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DROIT ANTÉRIEUR A 1790.

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Ce que je veux rechercher ici, ce n’est pas l’histoire de l’ordre des avocats , c’est sa constitution, sa discipline.

Avant le décret, du 11 septembre 1790, qui a supprimé l’Ordre, sa constitution et sa discipline existaient, ainsi que j’ai dit, bien plutôt dans les traditions que dans les règlements.

I. En effet, l’Ordre n’avait point été, à l’instar des autres corporations, organisé par lettres patentes du Prince; il se gouvernait exclusivement d’après ses propres usages, qui avaient acquis l’autorité des siècles, la plus puissante de toutes les autorités; il formait presque partout en France des compagnies libres, des associations volontaires de jurisconsultes et d’orateurs, qui se rapprochaient, sans autre motif d’union que celui résultant de travaux et d’affections de même nature. Toutefois, l’ordre des avocats était un corps légal; tous les Parlements lui reconnaissaient ce caractère.

Telle avait été la profession d’avocat à Athènes, telle à Rome dans les beaux temps de la République, indépendante, libre, exempte de toutes formes.

«Les avocats, dit M. D’Aguesseau, avocat-général

«au Parlement de Paris, ne forment point un corps

«ou une société qui mérite véritablement ce nom;

«ils ne sont liés entre eux que par l’exercice d’un

«même ministère: ce sont plusieurs sujets qui se

«destinent également à la défense des plaideurs plutôt

«que les membres d’un seul corps, si l’on prend

«ce mot dans sa signification la plus exacte. Le nom

«de profession ou d’ordre est celui qui exprime le

«mieux la condition ou l’état des avocats; et s’il y

«a une espèce de discipline établie entre eux pour

«l’honneur et la réputation de cet ordre, elle n’est

«que l’effet d’une convention volontaire plutôt que

«l’ouvrage de l’autorité publique, si ce n’est dans

«les matières sur lesquelles il y a des règles établies

«soit par les ordonnances de nos rois ou par les arrêts

«des Parlements; s’ils ont des distinctions justement

«acquises par leurs talents et par leur capacité,

«ce sont des prérogatives attachées à la profession

«qu’ils exercent, plutôt que des priviléges

«accordés par le Roi à un corps ou à une communauté ;

«et ils en jouissent, pour parler le langage

«des interprètes du droit, non ut universi, sed ut

«singuli.»

Du principe de son organisation, principe essentiellement volontaire, l’Ordre avait conclu que, s’il devait s’abstenir de toute attribution extérieure, il lui appartenait, à lui seul, de régler ses propres affaires et d’exercer la discipline sur ses membres. L’association entière voulut retenir ce droit, elle voulut en user dans un intérêt commun, dans un intérêt de famille; et jamais, il faut le dire, l’autorité, alors si ombrageuse, si absolue, n’eut la pensée de lui contester sa juridiction. C’était, au reste, une maxime dans l’ancienne police de la France, que chaque citoyen y était jugé par ses Pairs: le système des vieilles communautés qui embrassaient toutes les industries, avait au moins cela de bon.

Le seul acte qui servît à constater l’existence de l’Ordre était la liste des membres associés, qu’on appela d’abord rôle (rotulus), et depuis, TABLEAU .

L’Ordre avait jugé convenable de se donner un représentant plutôt qu’un chef. Dans les premiers temps, il choisit, à ce titre, le doyen, c’est-à-dire l’avocat plus ancien par le rang du tableau. Ensuite, comme le doyen se trouvait trop souvent empêché, par son grand âge, de diriger les intérêts de l’Ordre, on reconnut la nécessité de faire un autre choix, et naturellement, on dut y procéder par élection: l’élu fut nommé BÂTONNIER .

En 1662, le nombre des membres de l’Ordre s’étant considérablement accru, et ses réunions générales étant par suite devenues difficiles, un moyen plus simple fut adopté pour l’expédition des affaires qui consistaient notamment: dans l’admission au stage, l’inscription au tableau, les questions de discipline.

Le tableau des avocats fut divisé en fractions égales, qu’on appela colonnes. Il y eut dix colonnes à Paris, et chacune d’elles fut appelée à élire deux députés, qui, réunis au bâtonnier en exercice et aux anciens bâtonniers, formaient une espèce de comité. C’est ce comité qui fut chargé de régler toutes les affaires de l’Ordre.

Dans tous les cas, les parties intéressées pouvaient, en réclamant l’application du principe fondamental de l’institution, appeler à l’Ordre entier des décisions prises par la réunion particulière du comité : le bâtonnier était alors tenu de provoquer l’assemblée générale .

Aucune loi, aucun règlement, comme nous le verrons tout à l’heure, n’avait porté de peines disciplinaires contre les avocats qui viendraient à manquer aux devoirs de leur profession. Mais l’ordre avait compris qu’il n’est pas de société durable ni possible, avec l’impunité des abus. De même que tous les membres étaient convenus de n’admettre parmi eux que des hommes de leur choix, de même ils s’étaient réservé le droit de punir ou de rayer du tableau, selon la gravité des cas, ceux qui, après avoir été reçus, violeraient les règles communes, et pourraient compromettre, par de telles infractions, l’honneur de l’Ordre .

Ces peines disciplinaires étaient la réprimande publique ou à huis dos, la suspension temporaire, la restitution, la radiation du tableau. Les avocats adoptaient encore une mesure qui était l’équivalent d’une radiation infamante; ils refusaient de communiquer avec le confrère qu’ils jugeaient indigne de leur estime.

On tenait, en un mot, pour maxime, que tout ce qui porte une atteinte marquée à l’intégrité de la réputation est une raison suffisante pour que l’avocat soit rayé du tableau ou non admis.

L’avocat qui appelait de sa radiation prononcée parle comité, à l’assemblée générale de l’Ordre, pouvait récuser ceux de ses confrères qui lui étaient justement suspects .

D’un autre côté, lorsque la radiation avait été maintenue, la gravité de la mesure et l’équité contre laquelle les avocats s’étaient abstenus de réclamer, avaient introduit un usage qui permettait au confrère rayé de se pourvoir, par appel, au Parlement, contre l’arrêté de l’assemblée générale: alors, devant la grand’chambre du Parlement, les débats devenaient publics.

Il n’existait pas d’autre exception à l’omnipotence de l’Ordre. Toutes ses décisions, la radiation exceptée, étaient sans appel.

Après la radiation prononcée par le comité, le bâtonnier et les anciens se rendaient, même en cas de non-appel, à la grand’chambre, et lui exposaient le fait ainsi que les motifs de la radiation; il intervenait un arrêt portant: «que tel sera et demeurera rayé du tableau des avocats étant au greffe de la Cour.

«Mais ce n’était là qu’une chose de forme, la nécessité de cet arrêt venait de ce que le greffier, seul, pouvait opérer, avec l’autorisation de la Cour, la radiation matérielle sur un acte déposé en son greffe. On est heureux de reconnaître que messieurs les gens du roi se plaisaient à respecter l’initiative du barreau et à rendre, en toute occasion, un éclatant hommage au zèle, à la vigilance, à la fermeté, qu’il apportait dans l’exercice des fonctions disciplinaires.

La radiation du tableau pouvait encore être prononcée pour cause d’incompatibilité.

«La profession d’avocat, dit le nouveau Denizart, est en général incompatible avec toute profession qui peut faire l’occupation capitale d’un homme. Elle l’est avec les charges érigées en offices; elle l’est avec les places qui rendent subalterne, et auxquelles il y a des gages attachés» (§. VIII, 1. 748). Le barreau de Paris, où la discipline était plus sévère que dans les autres barreaux de France, appliquait aussi, avec plus de sévérité, le principe sur les incompatibilités.

Dans les juridictions inférieures, le droit, de discipline intérieure était moins absolu pour les avocats. Ils l’exerçaient par eux-mêmes, mais sauf l’appel aux Parlements, soit qu’il s’agît de l’admission au tableau, soit qu’il s’agît de l’application des diverses peines.

Enfin, il était de règle invariable, que les magistrats inférieurs ne devaient jamais intervenir dans les questions sur l’état des avocats. Jaloux de cette partie de leur juridiction, les Parlements y tenaient sans partage .

Cet appel, déféré et reçu au Parlement, est la preuve de ce que nous avons dit en commençant, que l’Ordre formait un corps légalement reconnu, puisqu’il rendait des décisions régulières.

J’ajoute que l’existence légale de l’Ordre se trouvait, d’ailleurs, implicitement consacrée par les dispositions dont parle D’Aguesseau, et qui étaient répandues çà et là dans les ordonnances royales ou dans les arrêts de règlement. Ces textes tracent encore quelques-unes des règles essentielles de là profession. Il me reste à en offrir, sous ce rapport, une analyse succincte, parce que ces règles sont maintenues par la législation actuelle .

II. Il n’existe aucun monument, ni même aucune tradition qui se rattache au barreau français des VIe, VIIe et VIIIe siècles.

D’après les Capitulaires de Charlemagne, qui mentionnent la profession d’avocat pour la première fois, en 802, on ne devait y admettre que les hommes doux, pacifiques, craignant Dieu, aimant la justice, sous peine d’élimination.

Depuis Charlemagne jusqu’à Saint-Louis, c’est-à-dire pendant quatre siècles, le barreau se perd dans l’obscurité qui couvre toute cette époque de notre histoire .

1270. — Les Établissements de Saint-Louis où sont posées les premières bases de l’ancien droit français, contiennent un chapitre particulier sur les avocats (chap. XIV).

Ils imposent, d’abord, à l’avocat, comme règle essentielle de sa profession, l’obligation de ne pas présenter à la justice une cause déloyale.

Ils veulent qu’il soit au besoin commis d’office pour la défense des indigents, des veuves et des orphelins. Ils lui prescrivent deux autres devoirs: «Et

«toutes les resons à destruire la partie adverse si

«doit dire courtoisement, sans vilenie dire de sa

«bouche ne en fait, ne en droit.

«Et si ne doit fere nul marché à celui qui pour

«qui il plaide, plet pendent; car droit le défend au

«Code de Postulando en la loi qui commence Quisquis

«vult esse causidicus, et ce appartient à loyal

«avocat.»

1274. — On s’étonne de voir l’autorité ecclésiastique s’occuper des avocats, et surtout de la question de leurs honoraires: c’est pourtant ce qui se fait avec solennité au concile tenu à Lyon, sous Philippe-le-Hardi, fils de Saint-Louis, le 7 mai 1274. Ces honoraires y sont fixés «à 20 livres tournois, avec obligation pour les avocats de renouveler, chaque année, le serment qu’ils ne recevront rien de plus.» Cette disposition singulière s’explique par e ux raisons: 1°. par le désir qu’avait la cour de Rome de ressaisir le temporel sur les rois de France; 2°. par le besoin qu’elle éprouvait de mulcter les avocats qui avaient combattu, avec tant de courage et de succès, la fameuse bulle de Grégoire VII. Pour ne pas paraître accepter le concile, le Roi fit publier, le 25 octobre suivant, une ordonnance qui, statuant à l’égard des avocats exclusivement, «porte à 3o livres le maximum de leurs honoraires, et en établit la proportion sur l’importance de l’affaire, sur le mérite et la célébrité de l’avocat.»

1627. — Une ordonnance de Philippe de Valois, encore régent (13 février), contient quelques dispositions réglementaires plus importantes.

«Aucun avocat, dit-elle, ne sera admis à plaider, s’il n’a prêté le serment, et s’il n’est inscrit au rôle des avocats (art. 41 ) .»

De là, la première origine connue du tableau; car ce rôle, rotulus, n’est autre chose que le tableau.

«Il est enjoint aux avocats, ajoute l’ordonnance, de se trouver au Châtelet, au soleil levant, sauf le temps nécessaire pour entendre une basse messe.

«Ils plaideront les causes, suivant l’ordre réglé par le prévôt.

«Un avocat ne pourra plaider dans la même audience que deux ou trois causes tout au plus, pour laisser aux autres avocats le temps de plaider les leurs.

«Tout avocat qui aurait prévariqué dans ses fonctions, sera exclu à toujours de l’audience.

«Le parc, c’est-à-dire, l’enceinte ou l’intérieur du barreau, est exclusivement réservé aux avocats et procureurs de la cause .»

1344. — Un arrêt, rendu en forme de règlement par le Parlement de Paris, à la suite de l’ordonnance du 11 mars 1544, qui l’avait réglementé lui-même, par des dispositions fort sévères, sous Philippe de Valois , porte des dispositions nouvelles sur les avocats, en reproduisant les anciennes.

«On fera, dit-il, une liste des avocats assermentés, dans laquelle on choisira les plus capables pour être conservés; les autres seront supprimés .

«Les avocats conservés ne pourront continuer leur exercice qu’après avoir prêté le serment suivant : de remplir leurs fonctions avec fidélité et exactitude; de ne point se charger de causes dont ils reconnaîtront l’injustice; qu’ils s’abstiendront de fausses citations; qu’ils ne chercheront pas à se procurer des remises par des subterfuges et des prétextes malicieux; que de quelque importance que soit une cause, ils ne recevront pas, pour leur salaire, au delà de 30 livres parisis, ni aucune autre espèce de gratification en sus des 3o livres (à eux cependant permis de recevoir moins); qu’ils rabaisseront leurs salaires en raison de la modicité de l’intérêt de la cause et de la médiocre condition des parties; qu’ils ne feront aucun traité avec leurs clients sur l’événement du procès.»

Le règlement ajoute: «Nul n’aura le titre. d’avocat (ce que portait déjà l’ordonnance de février 1327) s’il n’a été reçu en la cour après serment, et la qualité d’avocat ne donnera le droit de plaider qu’autant que l’avocat sera inscrit sur le tableau.

«Il est enjoint à l’avocat d’être bref dans ses plaidoyers et dans ses écrits.

«Un temps d’épreuve ou de stage, dont la durée n’est pas limitée, est exigé de lui, pour qu’il puisse se livrer à l’exercice du ministère.

«Enfin, il est commandé aux jeunes avocats d’user de respect envers les anciens dans toute occasion .»

D’autres dispositions ont reproduit et développé celles de l’arrêt du Parlement de Paris. Voici le résumé qu’en donne Laroche-Flavin, dans ses treize livres de l’histoire du Parlement:

II. «Advocats de la cour seront gradués in altero

«jurium, et seront receux en icelle et y presteront

«le serment (François Ier, 1535, ch. 4, «art. 15). Ne pourront requérir les causes estre «réappelées, si autres causes ne sont par achevées. «(François Ier, 1539, art. 20.)

III. «Se trouveront au commencement de la

«plaidoirie, autrement, seront tenus des dommages

«et intérêts. (François Ier, 1535, ch. IV, art. 15.)

IV. «Plaideront et escriront briefvement. (Jean Ier, «1363; Charles V, 1364; Charles VII, 1446, art. 24; «Charles VIII, 1493, art. 16; Louis XII, 1507, «art. 121; François Ier, 1528, art. 10. )

V. «Liront véritablement et sans obmissions, interruption

«ou déguisement. (François Ier, 1539, «art. 22 et 188. )

VI. «Ne partiront de l’audience sans licence de la

«cour. ( François Ier, 1535, ch. IV, art. 16. )

VII. «Ne procéderont par paroles injurieuses

«contre les parties adverses ou autres. (Philippe VI,

«1454; Charles VII, 1453, art. 54; Louis XII,

«1502, art. 122. )

VIII. «Ne pourront partir de la ville, sinon en

«remettant les mémoires prests ès mains du procureur,

«et laissant substitut. (François Ier, 1535, «ch. IV, art. 17. )

IX. «N’entreront en siège, sinon en habits décents,

«large robe, bonnet rond. ( François Ier, «1540, art. 30. )

XII. «Estant appelés au conseil feront serment

«qu’ils n’ont patrociné ne consulté pour les parties.

«(François Ier, 1535, ch. XII, art. 10, et 1540, «art. 17. )

XIII. «Ne seront pour les deux parties. (François Ier, 1536, ch. I, art. 35. )

XIV. «Seront donnés aux pauvres misérables

«personnes. (François Ier, 1536, ch. I, art. 38. )

XVI. «Ne doivent user de contentions et exclamations

«les uns envers les autres, ni parler plusieurs

«ensemble et s’interrompre. (François Ier, «1539, art. 40.)

XVII. «Ne doivent soutenir une mauvaise cause. ( Charles IX, 1560, art. 58. )

Il n’est intervenu, depuis Laroche-Flavin, qu’un très-petit nombre de dispositions réglementaires. Nous nous bornerons à indiquer les plus importantes.

1579. — Une ordonnance de Henri III, du mois de mai, dite ordonnance de Blois, tenta un essai, nouveau jusqu’à cette époque; elle enjoignit (art. 161) aux avocats de signer leurs écritures, et en bas de leur seing «d’escrire et parapher de leur main ce qu’ils auront reçu pour leur salaire, et ce, sous peine de concussion.» Mais elle blessa tellement la juste susceptibilité du barreau, qui était dans l’usage immémorial de recevoir ses honoraires sans en donner de quittance, qu’il refusa de se soumettre à la mesure.

En 1602, le Parlement de Paris, provoqué par Sully, qui se plaignait que dans un procès les honoraires de son avocat lui avaient coûté trop cher (1500 écus), rendit un arrêt portant que l’ordonnance serait exécutée. Les avocats se réunirent aussitôt, au nombre de trois cent sept, et résolurent tous de renoncer à leur profession: ce qui fut fait. Le cours de la justice ayant été interrompu, Henri IV dut intervenir, et confirmant l’arrêt pour la forme, par lettres patentes du 25 mai 1602, il les rétablit dans leurs fonctions, en les autorisant à l’exercer comme ils faisaient auparavant.

1667. — L’ordonnance de Louis XIV (tit. XXXI, art. 10) appliqua, d’une manière plus explicite, au tableau des avocats, un caractère légal, en ordonnant qu’il serait dressé tous les ans; elle rappela aussi la prestation de leur serment.

1693. — Arrêt de règlement du 17 juillet, déclarant: 10. qu’à l’avenir les écritures du ministère des avocats ne passeront point en taxe, si elles ne sont faites et signées par un avocat de ceux qui seront inscrits au tableau; 2°. que ce tableau sera présenté à la Cour par le bâtonnier des avocats; 3°. que l’inscription, sur le tableau ne sera accordée qu’aux avocats en plein exercice, et qui auront fréquenté le barreau depuis, deux années au moins.

Cette dernière disposition n’étant pas exécutée, malgré l’utilité qui s’en faisait sentir de plus en plus chaque jour, le bâtonnier vint exposer à la grand’chambre du Parlement, assemblée le 5 mai 1751:

«que l’on avait inscrit sur le tableau des avocats

«qui ne se destinaient pas sincèrement à cette profession;

«qui ne l’avaient pas exercée depuis, ou

«qui l’avaient exercée d’une manière prohibée par

«les règlements, et contraire au bien public, etc.

«Pourquoi il croyait devoir proposer à la Cour d’ordonner

«que l’on ne pourra plus être inscrit sur le

«tableau qu’après quatre années de fréquentation

«du barreau, dont on sera tenu de rapporter des

«certificats signés par six avocats qui seraient indiqués

«par le bâtonnier; que nul ne pourra être inscrit

«sur le tableau, s’il ne fait la profession

«d’avocat, et s’il n’a un domicile constant et connu

«à Paris; d’ordonner pareillement qu’il n’y aura

«aucune liste à la suite et séparée du tableau, contenant

«les noms de ceux qui n’auront pas fait leurs

«quatre années d’épreuves.»

Un arrêt du même jour convertit en règlement les mesures proposées, et depuis cette époque, jusqu’à la suppression de l’Ordre, le stage fut de quatre ans .

Il faut dire enfin, pour constater toute l’indépendance de la profession, que les avocats au Parlement portaient l’exercice de leurs fonctions partout. (Arrêt du Parlement des 27 janvier 1557 et 22 juin 1587. MORNAC, sur la loi 4 au Code de adv. div. judic., §. ult. ) Ils n’avaient besoin d’aucune autorisation. Il leur suffisait de prouver leur qualité, ce qui se faisait par un simple exeat, signé du bâtonnier.

Avec ces éléments, qui sont, je le répète, plutôt traditionnels que réglementaires, l’ordre des avocats parvint au plus haut point de prospérité qu’il soit donné aux établissements humains d’atteindre. Et cette brillante fortune, il la soutint pendant près de six siècles, par ses vertus et son caractère, autant que par ses talents et ses services. De tous les barreaux de France, il faut bien le dire aussi, puisque l’histoire l’atteste, le plus remarquable fut le barreau du Parlement de Paris. Il dut cette supériorité à deux causes: d’abord à sa discipline, qui fut toujours plus exacte et plus sévèrement exercée que partout ailleurs; ensuite à sa situation particulière, qui, l’identifiant en quelque façon avec le premier corps de l’État, l’associa souvent à ses actes et à son importance politiques. Si le barreau du parlement de Paris éprouva des vicissitudes au milieu des événements publics auxquels il fut mêlé par la force des choses, il sut toujours conserver sa gloire intacte. Peu disposé à empiéter sur les autres institutions sociales, il voulut, par un juste équilibre, qu’on respectât la sienne, et constamment il maintint ses usages, ses règles, ses droits. Il ne faillit jamais à cet esprit de corps sage et ferme, qui est la plus puissante sauvegarde de toute association. Dévoué à son pays, on se rappelle qu’il en défendit les droits avec un courageux patriotisme. Allié respectueux et fidèle de la magistrature, on sait qu’il la suivit dans ses disgrâces . Mais jamais, encore une fois, il n’aliéna son indépendance. Une réciprocité de déférences et d’égards était leur loi commune. La magistrature ne croyait pas se déshonorer en appelant à elle, dans les postes les plus élevés, les membres distingués du barreau. Plusieurs d’entre eux furent promus aux sceaux de France , et, comme de notre temps, l’on vit des gardes des sceaux ne pas dédaigner de rentrer au barreau, après avoir quitté la simarre .

Telle était la position de l’Ordre des avocats, lorsqu’il fut supprimé par un décret de l’Assemblée constituante du 2 septembre 1790, avec les Parlements dont il avait partagé les travaux, depuis leur création (en 1300). L’article 2 du décret porte: «Les hommes de loi, ci-devant appelés avocats,

«ne devant former ni ordre, ni corporation,

«n’auront aucun costume particulier dans leurs

«fonctions.»

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