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IV

Table des matières

WEYERMAN fait précéder sa Biographie des Peintres d’une introduction qui, pareille à la façade d’un édifice bien conçu, nous donne une idée exacte du caractère, de l’ensemble du monument,

«Si le désir, dit-il, d’éterniser la mémoire, est une des plus nobles passions de l’homme, il convient surtout de cultiver les arts par lesquels nous arrivons à une espèce d’immortalité. C’est pourquoi les historiens et les poètes, chargés de dresser les listes de la renommée ont toujours été recherchés des grands et des hommes de mérite, ceux-ci n’ignorant pas que la splendeur de leurs hauts faits dépendait de la plume des premiers. Cependant, comme les hommes, dont les écrits doivent éterniser les faits glorieux de l’histoire, peuvent être séduits par leurs passions ou gouvernés par leurs préjugés, de manière à offrir au monde une représentation fausse de l’objet qu’ils célèbrent, une providence bienveillante nous dota de deux arts encore, pour exprimer et représenter l’être, les allures, et en grande partie le caractère des personnes qu’ils entreprennent de reproduire; et ces deux arts sont, la peinture et la sculpture.

Après ce préambule, l’auteur nous cite l’exemple d’Alexandre, qui ne voulait être représenté que par le pinceau d’Apelle et celui de Charles-Quint «se vantant d’avoir posé trois fois pour le Titien, comme d’une triple victoire sur la mort et l’oubli». Ne voit-on pas encore aujourd’hui, ajoute-t-il, se révéler sur les médailles ou dans leurs statues, la grandeur d’Alexandre, l’activité de César, la magnanimité calme de Scipion, la beauté de Cléopâtre?

Puis, comme s’il avait hâte de se montrer tout entier dés les premières pages de son livre, Weyerman nous raconte comment il s’indignait contre Charles II d’Angleterre à cause de sa vie scandaleuse, comment il n’en voulait pas moins aux duchesses de Portsmouth et de Cleveland «les deux principales sultanes du sérail de Whitehall ». Mais à peine a-t-il vu les portraits de ces beautés, dûs au pinceau du chevalier Lely, que sa haine passée se change en amour présent. Il excuse ce prince, maudissant la fortune, si avare de ses trésors envers les artistes, «auxquels il est rarement donné de choyer et d’adorer de pareilles maîtresses».

La prééminence de la peinture sur tous les autres arts, est chère au cœur de notre écrivain, qui cherche à l’établir dans ces termes: «Que pourrait-on concevoir de plus magnifique que la représentation dans un tableau, de la beauté du ciel, de la splendide verdure de la terre; de l’ordonnance et des proportions des temples et des palais; de la douceur, de la chaleur, de la force, du velouté des carnations; des magnifiques couleurs des vêtements; et surtout des caractères, des passions de l’homme, des usages, des manières, des cérémonies et des rites des nations; et tout cela sur un Petit morceau de toile du plus facile transport! N’est-ce pas là de la véritable magie? Et cet art qui la produit n’est-il pas supérieur à tous les arts? Et de l’idée de cet art, n’est-il pas facile de conclure à l’estime due à l’artiste? à l’artiste qui doit être à la fois peintre, poète, historien, architecte, anatomiste, naturaliste et mathématicien?»

«La peinture retrace la vérité, embellit la fable, plaît à l’imagination, égaie la vue, émeut l’âme. En un mot, le peintre vous fait asseoir à un banquet d’enseignements tacites, aussi éloigné du blâme que de l’éloge; enseignements que vous pouvez accueillir ou repousser, auquel vous pouvez retourner avec un plaisir nouveau, autant de fois qu’il vous plaira. Or, si ces qualités ne le recommandent pas à votre estime, je ne sais ce qui pourra le faire. Et cependant, par une étrange fatalité, nous prononçons le mot d’artiste, sans penser à l’art qu’il représente, et nous paraissons vouloir reléguer le peintre parmi les artisans, lui qui a le plus de droit de prendre rang parmi ceux qui exercent les arts libéraux.»

Nous ne suivrons pas Weyerman dans le développement ultérieur de sa thèse; mais nous croyons devoir enregistrer encore le passage de l’introduction relatif à son prédécesseur en Biographie: Arnold Houbraken, l’auteur du Grand théâtre des Peintres néerlandais.

«Le style d’Arnold est confus, plat, énervé, jamais il n’est à ce qu’il doit faire; ici on le croit tenir, et voilà qu’il vous échappe. Il ne ressemble pas mal à un cercueil, pareil aux deux bouts. Houbraken ne remplit jamais sa tâche; il nous donne une description à sa manière des sacrifices païens , au lieu d’une histoire suivie des Peintres néerlandais, quelquefois nous le voyons s’avancer comme une vaillante abeille, chargé du miel de la description biographique la plus attrayante, mais, dans son vol, il rencontre une toile d’araignée de l’histoire, ou une source stagnante de leçons morales, et le voilà s’embrouillant dans le réseau de la première où il demeure pris; ou bien, nouvel Icare, il tombe dans l’eau de la seconde, où il se débat à grands cris comme un nageur maladroit sans s’inquiéter davantage de sa ruche .»

Notre biographe fait suivre son introduction d’une explication de quelques termes empruntés aux langues étrangères, et fort en usage dans le langage artistique. «Ce qu’il en fait, dit-il, est pour le bien des artistes, la plupart gens d’extraction et d’éducation bourgeoises, et qui, par conséquent, n’ont ni le temps ni l’occasion d’apprendre les langues étrangères; d’où il résulte qu’ils tiennent souvent en présence de hauts personnages des discours qui font la honte de l’art, en même temps qu’ils tournent au détriment de l’artiste; la prononciation correcte, et la notion précise des termes d’art, étant pour l’artiste; ce que la jurisprudence est pour l’avocat, ce que les aphorismes d’Hippocrate sont pour les médecins, et les axiomes pour les philosophes... »

Les explications données par Weyerman sont assez originales pour que nous en communiquions une comme échantillon: celle du mot manière, par exemple, qu’il définit être «un terme servant à exprimer un certain faire du peintre qui caractérise non seulement sa main, mais son sentiment. Ce faire consiste dans la façon particulière de s’exprimer, au moyen de trois parties principales de la peinture; l’invention, la disposition et la couleur. Le mot manière appliqué au peintre, a la même portée que le mot style appliqué à l’écrivain; car la manière distingue le peintre comme le style fait de l’écrivain, comme la signature fait connaître le commerçant».

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