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V

Table des matières

C’EST ab ovo que Weyerman a cru devoir commencer son histoire, en donnant un aperçu des peintres de l’antiquité. Cette partie de son livre n’offre d’autre intérêt que celui qu’il emprunte à l’originalité de l’auteur. Ainsi, il trouve étrange la mort de Zeuxis causée par le fou rire qui le prit à l’aspect du portrait d’une vieille femme «sujet bien plus propre à faire mourir de pleurer que de rire». En décrivant le tableau d’Athénion, représentant Achille découvert par Ulysse parmi les filles de Lycomède, il ne manque pas de faire en passant une allusion des plus lestes aux occupations du dit Achille, travesti en jeune fille «au milieu de ces roses de Jéricho ». Puis, il fait arriver Ulysse, «muni de robes de brocard, de coiffures du meilleur goût, de mouches, de rouge d’Espagne, d’éventails, de colliers, de bas de soie, voire même de pantoufles à festons, mêlé aux brillantes armures et aux flamboyantes épées au moyen desquelles il espérait découvrir le jeune héros».

La manière originale dont il rapporte l’aventure d’Alexandre avec Apelle et Pancaste, mérite également de fixer l’attention, comme caractéristique du genre de notre auteur. «Or, un jour Alexandre pria le peintre Apelle de faire le portrait de la plus chérie de ses maîtresses, in puris naturalibus, entreprise dangereuse pour un peintre fait de chair et de sang comme ce grand artiste, aussi éperdument épris des belles femmes, que les soldats le sont des poules des paysans. Cette maîtresse était, en qualité de la plus belle femme de son siècle, un digne modèle pour un pareil phénix; digne même d’être peinte par une main immortelle, ses charmes dépassant tout ce que les gammes et les couleurs terrestres pourraient atteindre. Apelle se mit à l’œuvre, après s’être armé de la tête aux pieds des maximes les plus sévères de la morale, sans songer que la morale n’est qu’une cuirasse de papier contre les flèches de Vénus; comme il en fournit bientôt la preuve, car, à peine Pancaste se fut-elle débarrassée de son dernier vêtement, qu’Apelle put dire: Adieu la philosophie! (textuel).» Cependant Alexandre observait les mouvements étranges du peintre, s’agitant sur son siège comme une jeune fille qui lirait, après son dîner, quelque chapitre dans un roman d’amour; et le prince sourit visiblement lorsqu’il vit les yeux du peintre, après avoir erré le long des près semés de lis du corps de Pancaste, s’arrêter soudain et se métamorphoser de planètes en étoiles fixes; tantôt l’artiste pâlit comme une jeune personne qui mâcherait de la craie, tantôt il rougit comme une dame qui, au moyen d’eau de framboise, aurait fait renaître les roses sur ses joues; tantôt il divague comme un patient en proie à une fièvre chaude; puis, tout à coup, il devint muet comme une cloche de village au reçu de la visite d’un coup de foudre. Ses pinceaux balottent dans sa main gauche comme les flèches dans le carquois d’un Parthe en fuite, tandis que sa main droite tremble comme celle d’un témoin irlandais après son premier faux serment. Bref, il parcourt tout un zodiaque de passions diverses, et il n’eût pu se remettre, même au bout d’un an et six semaines, du bouleversement que lui avait causé la belle Pancaste, sans la pitié du prince qui lui octroya la beauté dont les charmes s’étaient enracinés si profondément dans son âme, pendant qu’il s’efforçait de reproduire son corps surnaturel au moyen du pinceau.»

L’auteur ne manque pas de revenir une nouvelle fois sur la préférence qu’il faut accorder aux peintres sur les poètes; prétendant «que si le peintre Apelle n’avait pas représenté Vénus Anodyomène, la Callipyge (traduction libre, l’original l’étant trop) se trouverait encore occupée à pêcher des perles au fond de l’élément qui lui a donné naissance, élément aussi trompeur que ses charmes.»

Weyerman termine cet amusant prologue, assaisonné à dessein des plus gais anachronismes, en annonçant qu’il va faire paraître en scène les pères de l’Ecole néerlandaise. «Ainsi donc, mes amis, s’écrie-t-il, place au théâtre, le rideau se lève et la pièce commence.»

L'École néerlandaise et ses historiens

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