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DE L’ÉCLAIRAGE DES OBJETS SOUMIS AU MICROSCOPE.
ОглавлениеLes objets soumis au microscope peuvent être éclairés de deux manières: ou par réflexion, si l’on reçoit la lumière sur leur surface, pour voir cette surface seule avec tous ses détails eu creux et en relief; ou par transparence, si, voulant pénetrer dans la structure intime de ces objets, on les fait traverser par le faisceau de lumière incidente. C’est encore ainsi qu’on éclaire les très petits objets dont on veut voir seulement le contour ou la sylhouette. Pour ces deux modes d’éclairage, les moyens à employer sont fort différens.
Quand on étudie, à de faibles grossissemens, les objets éclairés par réflexion, la lumière du jour suffit ordinairement, si le ciel est découvert et brillant, ou s’il ne se présente que des nuages blancs légers. On peut d’ailleurs, si cette lumière ne suffit pas, recevoir, comme le faisait Spallanzani, un rayon de soleil sur l’objet soumis à l’observation. Mais aussitôt qu’on emploie des grossissemens plus forts, il devient impossible de se servir ainsi de la lumière directe du soleil, parce qu’il en résulte des effets d’irradiation qu’ou ne peut éviter, et qui ont causé de nombreuses erreurs parmi les physiologistes micrographes du dix-huitième siècle.
La lumière d’une forte lampe à double courant d’air n’aura pas cet inconvénient, si elle est concentrée sur l’objet par une large lentille de 5 à 8 centimètres de foyer. On pourra d’ailleurs également concentrer la lumière du ciel par le moyen de cette lentille. Cependant la lumière ainsi concentrée arriva obliquement sur l’objet, et d’autant plus obliquement que l’objectif ou la lentille du microscope en est plus rapproché. On conçoit bien qu’il devient même totalement impossible d’éclairer ainsi quand, pour les forts grossissemens, la distance entre l’objet et la lentille du microscope est moindre que deux ou trois millimètres.
On a recours alors à l’emploi d’un petit miroir concave d’un très court foyer (pl. II, fig. 1) qui, percé d’une ouverture centrale pour laisser passer l’objectif du microscope, s’adapte à l’extrémité de cet instrument, soit à vis, soit à frottement, soit au moyen d’un support particulier. Lieberkühn, le premier, adapta au microscope simple des miroirs métalliques de ce genre auxquels on a conservé son nom. M. C. Chevalier a construit ces petits miroirs en verre étamé ; ils ne sont point sujets à se ternir par l’oxidation, absorbent moins de lumière, et donnent ainsi une clarté plus vive.
L’objet est placé sur un petit disque opaque, en liége noir, par, exemple a, assez large seulement pour intercepter toute la lumière du faisceau m qui pourrait arriver sur l’objectif du microscope n. Ce petit disque est fixé à l’extrémité d’une aiguille comme celle de la figure 5, dont le support à genou (n, fig. 5) s’adapte à la platine du microscope, et qui permet d’amener l’objet au point convenable dans l’axe de l’instrument; mais il est plus simple encore de placer le petit disque noirci a au milieu d’une plaque de verre b qui glisse sur la platine c ou sur le chariot, en ayant soin de supprimer tous les diaphragmes, et de laisser le passage d d, aussi grand que possible pour le faisceau lumineux m, qui, réfléchi par la surface concave du miroir, vient se concentrer sur l’objet a, placé au foyer du miroir, c’est-à-dire à moitié de la longueur du rayon. La lumière, comme on le voit d’après la figure, arrive donc également surtout le contour de l’objet, et avec une obliquité d’autant plus grande que la distance focale de l’objectif est moindre; on conçoit dès lors qu’il n’en peut résulter qu’un éclairage tout-à fait défectueux et incapable de donner une idée nette du relief de l’objet, puisque les ombres, s’il y en a, sont toutes dirigées de la circonférence vers le centre. M. Pritchard, à Londres, a évité une partie de ces inconvéniens pour l’éclairage des corps opaques, en renvoyant presque horizontalement, d’un seul côté, sur l’objet, au moyen d’un miroir concave placé verticalement auprès de l’objectif, la lumière d’une forte lampe, réfléchie une première fois par un miroir placé horizontalement.
Mais quelque soin que l’on prenne pour améliorer l’éclairage des objets opaques, il ne servira que fort rarement, quand, par exemple, on voudra étudier des surfaces métalliques ou miroitantes, ou nacrées, ou irisées, comme les ailes ou les écailles de certains papillons diurnes, ou les élytres de certains coléoptères à reflets métalliques, quand on voudra observer directement les aspérités de la surface de l’épiderme végétal ou des graines, etc. Dans toute autre circonstance, il sera préférable, pour les grossissemens les plus forts, d’étudier les corps par transparence, en les réduisant en lames très minces, et en les tenant plongés dans les liquides convenables pour les rendre suffisamment perméables à la lumière.
Éclairage par transparence.
L’éclairage des objets par transparence est le plus utile et véritablement le meilleur, quoiqu’il ne donne pas toujours une notion exacte de la forme et de la structure des corps, dont les diverses parties transparentes sont indiquées par des effets de réfraction et non par des reliefs et des creux, comme on serait tenté de le croire d’abord.
Pour de faibles grossissemens, il suffit de réfléchir la lumière du ciel ou des nuées par un simple miroir plan placé au-dessous du porte-objet, et qui produit le même effet que si le microscope sans miroir était dirigé vers la partie lumineuse du ciel. Mais pour des grossissemens qui dépassent soixante ou cent diamètres, un miroir plan, non plus que la lumière directe du ciel ne donnent plus une clarté suffisante, parce que la même somme de lumière est répartie sur un champ beaucoup plus étendu, et que d’ailleurs, l’absorption par les verres du microscope s’augmente en même tems que le pouvoir amplifiant. Il faut donc augmenter l’intensité de la lumière illuminante, et pour cela on remplace le miroir plan par un miroir concave dont le foyer répond à peu près à la position de l’objet soumis au microscope. On pourrait aussi se contenter d’interposer sur le trajet de la lumière réfléchie par le miroir plan, un verre lenticulaire dont le foyer coïnciderait de même avec la position de l’objet.
Ce simple changement dans le mode d’éclairage suffit pour les grossissemens au-dessous de 200 diamètres, et permet de se servir également de la lumière d’une lampe. Mais quand on arrive à des grossissemens de 300 et 400 diamètres, on est frappé des effets produits par la diffraction qui, sur le contour de tous les corps opaques ou fortement ombrés, fait naître une frange ou une ombre diffuse d’autant plus prononcée que le corps est plus étroit: on peut même, en variant la distance de l’objet au microscope simple ou composé, distinguer dans cette frange ombrée du contour, plusieurs bandes très étroites alternativement colorées, telles qu’on en voit dans les expériences directes sur la diffraction. Ces franges produites par les interférences des rayons de lumière, rasant le bord des objets opaques ou ombrés, seraient évitées si les rayons de la lumière illuminante avaient leur foyer de convergence sur le point même que l’on observe, puisque ces rayons continueraient leur route en divergeant comme s’ils partaient de ce point même, et que, par conséquent, ils ne pourraient en aucune manière produire d’interférence. Mais un tel resultat ne pourrait être obtenu complètement en raison de l’imperfection de nos appareils et de l’impossibilité de fabriquer des petites lentilles exemptes des aberrations des phéricité et de réfrangibilité. On peut toutefois approcher de ce résultat désirable, et diminuer beaucoup l’intensité des effets de diffraction dans le microscope. Voici la description d’un appareil dont je me sers:
Appareil d’éclairage propre à diminuer les effets de diffraction. ( Planche II, fig. 2. )
La lumière, pour être réfléchie dans l’axe de l’instrument, peut être reçue sur un miroir parallèle ou sur la base d’un prisme P. Dans ce dernier cas elle est plus vive, et les images sont plus nettes, parce que la réflexion est plus complète, et qu’il n’y a point, comme avec le miroir, une double réflexion, celle de l’étamage et celle de la surface extérieure de la glace.
Mais un prisme, pour donner la réflexion totale, doit recevoir la lumière presque horizontalement, ou de manière que le faisceau de lumière incidente fasse avec l’axe du microscope un angle de 70° à 75° au moins. S’il n’était pas possible de recevoir la lumière dans cette direction, en laissant le microscope vertical, il faudrait incliner l’instrument tout entier.
Le faisceau de lumière F G réfléchie dans l’axe de l’instrument G H, doit traverser le concentrateur A C, appareil formé de plusieurs lentilles achromatiques, qui concentre et réunit la lumière sur le seul point à étudier O.
La première lentille A ayant douze lignes de foyer, réunirait à cette distance les rayons du faisceau G I en un petit cercle qui n’offrirait pas encore toute l’intensité et surtout la netteté désirables, parce qu’une telle lentille ne peut être ni parfaitement aplanatique ni achromatique si on l’emploie seule.
Une seconde lentille B, de deux lignes de foyer, placée à 6 lignes en-deçà du foyer de la première, rapprochera ce foyer à une ligne et demie, et par conséquent rendra le cercle lumineux quatre fois plus étroit, et ainsi l’intensité de la lumière seize fois plus grande.
Si une troisième lentille C, d’une ligne de foyer, se trouve placée immédiatement au-dessus, et à une ligne et demie du foyer de la précédente; elle réduira la distance focale à 3/5 de ligne au lieu de 3/2, ou bien à 6/10 au lieu de 15/10; alors le diamètre du cercle lumineux sera réduit dans le rapport de 15 à 6, ou rendu deux fois et demie plus étroit, et l’intensité sera exprimée par le carré de ce nombre, ou 2,5 × 2,5 = 6,25, six et un quart. Or elle était déjà rendue seize fois plus grande; multipliant 16 par 6,25, nous aurons cent pour exprimer l’intensité que la lumière concentrée sur un point aura acquise.
Cependant, cette concentration n’est pas le seul avantage qu’on a obtenu ainsi, il en est un autre non moins important, c’est la netteté provenant de la destruction, par un heureux choix de lentilles, des aberrations de sphéricité et de réfrangibilité.
Pour juger à la fois si l’appareil fonctionne bien, et pour s’assurer si son foyer tombe exactement sur le porte-objet, on choisit une mire éloignée F, dont l’image réfléchie par le prisme, vient se peindre en O avec des dimensions microscopiques, au foyer de la lentille C. Cette image, grossie 300 ou 500 fois par le microscope, doit être bien parfaite pour conserver encore sa netteté : on peut donc juger que l’appareil est bien construit si, dans ce cas, il permet de distinguer des fils de fer à la distance de 300 mètres, par exemple.
La netteté désirée ne peut être obtenue qu’en se mettant rigoureusement à l’abri de toute lumière étrangère ou superflue, et voilà pourquoi, d’abord, une glace parallèle, introduisant toujours une double image, ne peut valoir un prisme.
Pour se débarrasser de toute lumière superflue, on interpose sur le trajet du faisceau de lumière incidente, un diaphragme LL n’ayant que tout juste l’ouverture nécessaire MM pour laisser arriver le faisceau dont on a besoin; en variant l’ouverture et l’éloignement du diaphragme, on arrive aisément à connaître la dimension convenable. J’ai cru remarquer qu’une petite ouverture, très rapprochée du prisme, donne plus de netteté qu’une plus grande qu’on éloigne davantage, et que cette petite ouverture, trop éloignée, donne des contours diffus aux objets; il m’a paru aussi que l’on gagne à rapprocher le prisme le plus possible du concentrateur.
Un autre diaphragme D, dans l’intérieur du concentrateur, intercepte les rayons transmis par les bords de la première lentille A, qui sont toujours moins bien travaillés ou moins propres; il arrête la lumière réfléchie par les parois du tube, et enfin, en réduisant le faisceau à sa partie centrale, il augmente beaucoup la netteté, et empêche que les images ne soient noyées dans la lumière.
L’image de la mire peut se voir par le microscpe directement dans l’air, et sans lame de verre interposée; mais elle gagne considérablement en pureté, si on la fait arriver à la face supérieure d’une lame de verre poli bien pur; car, en effet, alors, cette lame de verre peut détruire complettement un reste d’aberration de réfrangibilité. D’ailleurs elle alonge la longueur focale du concentrateur, dans le rapport de 2 à 3, c’est-à-dire que, si la longueur focale du concentrateur était seulement de 2/3 de millimètre, on pourrait lui superposer une plaque d’un millimètre d’épaisseur, et le foyer serait transporté sur sa face supérieure.
Le concentrateur étant ainsi mis au point pour une mire dont l’image se peint à la face supérieure d’une plaque de verre, et le microscope étant approché à la distance convenable pour montrer cette image avec une grande netteté, c’est-à-dire les foyers du concentrateur et du microscope étant en coïncidence parfaite, si, sur la lame de verre, on place un objet à étudier, son image se trouvera rigoureusement superposée à l’image de la mire. Donc les rayons qui font voir l’objet partent de l’objet même dans toutes ses parties, et ce ne sont point des rayons parallèles ou obliques qui, en le traversant ou en rasant ses bords, pourraient produire des franges.
Quand, au mois d’octobre 1838. j’ai fait connaître publiquement, par une communication à l’Institut, cet appareil dont je me servais depuis long-tems, et que MM. Trécourt et George Oberhaüser avaient désiré consigner dans leur brevet d’invention, je savais que Wollaston avait, long-tems auparavant, proposé de concentrer, au moyen d’une lentille, la lumière réfléchie par un miroir plan dans son microscope simple; mais j’ignorais que M. Brewster eût proposé de perfectionner l’éclairage de Wollaston, en faisant coïncider exactement le foyer de la lentille avec l’objet soumis à l’observation; cependant je crois que toute personne de bonne foi conviendra que son appareil décrit en 1837, dans son Treatise on the microscope ( p. 149, fig. 46), et reproduit dans le traité des microscopes de M. Charles Chevalier (pl. I, fig. 47 ) est tout-à-fait inexécutable avec son double système de lentilles et de ménisques non achromatiques, et qu’en partant des idées théoriques de l’illustre physicien d’Edimbourg, on n’eût point obtenu un résultat vraiment utile.
Au reste, si l’appareil était jugé bon, et qu’on voulût m’en contester l’invention, je m’en consolerais d’autant plus facilement que je n’ai jamais songé à m’en faire un titre scientifique. Je désirais le garder pour mon usage, lorsque M. George Oberhaüser m’avertit que quelques personnes étaient à la recherche du moyen que j’avais employé pour voir plus nettement les filamens locomoteurs des infusoires, et me décida, par ses offres amicales, à le livrer aux micrographes.
Depuis lors, cet appareil dont j’étais fort content, a été vivement critiqué, parce que, sans doute, on le jugeait d’après des pièces mal conditionnées, ou parce qu’on ne voulait pas prendre la peine de le juger. Quant à moi, je me suis tellement habitué au genre de netteté qu’il donne aux images, que je ne saurais m’en passer, et que je souffre en voyant les contours épais et estompés des images produites quand on éclaire simplement avec un miroir concave. Il en est de cela sans doute comme de ces qualités délicates et imperceptibles pour le vulgaire, qu’un bon artiste sent si bien dans un violon d’un grand prix. Je reconnais toutefois bien volontiers, que cet appareil d’éclairage est superflu sinon nuisible pour les faibles grossissemens, et que si on ne sait pas modérer l’intensité de la lumière qu’il apporte dans le champ du microscope, on ne distingue plus rien dans ce champ trop brillant, et l’œil se fatigue, non sans danger, à chercher ce qu’un diaphragme plus étroit ou une inclinaison différente du prisme réflecteur rendraient immédiatement plus visible, en y faisant naître des ombres.
Cet appareil peut également servir à concentrer la lumière d’une lampe; mais alors il faut éloigner le concentrateur du porte-objet, parce que sa longueur focale s’alonge à mesure que le foyer lumineux se rapproche.
Un inconvénient de cet appareil d’éclairage, c’est la nécessité d’employer exclusivement, comme porte-objet, des lames de verre d’une même épaisseur, ou du moins d’une épaisseur telle, que le foyer du concentrateur atteigne à leur face supérieure. Cela peut s’opposer à ce qu’on se serve de verres concaves, destinés à contenir des animaux dans l’eau, ou des compresseurs ordinaires, OU de certaines lames micrométriques etc.; mais les avantages réels de cet appareil nous semblent bien mériter que l’on prenne la peine de choisir des lames de verre d’épaisseur convenable, et qu’on supplée de quelque manière à ce qui ne peut être employé directement.
Cet appareil perdrait toute son utilité s’il n’avait toujours exactement son foyer sur la face supérieure de la lame de verre, ou sur les objets qu’on étudie; or la moindre différence d’épaisseur, soit de l’objet même, soit du liquide qui l’entoure, soit de la plaque de verre, nécessite un changement de position pour le concentrateur: à cet effet, il faut que, par un système de vis ou de leviers, ou d’engrenages, on puisse, à chaque instant, l’éloigner ou le rapprocher facilement d’une quantité insensible, sans qu il cesse d’avoir exactement son axe sur le prolongement de l’axe du microscope.