte, ses auxiliaires dans l’administration de la justice.

Ce fut dans une de ces assemblées que le comte Eudes fut élu roi, et c’est ici l’occasion d’en faire connaître les principaux caractères, car nous verrons plus tard les parlements leur succéder.

Toutes les sources de notre histoire nous prouvent que l’Etat français est une véritable monarchie tempérée par les lois et coutumes; que dans la première origine, toutes les affaires majeures se traitaient dans les assemblées générales des Francs.

Les assemblées se composaient-elles, dans l’origine, de tous les Francs? C’est ce qui paraît probable; mais, vers le milieu du sixième siècle (en 555), nous trouvons une loi de Childebert Ier qui prouve que les consilium, colloquia, conventus, ou placita, n’étaient souvent composés que des principaux de la nation.

Una, dit ce prince, cum nostris optimatibus pertractavimus.(Recueil de la loi salique, année 555.)

Ces grands optimates, les leudes, appelés depuis fidèles, étaient tous nommés Francs par excellence; ce terme, selon les plus anciennes lois, signitiait souvent les juges choisis par la nation (Ducange).

Pepin, premier roi de la seconde race, tenait tous les ans, aux calendes de mars, cette assemblée générale avec tous les Francs. Mais quelle que fût cette assemblée générale avant Charlemagne, on voit que sous ce prince, ainsi que sous ses successeurs, elle n’était composée que des grands et des notables de la nation.

C’était dans ces assemblées des féaux que les lois se formaient.

Qu’il y ait eu dans la constitution des assemblées générales des modifications successives, c’est ce qui est hors de doute: leur caractère démocratique s’est perdu après la conquête; les Francs, mêlés aux Gallo-Romains, n’ont pas été seuls appelés à en faire partie: les notables d’entre eux ont maintenu leurs privilèges, et les dignitaires ecclésiastiques, ainsi que les fonctionnaires importants des grandes cités, le partagèrent. Voilà ce qu’il y a de certain, et le pouvoir souverain, sous la première race comme sous la seconde, ne résida jamais sans contrôle ou sans contre-poids entre les mains des rois.

Eudes ne jouit pas de la royauté sans conteste: il ne fut pas toujours aussi heureux, dans ses guerres avec les Normands, qu’il l’avait été à l’époque du siège de Paris; et en l’année 889, il éprouva un grand échec dans le bassin de la Meuse.

Un parti de seigneurs et d’évêques se forma alors en faveur de Charles le Simple, fils posthume de Louis le Bègue, qui finit par signer un traité en vertu duquel Eudes, qui n’avait pas d’enfants, reconnut Charles pour son héritier (896). Eudes mourut en 898, et par suite du traité signé deux ans auparavant, Charles le Simple monta sur le trône.

Mais il fut dépossédé en 922 et renfermé dans le château de Péronne, où il mourut captif, en 929. — Les grands du royaume, après sa déposition, élevèrent au trône Robert, comte de Paris, duc de France et frère d’Eudes.

En l’année 987, Hugues Capet est élu roi; nous savons de source certaine qu’il fixa sa résidence dans le Palais de la Cité ; et en s’établissant ainsi dans Paris, il désigna définitivement cette ville comme la capitale du royaume.

Histoire du palais de justice de Paris et du parlement (860-1789)

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