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AVANT-PROPOS

Table des matières

EN 1854, la Revue de Paris publia de ma plume une notice sur le biographe le plus original et le plus autorisé de l’Ecole néerlandaise: Campo Weyerman. Ce travail fut remarqué par les nombreux amateurs de l’Ecole néerlandaise à Paris.

Dès cette époque, Eugène Delacroix me fit part d’un désir qu’il manifestait plus tard par écrit, et qui a pris place au titre même de ce livre, où j’ai tenu compte de ses encouragements, pour notre grande école. Je lui fis part de mon projet, mais sa mort l’empêcha d’en voir la réalisation.

Victor Hugo qui m’honorait d’une amitié particulière depuis le temps où je lui avais dédié ma traduction des Elégies Romaines de Goethe, des ballades et des poésies fugitives du grand poète allemand, Victor Hugo fut particulièrement frappé de mon travail. Il ne pouvait pas croire, me disait-il, qu’une langue dérivée comme le néerlandais, parlé, écrit et compris par un nombre d’individus si restreint, possédât de pareilles ressources d’expression, de vigueur originale et de style abondant. Je lui objectai, que le néerlandais n’avait qu’une seule source, tandis que d’autres langues dérivées, celle de Shakspeare par exemple, en avaient plusieurs; que le fleuve néerlandais issu d’une source unique, offrait des ressources aussi abondantes que le fleuve de la langue anglaise, grossi par des affluents multiples. Avec ce désavantage, d’ailleurs, que le peuple anglais usait, pour s’exprimer, de mots dont l’origine lui voilait la véritable portée, tandis que l’écrivain néerlandais se servait de sa langue en parfaite connaissance de la force, de la signification de chaque mot, parcequ’il remontait aisément à travers une légère modification de la forme, à son origine primitive.

Le Directeur d’alors de la Revue de Paris, avait cru devoir supprimer dans le paragraphe de mon travail, consacré à Rembrandt, les vers reproduits plus loin, au chapitre consacré au peintre de tant de chefs-d’œuvre.

Weyerman les avait publiés précédemment dans sa revue de Rotterdamsche Mercurius,

Victor Hugo, à qui je les montrai, les jugea dignes de l’antiquité dont ils rappelaient la hardiesse dans leur dédain de tout voile; aussi les plaçait-il bien au-dessus de la Bacchante de Béranger qui semblait en être un pâle reflet.

Se reportant à ma traduction des Elégies Romaines, il prétendait que j’avais mis du mien dans celle des vers de Weyerman. Je lui assurai que je ne méritais nullement un éloge si flatteur, attendu que j’étais resté de tout point au-dessous d’un original placé à des hauteurs où jamais un traducteur ne pourrait atteindre dans aucune langue vivante et auquel la Grèce antique seule eût peut-être pu offrir un équivalent.

Les vers de Samuel Hoogstraeten, cités également dans mon livre, ne charmèrent pas moins le poète français.

M’ayant prié de lui donner une idée plus exacte de cette littérature néerlandaise qui constituait pour lui une véritable révélation, je m’appliquai, sur sa prière, à la lui faire connaître dans son ensemble. Je le considérais comme un devoir patriotique de conquérir à notre littérature nationale l’admiration du chef de l’école romantique.

Je lui traduisis donc successivement des extraits des plus anciens prosateurs, tels que du traducteur anonyme de Boèce, et comme poésie, la ballade ou complainte du comte Floris, assassiné par Geerardt Van Velsen. Je passai ensuite à Vondel, l’émule dans son Lucifer de Milton, auquel il est parfois supérieur; de Cats le sage moraliste du foyer; de notre grand historien Hooft. Puis, dans le genre léger, je lui présentai une idylle de la Hollandsche Arcadia de Heemskerk que Mme Victor Hugo comparait à des peintures de Watteau.

Parmi les modernes, je lui communiquai des pages de Simon Styl, le prosateur, et pour les poètes des morceaux de Helmers de Tollens, de Bilderdyk, de Bellamy.

Les efforts des Flamands modernes pour la création d’une littérature à eux, ayant un caractère original, n’avaient pas encore obtenu des résultats marquants. Malgré des talents incontestables çà et là, malgré beaucoup de bon vouloir, le mouvement flamand n’avait pas encore pu trouver son assiette.

Aussi n’aurais-je pu guère attirer l’attention du grand poète que sur un seul écrivain, sorti de l’ornière: Th. Van Ryswyck, un vrai poète celui-là, original, vigoureux jusqu’à l’exubérance, affranchi de toute influence étrangère. Il eût fait école, si la mort n’était venu l’enlever aux lettres flamandes dont il promettait de devenir le représentant le plus justement populaire.

Quant à mon livre, je me trouve à l’aise pour en parler, le mérite qu’il peut avoir n’étant pas de mon fait. Il revient tout entier à l’auteur éminent que j’y célèbre, et que je n’hésite pas à classer parmi les plus grands écrivains de la Néerlande.

On parcourra ces pages avec le même plaisir, dans son cabinet, en voyage, au coin du feu. Le livre amuse et instruit à la fois; il constitue un cours complet d enseignement pour l’artiste, et l’amateur le consultera avec fruit.

Je le présente donc avec confiance au public malgré les tendances futiles de l’époque, dominée, enchaînée par cette contradiction singulière entre les faits sérieux, sévères, sombres, aboutissant à un avenir plein de menaces, et les préoccupations frivoles du présent, l’indifférence la plus absolue à l’égard de ce même avenir auquel les plus sages ne voient nulle issue, et à l’entrée duquel jamais les mots sacramentels du Dante n’eussent pu s’inscrire plus à propos:

Lasciate ogni sperenza, voi ch’intrate.

L'École néerlandaise et ses historiens

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