Читать книгу Du Droit du chasseur sur le gibier dans toutes les phases des chasses à tir et à courre - François-Ferdinand Villequez - Страница 6

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DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

Table des matières

Droit de chasse. — Droit de suite. — Droit du chasseur sur le Gibier.

Table des matières

1. L’erreur d’une assez grande partie de ceux qui pensent que l’on peut tirer devant les chiens d’autrui vient de la confusion qu’ils font du droit de chasse et du droit de suite avec le droit du chasseur sur le gibier, qui, bien qu’ayant un certain rapport de connexité, doivent être soigneusement séparés et ne sont pas réglés par le même genre de dispositions législatives.

2. Le droit de chasse et le droit de suite sont l’objet des lois spéciales sur la police de la chasse, qui en soumettent l’exercice à différentes conditions dont la violation entraîne l’application de pénalités prononcées par les tribunaux correctionnels, à la requête du ministère public ou des agents forestiers. C’est une question de droit pénal.

Le droit du chasseur sur le gibier qu’il poursuit, blesse, tue, ou dont il s’empare, est du ressort du droit civil ordinaire, du droit commun, du Code Napoléon; c’est une question de possession ou de propriété s’appliquant au gibier comme à toute autre chose, s’agitant entre deux particuliers, décidée par le juge civil, sur la demande de l’un d’eux. C’est le juge de paix qui sera d’ordinaire compétent à raison de la modicité de la demande.

3. Il se peut qu’à l’occasion de la prise ou de la poursuite du gibier, un délit de chasse ait été commis; c’est une autre affaire, de la compétence du tribunal de police correctionnelle qui en sera saisi par le ministère public. Elle est indépendante de la première et ne doit pas influer, généralement du moins, comme on le croit, sur sa solution, qui, du reste, peut être donnée par le tribunal déja saisi de l’autre, si la partie juge à propos de prendre des conclusions à cette fin aux termes de l’article 3 du Code d’instruction criminelle.

Les documents judiciaires nous offrent d’assez nombreux exemples de cette complication, qui ne doit cependant pas amener de méprise. C’est précisément à propos du dernier arrêt qui est parvenu à ma connaissance, et après une assez longue conversation avec d’éminents magistrats, que l’idée m’est venue d’écrire sur la question.

Cette décision n’a été, je crois, encore insérée dans aucun recueil; la voici:

(Procureur impérial contre Letiévant.)

Le 2 décembre 1861, les fermiers des chasses dans les bois de Boulay chassaient un lièvre mené de vive voix par huit chiens courants. Letiévant, revenant de la chasse au chien d’arrêt avec Deschaintres, traversait le bois de Boulay par le chemin vicinal de Charolles à Champlecy; il tire le lièvre, le prend aux chiens qui arrivaient dessus, le met dans son carnier et l’emporte. Le ministère public poursuit Letiévant comme s’étant rendu coupable d’un délit de chasse. Jugement du tribunal de Charolles qui déboute le ministère public par les raisons suivontes:

«Attendu, qu’il résulte de l’instruction et des débats de l’affaire, que le 2 décembre 1861, Letiévant, revenant de la chasse au chien d’arrêt en compagnie de Deschaintres vers 4 heures du soir, suivait le chemin vicinal de Charolles à Champlecy, lorsqu’un lièvre sortit du bois de Boulay, se présenta à la portée de ces deux chasseurs, fut tiré et tué par Letiévant qui le ramassa et le mit dans son carnier (il résulte de la déposition des témoins que les chiens, qui chassaient de vive voix, arrivèrent sur le lièvre que Letiévant leur prit).

«Attendu, que le gibier et le chasseur se trouvaient par hasard sur ce chemin public, sur un terrain communal;

«Attendu, qu’à la même heure plusieurs chasseurs, à l’aide de chiens courants, poursuivaient dans le bois de Boulay un lièvre lancé qui probablement était le lièvre tiré ;

«Attendu, que Letiévant a dû entendre cette chasse, et, qu’en tirant et emportant le lièvre chassé sans attendre les chasseurs, il a commis un grave manquement aux convenances et politesses que les chasseurs se doivent;

«Attendu, que Letiévant est muni d’un permis de chasse régulier; que, de la part de Letiévant, il n’y a eu aucun acte ayant pour objet la recherche ou la poursuite du gibier sur le bois de Boulay, et que le lièvre s’est présenté à l’improviste sur le chemin public, que le hasard seul l’a amené à la portée du chasseur, qui n’a rien fait pour l’attirer;

«Attendu, que d’après l’usage, on tolère la chasse sur les chemins publics et terrains communaux par ceux munis de permis de chasse;

«Attendu, qu’un fait de chasse exercé sur un chemin public en temps permis et par une personne pourvue d’un permis de chasse, ne constitue pas un délit de chasse;

«Par ces motifs: annule l’instruction, la citation et tout ce qui a suivi contre Letiévant, et, en conséquence, le renvoie de la prévention, sans dépens.» (Trib. de Charolles, 4 janv. 1862.)

Deux questions très distinctes se présentaient:

1° Y avait-il délit de chasse de la part de Letiévant? seule question à soulever par le ministère public.

2° Qu’il y ait ou non délit de chasse, Letiévant avait-il le droit de tirer le lièvre devant les chiens d’autrui, ne devait-il pas le rendre ou en rendre la valeur aux chasseurs même avec dommages-intérêts fondés sur le trouble apporté à l’exercice de leur droit, dans une forêt où peut-être il leur était amodié très-cher? Question purement civile, sur laquelle le tribunal ne pouvait statuer qu’à la demande de la partie civile, des chasseurs, et qu’en cas d’acquittement ceux-ci pouvaient porter devant la juridiction civile, aux termes de l’article 3, 2e alinéa du Code d’instruction criminelle.

Appel du ministère public, fondé sur ce que le chemin qui traverse un bois dont la chasse est amodiée, est amodié lui-même à l’adjudicataire, qui y a un droit de chasse exclusif, et, qu’aux termes de la loi du 3 mai 1844, Letiévant ne pouvant chasser que sur le terrain où il avait le droit de chasse, avait commis un délit de chasse; que décider autrement serait permettre à tout individu qui traverse un bois, d’attendre et de tuer le gibier chassé par l’adjudicataire.

Ici commence la méprise qui perce déjà dans le jugement. S’il n’y pas délit de chasse de la part de celui qui tue le gibier devant les chiens d’autrui, il lui appartient: voilà l’erreur. Que vous commettiez ou non un délit de chasse, vous n’avez pas le droit de tirer devant mes chiens. La question de savoir si j’ai un droit sur le gibier qui est devant mes chiens est indépendante du fait d’un tiers, délictueux ou non; si j’ai un droit, nul ne peut me l’enlever; je n’en ai aucun si le premier venu peut tuer et prendre le gibier, qu’il commette ou qu’il ne commette pas de délit.

Lorsqu’une personne s’empare d’une chose qui ne m’appartient pas, sur laquelle je n’ai aucun droit, je ne peux la réclamer, qu’il y ait vol ou non; si, au contraire, elle m’appartient, il doit être fait droit à ma demande.

Sur l’appel du ministère public, la Cour impériale de Dijon, appelée à statuer sur la question du délit, réforma le jugement du tribunal de Charolles:

«Considérant, que soit que le lièvre ait été tiré au moment où il sortait du bois de Boulay, soit qu’il ait été tiré sur le chemin même qui traverse ce bois, cet acte n’en constitue pas moins, de la part de Letiévant, un fait de chasse commis dans le bois de Boulay, dont la chasse ne lui appartenait point; qu’ainsi, il s’est rendu coupable d’un délit de chasse, commis sur le terrain d’autrui, prévu par l’article 11 de la loi du 3 mai 1844, et, que c’est à tort que les premiers juges l’ont renvoyé de la poursuite dirigée contre lui.

«Par ces motifs: etc.» (Cour imp. de Dijon, 29 janvier 1862.)

La Cour décide qu’il y a délit, parce que Letiévant a tiré dans un bois dont la chasse ne lui appartenait pas. Je crois qu’elle a bien jugé, quoique l’on puisse dire qu’un chemin communal ne peut faire l’objet d’un bail; je reviendrai au long sur ce point. Il n’est rien dit dans l’arrêt du droit des chasseurs sur le gibier chassé par leurs chiens, probablement parce qu’ils n’avaient pas pris de conclusions à cet égard, l’appel ayant été interjeté par le ministère public seul, auquel il n’appartenait pas de soulever la question, qui doit être complètement séparée de celle du droit de chasse et du droit de suite, ainsi que nous allons le voir en traitant séparément de ces trois droits.

Du Droit du chasseur sur le gibier dans toutes les phases des chasses à tir et à courre

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